106. Le village des plaisirs

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— Plus que deux jours, chantonne Jésus depuis le box voisin.

Je m’éveille aux côtés des jumeaux et de Cadeau. Le foin me gratte, alors je me lève pour virer les fétus coincés dans mes vêtements. J’observe mes deux amants en peignant mes cheveux. J’ignore ce que l’avenir nous réserve à tous les trois, mais nous isoler une semaine à Marais Rouges est une idée qui me plaît bien. Juste eux et moi, loin des angoisses et des dangers, loin des inquiétudes et des périls.

Je gratte mon dos, renfile ma chemise dans ma ceinture. Les yeux mi-clos, les jumeaux m’observent. Je fais mine de ne pas les avoir vu et siffle Cadeau :

— Viens te promener.

J’ouvre le box. Cadeau détale devant mes jambes pour aller arroser les poteaux de clôtures extérieur. Jésus passe sur ses bras et me sourit :

— Bien, dormi la Punaise ?

— Bof.

— Allez ! Tiens bon la barre, matelot ! Plus que deux jours !

— Mais je tiens très bien. Plus que deux jours sans compter le retour.

— C’est vrai. Les jumeaux dorment ?

— Je leur ai donné un somnifère.

Cadeau revient, alors nous gagnons l’intérieur de l’auberge. Maman, le shérif et Léonie sont déjà attablés. Je fais la bise à ma génitrice.

— Bonjour Maman.

À Léonie muette, puis à Apollinaire.

— Bonjour Beau-papa.

Il sourit simplement. Maman me demande avec malice :

— Le foin a été confortable ?

Je réponds à la question détournée avant de répondre à la question en elle-même :

— On a juste dormi, et le foin gratte.

— C’est ça, l’aventure, sourit-elle.

— Moi, ça m’a rappelé ma jeunesse, confie Jésus.

— Et Mélodie ?

— Tu te souviens de son prénom ? s’étonne Jésus enchanté.

— Votre histoire est trop émouvante pour que je l’oublie.

— J’ai rêvé d’elle.

Un sourire rêveur fend ses lèvres. Préférant le laissant à son souvenir de jeunesse, personne n’ajoute un mot et nous prenons le déjeuner.

Après que le shérif se soit entretenu une dernière fois avec le colonel, nous avons repris la route. Le voyage commence à me paraître long, mais, comme l’a dit Maman, c’est ce qui fait qu’il sera riche en souvenir.

Le climat est doux, et le paysage de plus en plus vallonné. À ma demande pour ne pas ressasser la soirée d’hier, les jumeaux me parlent de leur travail. Ils escortent tantôt des prisonniers, tantôt des fonds sinon des personnalités. Ils peuvent partir plusieurs jours, mais lorsqu’ils reviennent, ce n’est jamais une journée précise. Vivre à Marais Rouge pour garder contact avec mon monde me paraît compliqué si je veux jouir de leur présence à chacun de leurs retours. À moins de tout planifier avec exactitude, je leur explique que jongler entre leurs allers-et-venues, les programmations de spectacles au Païen, et ma vie privée, ce ne sera pas forcément aisé. Jésus derrière-nous, qui visiblement n’a rien loupé de la conversation, glisse :

— Tu pourras vivre au Païen.

Je me tourne sur ma selle, surprise qu’il nous écoutait. Je passe une jambe par-dessus la selle pour rester assise face à lui et Léonie et réponds :

— Je sais mais, au Païen, je ne peux pas recevoir régulièrement mes frères, prendre des nouvelles des copines, ou aller voir mon père.

— Les moments qui font la vie, ce sont ceux que l’on choisit.

— Je ne dis pas que je ne saurais pas faire de choix équilibrés. C’est juste que ça sera plus compliqué. Et puis les filles de mon monde, sans nouvelle de moi régulièrement, elles vont penser que les snobe. On vit une époque ultraconnectée. Même à distance… enfin chacun a sa vie, évidemment…

— J’ai une solution, dit Léonie.

Je tends la main pour recevoir sa réponse.

— Il suffit de créer une chambre quantique au Païen qui communique avec ton appartement. Une petite pièce, comme un placard ou ta salle de toilettes.

— On peut faire ça ?

Elle affiche un large sourire.

— C’est toujours moi qui ai le contrôle de la Forge.

— Je suppose que tu voudras une contrepartie.

— C’est une idée à creuser.

Elle passa sa langue sur ses lèvres alors je me remets à l’endroit sur ma selle pour lui tourner le dos.

— Je ne doute pas que nous parviendrons à nous voir souvent, dit Daniel.

— Et la rareté, c’est qui rend les instants précieux, ajoute Urbain.

— Tu veux que ça soit rare ? souris-je.

— Non… Mais…

— Je te brocarde.

Il sourit. Daniel ajoute à voix basse :

— Ce soir on dort en ville.

— Vous avez des idées en tête ? fais-je semblant de m’étonner.

— La leçon numéro trois, chuchote Urbain.

— Attention, celle-ci comptera pour l’examen, plaisanté-je.

Ils font ceux qui ont compris ma blague, mais je sens bien que j’ai tapé à côté. Je regarde droit devant-moi. Je commence à être fatiguée du voyage, mais je garde à l’avance une certaine nostalgie de leur futur dépucelage.

Fin d’après-midi, sous un soleil doré, nous arrivons au pieds des montagnes. La ville est vaste, bâtie non loin de flancs de roches taillés en escaliers. Il y a beaucoup de grues et autres outils pour de la grosse manutention, et cinq voies de chemin de fer se glissent entre les quais et les bâtiments. Deux trains à quai attendent leur chargement de pierres.

— Ça se rafraîchit, non ? constate Maman.

— Faisons quelques emplettes avant, suggère le shérif.

Nos montures parviennent dans la rue. Le plus grand établissement à quelques bâtisses de la mairie s’intitule Satinade, et propose « une grande variété de filles et des femmes de charmes. » Maman m’indique :

— Il y a peut-être possibilité de recruter.

— Il faudrait peut-être mieux d’attendre le succès du Païen 2 avant de trop recruter, suggère le shérif.

— En tout cas, ça a l’air de fonctionner, ici, commente Jésus. Ça doit être le plus gros bordel de France.

— Ce l’un des plus grands, mais ce n’est pas l’un des plus réputés, révèle le shérif. Il y a des bordels de luxe à Versailles ou dans des villes côtières dont les noms sont connus de tous. Ici, nous devrions trouver ce que nous cherchons.

Nous arrêtons nos chevaux devant la boutique qu’il a repéré. Elle vend des articles de tannerie et des manteaux en peau de bête. Nous achetons tous une veste en cuir doublée de laine à l’intérieur, ainsi que des guêtres fourrées pour mettre autour des mollets.

Le Grand Hôtel possède des bains où les hommes des mines viennent se détendre. Après avoir dîné une volaille un peu dure à mâcher, les jumeaux se lèvent. Urbain annonce :

— Excusez-nous, nous allons profiter des bains avant d’aller nous coucher.

— Vous vous êtes lavés hier, se moque leur père.

— Nous pensons que l’hygiène est une marque de respect, un acte incontournable, quand on partage la couche d’une femme, explique Daniel.

Ils disparaissent tous les deux. Léonie se lève à son tour :

— Un bon bain, ça délace.

— Ce n’est pas faux, dis-je.

Je me lève et emboîte le pas à la sorcière. Maman nous suit, peut-être par manque de confiance. Après avoir récupéré nos affaires de toilettes, nous gagnons la petite aile réservée aux femmes, bien moins grande que celle des hommes. Un bassin en forme de pentagone trône au milieu de l’unique pièce. Nous accrochons nos vêtements aux patères, puis nous trempons nos orteils dans l’eau tiède. Léonie s’y glisse sans effort. Elle s’adosse à la paroi et son nombril me regarde m’immerger. Surprise qu’elle ne me fasse pas son habituelle remarque suave, je lui demande :

— Ça va ?

— Et toi, ma Beauté ?

— Je m’inquiète pour toi. Tu as perdu Alpha, cela faisait longtemps que…

— Je préfère ne pas en parler.

— Dès fois, dit ma mère en entrant dans l’eau, ça fait du bien de parler.

— Les mots sont une chose, les gestes, une autre.

Je regarde Maman et lui chuchote :

— Tu peux nous laisser ?

Sa bouche s’entrouvre pour me répondre, puis d’un regard elle accepte et quitte la pièce. Je rejoins Léonie pose un baiser sur sa joue et lui murmure :

— Si tu veux pleurer dans mes bras, tu peux.

— Je n’ai pas envie de pleurer. Je veux briser la tristesse, pas l’exacerber.

Je caresse sa joue

— Je n’ai pas envie que tu sois triste, même si c’est une étape obligée quand on perd quelqu’un qui nous est cher. Je suis ton amie.

Je pose un baiser sur ses lèvres. Sa main remonte dans mes cheveux derrière mon crâne, et sa langue envahit ma bouche. Je la laisse m’embrasser, sa poitrine s’écrasant sur la mienne au rythme du souffle de ses narines sur mon visage. Lorsqu’elle s’arrête, un peu gênée, je ris :

— Quelle fougue !

— T’es commune une sirène. Je t’aime tellement que parfois je regrette d’être attirée par les femmes. Je t’aime tellement que je veux ton bonheur, alors qu’il me fait mal te se savoir préférer les jumeaux. J’ai… J’ai envie de toi avec une telle force que je ne sais même pas ce que je voudrais faire de nos corps.

— Ah… Ben… Ne fais rien.

Je l’étreins simplement. Elle hume mon cou, je caresse son dos en attendant que les secondes passent. Je ne pourrais dire que je reste insensible. Son baiser m’a donné envie de retrouver les jumeaux rapidement. Son entrecuisse se comprime contre ma cuisse. Je descends mes mains sur ses fesses, guide une de ses cuisses autour de ma taille. Ses bras se referment autour de mes épaules, elle se hisse et ondule imperceptiblement contre le relief de ma hanche.

J’observe son visage sans regard s’évader, se détendre. Elle brise le chagrin, soupir après soupir. Je pose de temps en temps un baiser dans son cou, juste pour qu’elle sente que je l’accompagne, nous seulement des mains, mais aussi de mon cœur. Je la flatte pour que ses sentiments explosent.

— Ne t’arrête pas. Tu es tellement belle dans le plaisir.

C’est ce qu’elle avait besoin d’entendre, et je suis honnête. Sans un gémissement, sans un son, elle se fige dans mes bras. Son corps tremble de plaisir. Je la relâche doucement et l’embrasse langoureusement.

— Merci, Fanny. Merci…

— De rien.

Je pose un dernier baiser, et m’empare de la pierre de savon avant de m’asseoir sur le rebord. Léonie s’allonge dans l’eau et se laisse flotter. Son œil sort de son nombril en y laissant les tentacules, juste pour m’observer.

Léonie soupire, de manière à peine audible :

— J’ai envie de t’embrasser partout.

Je fais celle qui n’a pas entendu. Je termine de me savonner, puis me plonge dans l’eau. Elle ajoute, comme si elle se racontait des contes à elle-même.

— On pourrait s’enfuir toutes les deux, parcourir le monde le jour, et s’aimer la nuit.

Je pose un baiser à mon reflet sur son front, un peu désolée de ne pas avoir la même histoire en tête.

— Bonne nuit, Léonie.

Je quitte l’eau, éponge ma peau et enfile mes vêtements à la hâte pour pouvoir traverser le couloir sans être jugée ni agressée. Je gagne la chambre, excitée et impatiente. À ma surprise, les jumeaux ne sont pas là. Je quitte mes fringues, dénoue mes cheveux, puis m’allonge nue sur le lit.

Ils reviennent uniquement enveloppés de leur drap de bain. Ils ferment doucement la porte et tournent la clé.

— Si je m’étais promenée ainsi entre les bains et la chambre, j’aurais dû payer cent francs pour atteinte à la pudeur.

— L’avantage d’être des hommes.

— Vous avez mis bien longtemps pour des hommes. Vous devez être particulièrement propres.

Daniel pince les lèvres et confie :

— Nous avons dû attendre d’être seuls.

Je m’assois en écarquillant les yeux et Urbains, les yeux brillantes, sourit :

— Nous avons une surprise.

— Une surprise bien tendue, j’imagine.

Ils ouvrent leurs draps et dévoilent leur corps, aux pubis fraîchement rasé. Je suis émue par une telle attention. Aucun autre homme de ce monde n’aurait fait preuve de coquetterie de la sorte pour moi.

— Un bon point pour vous.

Je tapote le matelas, puis me lève quand ils sont à ma hauteur. Nous nous embrassons, nous caressons. Urbain finit par demander :

— Quelle est la leçon du soir ?

— Ce n’est pas une leçon. C’est… une sorte de test. Je ne vous dis plus rien et vous faites preuve d’imagination. J’aimerais que ça dure toute la nuit.

— Faut dormir un peu quand même, dit Daniel.

— À vous de me rassasier.

Urbain a un éclat dans le regard. Il descend sur ses genoux, pose ma cuisse sur son épaule et ses lèvres sur ma vulve. Je m’adosse dans les bras de Daniel et ferme les yeux. Bien qu’impatiente d’être pénétrée, je respecte ma parole, je ne dis pas un mot, brûlante, à fleur de peau au poindre lapement. Ils finissent par m’allonger et Urbain demande :

— Il faut mettre la protection…

— Je n’en aurai pas assez. Allez-y.

Le sexe d’Urbain glisse le premier dans mon écrin détrempé, frissonnant de délice. Il confie à son frère :

— C’est encore mieux ainsi.

Daniel regarde simplement en me tenant la main. Je savoure cet instant sans imaginer la suite, profitant simplement de chaque seconde. Les premiers coups de reins suivent avec précision un métronome imaginaire, comme s’il se retenait. Rapidement, Urbain cède sa semence :

— C’est… divin.

Il retire son sexe, et Daniel prend sa place avant même que la frustration ne m’envahisse. Je caresse l’intérieur de la cuisse du premier tandis que son frère récupère la cadence qui me fait gémir. J’hasarde mes doigts sur les bourses et invite la vigueur à se maintenir. Les forces lui reviennent et quand Daniel d’interrompt à son tour, un peu soudainement. Urbain est prêt. Je me mets sur les genoux, laissant échapper leurs sucs et présente ma croupe. Urbain revient. Je serre les doigts sur le matelas et lui intime :

— Plus fort.

Vidés une première fois, les garçons démontrent une endurance délicieuse. Accrochés à mes hanches, agressifs dans leurs coups de reins, ils écoutent mes gémissements, se laissent guidés par mes conseils. Cette nuit, est un marathon inespéré d’orgasmes. Le premier m’est donné par Urbain, le second par Daniel. Après une petite pause pleine des caresses, de baisers à fleurs de peau, sur les fesses, les seins et le sexe, je les ai chevauchés l’un après l’autre. Les deux orgasmes qui ont suivi ont fait vibrer mon corps ont été longs et intenses.

Je me suis affalée entre eux, harassée par le quatrième. Le cœur tambourinant, le souffle court. Ils m’étreignent entre leurs corps brûlant. Dans l’obscurité, je ne sais puis qui est derrière, qui est devant. Je sens bien au souffle dans mes cheveux, qu’ils sont à bout. Je sussurre :

— C’est la nuit la plus folle de toute ma vie.

Celui dans mon dos présente son sexe au mien. J’enlace la hanche de celui qui me fait face pour le laisser entrer. Je n’en ai plus très envie, je viens chercher sa cuisse dans mon dos et dicte des mouvements lents. Mon cœur semble repartir aussitôt. Je pensais les éreinter, c’était sans compter sur leur esprit de compétition.

Ce troisième acte est voluptueux. Son frère le remplace par devant. Je n’ai pas cherché la jouissance, juste l’extase, la langueur. Les bourses vidées une troisième fois, c’est le sommeil qui les emporte à tour de rôle.

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