103. Détente

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Premier réveil exquis, étreinte par deux garçons gonflés de désir. Je me redresse dans le lit au chant du coq, alors que l’aube éclaircit à peine le ciel. Ils se tournent sur le dos, alors je me pivote sur mes fesses et remonte une caresse le long de leurs jambes. Mes doigts glissent dans leur fourrure pubienne. Je demande :

— Bien dormi ?

— Ce tableau au réveil est encore plus fabuleux que celui qui était peint dans mes rêves, répond Daniel.

— Aucun regret ?

Il sourit en secouant la tête et Urbain me confie :

— Peut-être celui de ne pas avoir cédé plus tôt aux avances de la panthère de Saint-Vaast.

— Panthère, ça sonne mieux que Punaise.

Je remonte les doigts le long de leurs phallus tendus, referme délicatement mes phalanges autour et passe mes pouces sur les freins. J’ai envie de voir si je peux les faire partir simultanément.

— De si doux mots méritent une petite attention.

Je vais et viens langoureusement, avec la légère rotation du poignet que je sais fatale, et je regarde leurs visages se détendre. C’est de courte de durée. Trente secondes et leurs mains se crispent sur le matelas, leurs muscles se durcissent. Urbain se cambre, sa semence se projette sur son torse, puis dix secondes plus tard, c’est au tour de Daniel. J’ai raté mon challenge, peut-être parce que je suis moins habile de la main droite.

Ils me sourient, les yeux humides. Je les embrasse l’un au l’autre sur la bouche, puis je sors du lit en arrière. Je ramasse mes vêtements :

— Je vous laisse faire une toilette, je vais sortir Cadeau.

Reconnaissant son nom, le chacal se lève en agitant la queue. Je m’habille complètement, boucle mon ceinturon, puis sors de la chambre sans que les jumeaux n’aient bougé. Quelle que soit l’issue de cette aventure, j’aurais au moins réussi leur séduction.

La rue est animée. Cadeau vagabonde d’une roue de calèche à un angle de maison. Le sergent Garcia me salue, un sac de farine sur chaque épaule.

— Bonjour Madame. Bien dormi, Madame ?

— Comme un bébé !

Le menton brillant de sueur, il me remercie d’un sourire et retourne dans son hôtel. Je m’adosse au mur et observe mon chien aller librement sans que personne ne s’en offusque. Je pense à cette nuit, et extrapole les prochaines. J’imagine à nouveau une alternance ininterrompue entre mes deux amants, permettant de faire durer des nuits entières nos ébats. Il va être difficile de me les sortir de la tête.

Le shérif sort de l’auberge et pose son regard sur moi. Je lui souris aimablement.

— Ça y est, ils sont devenus des hommes ?

Je fais mine de ne pas comprendre et il lâche avec un rictus amusé :

— Les yeux rêveurs et le sourire béat, ça ne trompe pas.

Je me sens rougir. Pas besoin de Twitter ni d’Instagram avec lui, il lit les comportements jusque dans leurs moindres détails. Il devine mon malaise et demande simplement :

— Ils ont été charmants ?

— Très.

Il soupire, et cherche à faire la discussion :

— Je ne pourrais pas supporter de partager une femme avec un second homme, mais j’imagine que de ton point de vue, c’est gagnant.

— Ben… Ça fait durer le plaisir.

Son regard balaie les passants. Puis il me confie :

— Je suis content qu’ils aient fait ça avec toi. T’es une fille bien.

— Merci.

Nous observons les passants sans rien dire. La vessie vide, Cadeau revient pister les odeurs près de nous. Après quelques minutes, Jésus nous rejoint, l’air serein.

— Tu es là, la Punaise ! Tu as déjà mangé ?

— J’allais rentrer. Cadeau ! Viens !

Le chacal me suit à l’intérieur, tandis le shérif retient le portillon pour nous y succéder. Ses fils descendent les escaliers et me sourient, fuient le regard fier de leur père, et s’installent à table, me laissant une place entre eux. Je m’y assois telle une reine, et ils m’embrassent simultanément sur la joue. S’ils ne se cachent plus devant leur paternel, c’est encore mieux.

Maman s’assoit à côté de Léonie et me sourit :

— Bien dormi, ma chérie ?

Je passe un bras sur la nuque de chacun des jumeaux et lui souris :

— Le genre de nuit qu’on aimerait revivre en boucle.

Ses yeux se plissent de malice pour m’indiquer qu’elle a compris.

Une nouvelle journée à dos d’équidés s’en suit. Pour le moment, rien n’indique que l’Eglise nous piste. Ni Léonie, ni le shérif ne semblent croire qu’ils aient abandonné. Alors que nous sommes assis près d’un étang, autour d’un dîner frugal, ils échangent leurs points de vue. Léonie est persuadée que nous n’avons qu’une journée d’avance sur l’Inquisitrice. Le shérif suppose que c’est la première fois qu’un ennemi de l’Eglise survit à leur assassin invisible, et donc que ça les a freinés, sinon engagés dans une réflexion pour revoir leur stratégie.

Le soleil baigne d’or les reflets de l’étang. J’ai envie de m’y jeter pur me rafraîchir.

— Il y a des animaux dangereux, dans l’eau ?

Le shérif secoue la tête, alors je me lève, me glisse derrière un bosquet et me dénude. J’avance mes pieds sur la terre meuble et trempe un orteil. M’apercevant que je n’ai pas de savon, j’hésite à crier avant de me rappeler que seul le shérif ne m’a jamais vue nue. Je reviens vers eux, leur conversation s’arrête et leurs regards me dessinent. Je m’accroupis pour récupérer la pierre de savon dans ma selle et leurs souris :

— J’avais oublié ça.

Je croise le regard du shérif, aucun rictus ne permet de deviner ses pensées. D’un clin d’œil j’indique à ses fils de me rejoindre, puis à pas prudents sur les branchages et les cailloux, je gagne l’eau tiédie par le soleil de la journée, et je m’immerge avec soulagement.

Je n’en ressors que pour me savonner, puis m’y replonge pour profiter de la fraîcheur. Mon œil ombilical observe, les petits poissons gris qui nagent loin de moi. Maman et Léonie gagnent le buisson où j’y ai accroché mes vêtements, puis se déshabillent à leur tour. Je suis un peu déçue que les jumeaux n’aient pas saisi mon invitation. Maman plaisante en s’avançant :

— On se dépêche de profiter du créneau réservé aux femmes avant la fermeture de la piscine.

— Après c’est le créneau des hommes ?

— Parce que les hommes se lavent ? s’étonne Léonie.

— Dans mon monde, ils sont aussi coquets que les femmes, dis-je.

Elle glisse jusqu’à moi et son œil ombilical s’approche sous l’eau. Elle pose ses mains sur mes hanches. Elle me confie :

— Je t’ai trouvée radieuse, aujourd’hui.

— Merci, Léonie.

Elle approche sa bouche de mon oreille et confie :

— En vérité, je suis un peu verte de ne pas être celle qui te rend ainsi.

— Je croyais que tu n’étais pas jalouse ?

Elle pose sa joue sur mon épaule et passe le bout de ses phalanges sur mon sein en répondant :

— Un peu malgré-moi.

Je croise le regard de Maman qui incline la tête pour me dire d’assumer. Elle s’éloigne avec la pierre de savon. Si le shérif approche, il ne verra pas d’un bon œil notre proximité. Toutefois, j’étreins Léonie pour faire cesser ses caresses. Sa respiration s’approfondit, son cœur se soulève contre ma poitrine. Ses ongles glissent dans le creux de mon dos. Je l’imite pour lui rendre un peu cette douceur que, je suis certaine, elle cherche en la donnant.

— Comment vas-tu faire quand tout ça sera fini ?

— C’est-à-dire ?

— Sans moi ?

— Rien ne m’oblige à partir loin de toi.

— Mais ça va être une torture.

— Je sais endurer la torture.

La discussion semble être impossible.

— Tu sais que je ne pourrai jamais être ton amante.

Ses bras m’étreignent plus fort, comme si elle cherchait à retenir un espoir qui s’étiolait. Je n’ose plus rien dire. Un sanglot silencieux agite sa poitrine, et me fait penser à l’invisible absence Alpha. Elle finit par confier avec une voix brisée :

— Quand tu auras obtenu la jeunesse éternelle, que tu seras rentrée à Saint-Vaast, je repartirai au château. Je vais le reconstruire, pierre par pierre, quitte à les faire venir du monde des Opaques. Je réunirai des partisans et séduirai autant de femmes qu’il en faudra pour t’oublier. —Ses mains descendent sur mes fesses, les pétrissent légèrement. — Sauf accident mortel, nous aurons l’éternité pour nous retrouver. Peut-être te seras-tu lassée de la masculinité.

J’opine du menton en m’écartant d’elle.

— Je vais retrouver mes amants du moment.

Elle m’a gâché mon bain. Je retourne près de la berge, vers le son de la guitare de Jésus. Maman a mis des linges pour nous essuyer. J’éponge ma peau, les pieds déjà bruns de la terre. Je n’enfile que ma chemise, et je rejoins les jumeaux. Je m’assois entre eux, sur mon sac de couchage. Ils se resserrent pour que je me blottisse, et j’écoute la musique de Jésus. C’est cool quand il ne chante pas, c’est calme et apaisant. Je ne veux pas penser à l’éternité, à la fin éventuelle de mon histoire avec les jumeaux, encore moins à l’idée de la lassitude amoureuse. La flamme, ça s’entretient.

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