CHAPITRE 2

La fillette leva ses yeux humides vers sa mère. Même dans la pénombre de la nuit, elle put voir son regard aussi froid que la roche. Son corps était droit comme une planche de bois, et son visage aussi terne que celui d'un cadavre. Pourtant, elle était bien vivante.

• Maman ?

La main d'un homme, qui semblait être le dirigeant d'un équipage, se posa fermement sur l'épaule gauche de la petite. La mère lui tendit une feuille, qu'il attrapa prudemment, laissant la fille sous la responsabilité de deux de ses sous-fifres, qu'ils emmenèrent en arrière.

• Maman !

Elle ne comprenait pas. Réveillée en plein milieu de son sommeil, sans prendre la peine de troquer son pyjama contre une tenue d'extérieur, sa mère lui avait promis de l'emmener dans un lieu plus riche que leur pays. Ses larmes reprirent de plus belle, au grand désarroi des deux hommes qui la tenaient fermement par les bras, si fort qu'elle crut avoir les os cassés. Le chef termina de lire ce qu'il avait sous les yeux, avant de lever la tête et assigner un sourire perfide. Il froissa le bout de papier dans sa poche, serrant ensuite la main de la femme.

• C'est d'accord.

Satisfaite, la mère tourna le dos sans un mot, et parti dans l'ombre de la nuit.

• Maman !!

La fillette fut embarquée avec dureté vers un bateau en bois. Ses cris de chagrins se firent de plus en plus fort, jusqu'à ce qu'elle voit tout ce monde sur le navire. Beaucoup d'hommes avec des habits tachés, des airs pervers sur le visage. Elle sanglota légèrement, avant que le chef ne s'accroupisse devant elle, posant son doigt abîmé sur sa petite bouche pulpeuse.

• Shh.. Petite sotte, ne vois donc tu pas ? Ta famille ne veut plus de toi. Désormais, ta famille, c'est moi.

Une pomme s'écrasa en plein vol sur la porte de la cabine du chef. Chaque pirate se figea sur place, fixant la pomme qui glissa sur la porte et tomba sur le sol dans un bruit discret mais bruyant, dû au silence causé par l'équipage. Plus aucun n'osait bouger et continuer la bataille de fruits, sauf une, qui délectait une jolie petite banane tout au centre.

Le capitaine sortit comme une furie de sa cabine, jugeant à leur tour chacun de ses employés, jusqu'à croiser les magnifiques petites prunelles vertes de sa fille adoptive. Il leva les yeux au ciel, et dans un revers de la main, haussa la voix.

• Rangez-moi tout ça.

Le souvenir s'estompa dans l'esprit de Keyah. Elle sera toujours impressionnée par sa capacité à se souvenir de son enfance rien qu'à un seul objet. En l'occurrence, cette fois, c'était cette banane qu'elle venait de terminer. Du coin de l'oeil, elle observait ces vieux pirates vaguer à leurs occupations, tels de bons employés.

Ils venaient d'accoster l'île favorite de Zemir, son père adoptif et patron du navire. Il adorait venir ici. Le royaume d'Atulïnn. Keyah a toujours cru que c'était parce qu'il échangeait tout le temps ses trésors avec la reine Hannah Garcia-Hall, et elle avait en partie raison. Mais cette fois, si ils venaient tous les jours depuis deux semaines, c'était par ce que le vieux pirate avait une idée derrière la tête.

Depuis deux semaines, elle avait pour mission de ramener la fille de la reine au navire. Seulement, il fallait déjà qu'elle fasse l'effort de sortir de sa piaule. Zemir disait qu'elle devait probablement sortir bientôt, elle était assez grande désormais. Elle n'y croyait pas, mais discuter ses ordres venaient à la même chose que de parler à un mur; inutile.

Elle jouait avec ses dreadlocks brunes, dont les pointes sont teintées en châtain clair lorsque le capitaine entra dans son champ de vision. Elle leva la tête et attrapa de justesse la longue vue qu'il lui avait lancée.

• Regarde ça.

Keyah jeta un coup d'oeil sur la terre ferme à l'aide de l'objet et esquissa un sourire lorsqu'elle vit une jolie blonde, plutôt mince, qui essayait d'enlever la poussière sur ses talons avec ses petites mains vernies. Elle leva de nouveau les yeux sur Zemir.

• Tu as dix minutes.

Ni une, ni deux, elle quitta le bâteau en un saut, atterrissant sur le sable de l'île.

Elle avança tranquillement, sans se presser. Elle vola en passant la montre d'un homme, pas très coûteuse, mais pas mal quand même, qu'elle enfonça dans une petite sacoche accrochée à sa taille.

Elle progressa lentement dans le petit marché, sans quitter sa cible des yeux. Elle tenta de se faire la plus discrète possible, mais ce n'était pas si facile. Chaque passant la dévisageait, de par sa tenue atypique de pirate mais aussi pour sa couleur de peau. Les îles d'Elinor acceptaient rarement la différence, et ça Keyah en était bien consciente. Cependant, elle sait que les paysans d'Atulïnn n'agiraient que si elle commettait un crime.. ce qu'elle s'apprêtait à faire, en quelques sortes.

Elle contourna la foule, jusqu'à finalement arriver derrière la princesse. Elle fit mine d'ajuster ses vêtements et enlever de la poussière imaginaire de ses épaules, avant de lui adresser la parole.

• Tu as l'air perturbée.

Elle tenta d'accentuer sa voix, de se faire plus amicale. La blonde se retourna, les traits du visages tirés, avant de détailler la pirate de haut en bas. Elle paraissait indignée que Keyah la tuttoie, ce qui fit sourire celle-ci.

• Vous êtes une pirate.
• Et tu es perspicace.

La princesse émit un léger bruit d'offusquement avant de tourner les talons. La métissé continua à la suivre avec amusement, les mains derrières le dos. Sa cible se dirigeait tout droit vers le navire de Zemir. Elle se jetait dans la gueule du loup sans s'en rendre compte. Au bout d'un moment, la princesse sembla craquer.

• N'avez-vous donc rien d'autres à faire que de me suivre ?! N'êtes vous pas...

Keyah arrêta d'écouter. Elle n'y avait pas prêté attention jusque là, mais cette petite peste blonde portait un pendentif en or pur, à la forme d'une coccinelle. Ce collier devait valoir beaucoup d'argent, même avec le trou que la coccinelle avait en son milieu, signifiant qu'il manquer une sorte de pierre précieuse. Elle se concentra de nouveau, esquissant un faux sourire.

• Ils sont vraiment fatiguants, tu sais ? J'avais besoin d'une autre compagnie.. Et tu étais seule. Elle modifia le ton de sa voix une nouvelle fois. Pourquoi fallait t-il qu'elle soit mielleuse et fausse pour amadouer quelqu'un ? Je m'appelle Keyah. Pas de réponse. Et toi ?
• Et en quoi cela vous intéresse ? À quoi cela sert-il de répondre à quelqu'un qui ne sait même pas qui je suis ?! La pirate sentit la colère monter, ce qui n'arrivait pas souvent dû à sa joie d'humeur constante. En plus de tout ça, le temps avait du fortement s'écouler, et si elle ne voulait pas une punition de Zemir qui risquait de débarquer ici, il fallait faire vite. Keyah devait fermer le clapait de cette prétentieuse.
• Et je suis censée connaître le prénom de la princesse qui n'est pas sortie de sa chambre pendant dix ans ?

Gagné. Elle l'observa baisser la tête et à observer les paysans tout autour. Keyah pensa un instant que la princesse devait croire que tous ces regards lui étaient adressées à elle, la pauvre petite héritière d'un royaume riche, ce qui l'arrangea quelque peu. Elle approcha sa main du pendentif.

• Ne t'en fais pas.. Je n'en parlerais à personne.
• Attention !

La pirate se sentit être éjectée au sol. Sa tête frappa gravement le gravier sur le sol, ce qui l'assoma immédiatement. Elle se sentit transportée, avant de définitivement somber.