Chapitre 7

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Le taxi déposa enfin Maddie devant le manoir, qui se hâta de frapper à la porte. Un valet en livrée lui ouvrit d'un air étonné :

- L'enquête n'était-elle pas close ? Mrs. Blake vient de quitter la propriété, et j'ignore quand reviendra-t-elle !

- Pas de problème, Walter, lança la détective avec désinvolture. Je viens simplement récupérer une chose que j'avais oubliée en cuisine.

- Pour votre gouverne, grimaça le laquais, je ne me nomme pas Walter, mais Andrew Morley. Voulez-vous que je vous accompagne ?

- Ce ne sera pas nécessaire, le coupa Maddie en entrant.

Sans se soucier du regard vexé de l'homme, elle continua son chemin le long des interminables couloirs. La diplomatie n'était pas son fort, et sans Joanna pour la contenir, il lui arrivait souvent froisser ses interlocuteurs.

Elle retrouva rapidement le chemin de la cuisine, ou son carnet l'attendait effectivement sur la table, à côté d'un plat de poulet très appétissant. Maddie se dirigea vers la porte pour quitter la pièce, quand un mouvement, à la limite de son champs de vision, l'arrêta. Avec un réflexe plus rapide que le foudre, elle se retourna et pointa son pistolet vers l'intru... qui n'était autre qu'un minuscule perroquet vert et bleu. Le volatil se posa sur l'étagère, et d'un mouvement bref, attrapa dans son bec un brin de ciguë, que la police était sensé confisqué dans l'heure à venir ! Toujours immobile, Maddie l'observa, bouche bée. Elle n'esquissa pas un geste, quand, insolemment, l'animal déposa avec délicatesse le poison dans la sauce du poulet, ni même quand il repartit à tire d'aile.

Car, dans sa tête, tout s'assemblait.

Les divagations de la cuisinière, le "foutu piaf".

La cage à serin que Joanna lui avait décrite.

La mention d'un oiseau australien, dans le journal d'Augustus.

Ce fut à ce moment qu'une bonne entra et apostropha Maddie :

- C'est vous la grande détective ?

Son ton était ironique, sa voix défiante. Elle ne laissa pas son allocutrice répondre, en ajoutant :

- Je suis la petite-fille de Mrs. Marshall. La cuisinière. J'peux vous dire, moi, j'étais là quand le maître il est venu prendre sa tisane. Elle a rien mis d'étrange dedans, la vieille. Juste de la mélisse et de la sauge, comme monsieur il aime bien. Et, contrairement à la carotte, ça se confond pas avec votre poison. Alors, ça veut dire qu'en plus d'avoir emprisonné une personne innocente, vous avez laissé le vrai tueur en liberté, et ça, c'est pas ce que j'appelle du boulot bien fait !

- A vrai dire, déclara Maddie après ce monologue, je suis d'accord avec vous. Il est temps d'arrêter le coupable, et de le remettre dans sa cage ! Au fait, ne mangez pas ce poulet. Il est toxique.

Et elle partit en courant vers la grande veranda. Là-bas, elle pourrait sûrement trouvé de la nourriture pour attirer sa cible.

En effet, elle découvrit dans le laboratoire une dizaine de sac de graines. Elle en attrapa un au hasard - tournesol et millet - et retourna dans la chambre du mort. Là, elle remplit la cage avec le mélange de friandise, et sortit son piège dans le jardin. Elle le posa bien en évidence sur la pelouse, et attacha en vitesse un bout de ficelle à la petite trappe. Heureusement qu'elle en avait toujours dans la poche ! Une fois cachée derrière un buisson fleuri, elle attendit. La patience n'était pas son fort, mais plus longtemps la perruche resterait en liberté, plus elle pourrait jouer de tour semblable aux meurtre d'Augustus ! Plusieurs dizaines de minutes passèrent... Et enfin, l'oiseau apparut. Il se posa à un mètre de la volière, mais, soupçonneux, n'y rentra pas. Soudain, il ouvrit le bec, et quelle ne fut la surprise de Maddie quand elle entendit une voix en sortir !

« Un rrrepas pourrr moi ? Superrrrbe ! »

Un pas. Puis un second. En tendant le coup, il pouvait presque atteindre la nourriture. La perruche hésitait : son instinct lui hurlait de ne pas retourner dans la cage dont elle avait réussi à s'échapper une fois, mais sa gourmandise fut plus forte : d'un bond, l'oiseau rejoignit le tas de graine et vlan ! Maddi tira sur la trappe de l'oisellerie​​​. D'un geste vif elle sauta sur la cage et la vérouilla, sans prêter attention au volatil qui piaillait, voletait et criai de sa voix nasillarde :

« A moi ! Au voleurrrr ! On m’enferrrrme, on m’emprrrrrisonne !»

Le bruit ne tarda pas à attirer des domestiques, rejoints à leur tour par Nina Blake qui rentrait de sa course en ville.

- Mais que ce passe-t-il donc ! s'exclama-t-elle, incrédule.

- Je vous présente le meurtrier ! déclara fièrement Maddie.

En une heure à peine, la police, les journalistes ainsi que Joanna arrivèrent sur les lieux. Cette dernière se fraya un passage à travers la foule, et congédia d'un geste un envoyé qui lui demandait avec passion de lui décrire le meurtre de Mr. Blake.

- Madame, lança-t-elle à Maddie d'un ton indigné, pourriez-vous m'expliquer ce qui vous est passé par la tête ?

- Avec plaisir, ma chère enfant !

Et en quelques mots, elle exposa mes faits qui lui avaient permis de résoudre l'affaire. Les yeux ronds de Joanna se firent concentrés, puis carrément admiratifs.

- Brillant, souffla-t-elle ensuite. Que nous reste-t-il à faire ?

- Cette perruche va être confiée à la Fondation Nationale de Recherche Génétique, dans les plus bref délais. La cuisinière sera relachée, mais mise sous surveillance. Elle a tout de même rapporté de la ciguë dans le manoir...

- Vous avez raison, approuva Joanna. Autre chose ?

- Pas vraiment. Vous avez l'air pressée, remarqua Maddie, pourquoi donc ?

- Votre supérieur vient d'appeler à l'hôtel. Une femme a disparus à Lincoln, le sir même de son mariage. Vous y êtes expressement demandée.

- Allons donc, concluons rapidement cette enquête et quittons Dandee !

Aussi vite dit, aussi vite fait : ignorant les reporters surexcitées, elles rendirent leur rapport d'investigation, remirent l'oiseau tapageur aux forces de l'ordre et saluèrent laconiquement Mrs. Blake. Elle bondirent dans le premier train qui passa, et s'assirent enfin sur les banquettes brunes.

La locomotive s'éloigna dans un nuage de vapeur, et le quai se visa peu à peu dans la nuit tombante.

Encore une enquête résolue pour Maddie Mapple !

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