# 1337 Extrait de dossier - Jour 16

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Jour 16



Ça n'a pas été facile de rêver à nouveau. Ou plutôt : ce n'est pas facile de se souvenir de ses rêves. En même temps, il paraît que ça se travaille. Je n'en avais jamais eu besoin avant. Je m'en fichais de rêver, j'avais tout ce qu'il me fallait. En me concentrant, j'ai réussi à me souvenir de quelques bribes depuis la dernière fois.

Rien de suffisant. Pas assez pour reconstruire une histoire ou sentir mon cœur battre comme avant. Et puis j'ai beau noter mes souvenirs chaque jour, ils disparaissent le lendemain. Alors je les renote. Chaque fois que je prends la tablette, je rajoute de nouveaux rêves. En essayant de ne pas oublier les précédents.

Je me souviens d'un énorme complexe de loisirs. Il y avait surtout une gigantesque sphère d'eau, qui ressemblait à la piscine zéro-G dont raffolent les jeunes. Mais le lieu était différent du complexe de la mégalopole A. Et puis, je n'ai jamais trop aimé l'eau, alors j'y allais rarement. Jusqu'à ce que je passe l'âge.

Il y avait une foule, dans un autre rêve. Énorme, gigantesque et mouvante. Je la voyais de haut. Une vue aérienne comme depuis un Lévitateur. Je ne sais pas où j'allais, ni même si c'était moi qui conduisais. Je me souviens juste de la foule. On aurait dit une inondation, noirâtre et grouillante. Une invasion d'eau croupie, une multitude d'individus insignifiants. Ce n'était pas agréable. 

Il me semble avoir rêvé d'une maison, aussi. Le même genre de maison qu'on retrouve un peu partout dans les pubs holo, projetées par des Lévitateurs de commerce. J'ai toujours détesté ces satanées pubs. Elles vous laissent croire qu'au-delà des mégalopoles, il y a encore des espaces immenses et verts qui ne demandent qu'à être habités. Des espaces immenses sur lesquels on pourra construire une superbe maison en bois, et y couler le reste de ses jours en toute sérénité. Ce n'est pas vrai. Il n'y a plus de bois, plus d'herbe, plus de nature, plus d'espace. Il n'y a que des tours d'acier et de verre, et des étendues stériles de béton. Saloperie d'enfoirés d'humains.

Je me souviens d'escaliers en fer. Il y avait des dessins d'enfant sur les murs. Je ne sais pas vraiment ce qu'ils représentaient. Ils étaient très maladroits. On peut à peine appeler ça des dessins. Je dirais plutôt des gribouillis. Mais c'était très coloré, et agréable. Les couleurs chaudes et intenses dénotaient avec la froideur du métal.

Je crois aussi avoir vu Anna, en rêve. Je n'en suis pas tout à fait sûr. Elle était de dos. Elle regardait l'horizon, à travers la vitre épaisse d'une immense capsule. Ce n'était pas la mienne, de capsule. Je suis incapable de savoir ce qu'il se passait ensuite, je suis incapable de savoir si elle m'a regardé dans les yeux. J'aurais tant aimé passer du temps avec elle... Quel malheur de ne pas m'en rappeler. 

Et enfin, je me souviens que je tombais. Une chute libre. Même quand j'étais à la surface, je n'ai jamais été aussi haut que dans ce rêve. Je ne sais plus pourquoi je tombais. C'était interminable. Peut-être qu'on m'a poussé des Hauteurs. Peut-être que j'ai sauté de moi-même. Dans tous les cas, la sensation liée à la chute est celle qui m'a le plus marqué. C'était agréable, de tomber.

J'ai aussi arrêté de me nourrir. Et même de boire. Depuis que j'ai rêvé du serpent. Ça fait trois jours maintenant, je crois. Mais je ne me sens pas plus fatigué, je n'ai même pas soif. Je n'ai pas la gorge sèche, ou le ventre qui gronde. Rien. Aucun changement.

Est-ce que je suis déjà mort ?

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