Chapitre 1 L'héritage (partie 3)

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La maison de mes parents se nichait dans une petite impasse donnant sur la Savoureuse coulant à l’est de la ville. J’étais heureux de retrouver le havre familial que je n’avais pas revu depuis des mois et Jules partageait mon entrain. Il se réjouissait de rencontrer mes parents et, même s’il s’agissait d’un milieu bien en-dessous du sien, il s’y sentit immédiatement à l’aise. C’est le privilège des classes sociales supérieures de se sentir chez soi partout ; et la délicieuse odeur de tarte, tout juste sortie du four, qui nous accueillit, quand mon père nous ouvrit la porte, joua aussi, je pense, un rôle non négligeable dans la mise en bonne condition de mon ami.

Les retrouvailles eurent lieu devant un apéritif suivi d’un délicieux repas et furent chaleureuses. Très vite, la question du testament de Pierre devint le sujet de la conversation et mes parents ne cachèrent pas leur aversion pour la décision de mon oncle. À leurs yeux il était évident qu’il n’y aurait rien de bon à tirer de cet héritage. J’ignorais pourquoi Pierre avait coupé les ponts avec notre famille et pourquoi il provoquait, chez ma mère surtout, une telle hostilité. En fait je savais peu de choses sur lui, si ce n’est qu’à l’âge de vingt ans, en 1945, tout de suite après la guerre, il avait quitté la France et parcouru le monde. Il était revenu une dizaine d’années plus tard, à la tête d’une immense fortune. Voilà, en tout cas, ce que me racontait invariablement ma mère chaque fois que je l’avais interrogée sur lui. Et j’eus la même version des faits ce soir-là, sans autre détail nouveau. Toutes mes tentatives pour en savoir plus (ainsi que celles de Jules que cette histoire d’oncle paria fascinait de plus en plus) se soldèrent par un échec.

Une fois le repas terminé, mon père profita de la présence de Jules pour lui montrer son impressionnante collection de modèles réduits (bien que certains d’entre eux pussent atteindre une taille considérable) en Meccano, ce jeu de construction fait de pièces métalliques auquel il s’adonnait avec passion et un talent certain depuis l’enfance. Mon père était toujours généreusement ravi de faire fonctionner ses machines devant un regard neuf et le plus souvent émerveillé. Pendant ce temps, j’aidai ma mère à faire la vaisselle. Elle demeurait silencieuse et semblait inquiète, elle qui, d’ordinaire, était volontiers encline à converser de tout et de rien.

- Annah… murmura-t-elle soudain.

Elle était au bord des larmes. Annah était la petite sœur de ma mère, née un an seulement après elle. Elle était morte alors qu’elle n’avait pas vingt ans d’une noyade. Je savais qu’il s’agissait d’un souvenir fort douloureux pour ma mère et pour ses frères, et le nom de cette sœur tragiquement disparue en pleine fleur de la jeunesse était rarement prononcé. Moi-même, j’avais appris ce qui lui était arrivé en grapillant de-ci de-là des informations, lorsque mes oncles, au cours de repas de famille, un peu désinhibés par l’alcool en parlaient à voix basse. Je ne comprenais pourquoi elle avait invoqué ce nom enfoui par le temps et le chagrin. Était-ce en lien avec le décès de mon oncle ? Je l’interrogeai du regard, mes yeux la suppliaient de me répondre mais ma mère resta murée dans un silence qui enveloppait le passé de ma famille dans le plus épais mystère.

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