7 . When whe meet

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- Kalandra . Brave new world -


J'avais passé une bonne partie de la matinée à tenter d'échapper à Ayn. Je voyais ça comme un jeu. Un jeu sans conséquence puisqu'elle ne pourrait jamais me forcer à faire quelque chose contre ma volonté.

Elle apparait pourtant déterminée, et j'ignore ce qui la laisse croire qu'elle pourra avoir gain de cause sur ce sujet. Je n'ai jamais été malléable. Elle le sait.

Hier, alors qu'elle discutait avec un de ces énième galant auquel elle espère tant m'attacher, je l'ai pourtant entendue vanter mes mérites de poulinière de premier choix.

Ce mensonge éhonté m'a presque soulevé le cœur.

Les Ilotahs sont stériles.

Mes parents ont étés, avec ma grand mère, les seules exceptions. Mais à ma connaissance, aucun autre Ilotah dans le monde ne s'est jamais reproduit.

Le mariage de mon frère est resté sans enfants et Constantine en a pourtant eu en dehors de leur union.

Il s'avère abject de dispenser de tel espoirs afin de duper un futur prétendant.

Je parviens en haut de l'escalier qui mène à l'aise des invités et pénètre dans le long couloir de pierre quand la voix de Ayn retentit à l'autre bout du corridor. Elle n'est pas seule.

Je peste intérieurement. Je dois à tout prix l'éviter.

C'est à ce moment précis que la porte sur ma gauche s'ouvre grand, révélant une silhouette masculine.

Percevant le ton d'Ayn en approche, je me rue sur lui pour le plaquer contre le mur qui nous dissimule du couloir avant de le bâillonner d'une main et d'enfoncer mon avant bras libre dans son torse.

J'entraperçois ses sourcils blonds qui se froncent quand il réalise qu'il n'a pas vraiment la latitude de protester,étant donné la fermeté dont je fais preuve.

J'entends Ayn se rapprocher de nous, mais la voit stoppée dans son élan par son interlocuteur qui la saisit par le coude.

— Vous n'avez pas respecté vos engagements !Dois-je en déduire que votre parole n'est qu'une promesse dans le vent ?

— Ne me manquez pas de respect, vous pourriez le regretter ! Vous aurez ce qui a été convenu en temps et en heures.

De quoi parlaient-ils ? J'étais toute ouïe, maistout aussi préoccupée de maintenir en respect le géant contre moi.

En levant les yeux sur lui, je constate qu'il est tout aussi concerné par la situation. Nulle colère n'anime son expression. Je l'ai reconnu. La veille au soir, il fuyait la grande salle, il fuyait Iain MacRuari. Et lors du rituel, c'est lui qui m'a fait face le dernier.

Gwendal MacRuari.

Il me fixe sans ciller, sans s'agiter, seules ses narines palpitaient au dessus de ma main au grès de ses respirations. Une mèche de cheveu blond cuivré dégringole sur son front, juste au dessus de ses iris clairs. Ils sont bleus finalement.

— Je vais perdre patience Ayn !

— Ménagez votre ton. Vous enfantillages m'usent profondément ! Kay ne pourra se cacher bien longtemps.

Je sens mon cœur s'emballer, de rage. Ou bien est-ce celui de mon homologue contre lequel je me trouve davantage acculée en vue de me dissimuler davantage ?

Le dessin affirmé de sa large poitrine semble se crisper sous mes doigts. D'une stature grande et élancé, son visage ovale et sa mâchoire carrée...

Il se mets soudain à battre des cils pour me faire signe, me désignant la porte sur sa droite. Celle de ses appartements je présumes

— Je la trouverais !

J'hésite.

Une seconde seulement. Celle d'après, je me retrouve surprise par le grandes mains qui me retournent pour me ceinturer avant de me retrouver entrainée dans la pièce attenante.

Lorsqu'il claque la porte derrière lui après m'avoir littéralement jetée à l'intérieur, je me rattrape au montant du lit en m'échouant à moitié sur la couche.

Je fais volte face, prête à lui à lui démontrer ce que je pense de ses manières, mais je ne trouve rien à dire en croisant son regard. Pire, je me fige, affligée d'une impression indéfinissable.

Des coups résonnent soudain à la porte. J'imagine très aisément que notre vacarme n'a pu échapper à Ayn.

Le seigneur MacRuari se détourne pour aller ouvrir et je plonge de l'autre coté du lit, sur le sol afin de me cacher.

Je me sens pathétique sur l'instant, mais hors de question qu'elle me débusque ici.

— Oui ? s'enquit mon sauveur d'une voix de grave et maitrisée.

Cette voix. Ce grain... évidemment... MacRuari !Que n'avais-je fait le rapprochement avant celui qui s'était présenté quand je me cachais sous la table lors de la réception de la veille. Il a décidément la manie bienheureuse de tirer ma famille des pires embarras.

— Seigneur MacRuari, réplique alors le ton froid et hautain de ma grand mère, pardonnez mon intrusion, je ne vous ai guère aperçu dans le couloir, il me semble pourtant avoir entendu votre porte claquer il y a peu. Êtes vous seul ?

— Vous ne paraissez pas inquiète de vous imposer, étant donné la familiarité que vous m'exposez présentement.

Ayn doit être en train de s'étouffer d'indignation. Je connais peu de personne habile à lui tenir tête, encore moins à lui répondre sans bégayer.

— Je me questionnes sur la raison d'un tel tapage, reprend Ayn.

— Est-ce une manière détournée d'insinuer que je vous espionnais votre grâce ?

— Le faisiez vous ?

— Aurais-je des raison de le faire ?

Il va la rendre folle avec ses non-sens ! Je ne peux m'empêcher de sourire, cette réplique est digne de Dareen ! Juste bonne à faire tourner en rond pour agacer l'adversaire. Cela vaut son pesant d'or.

La porte grince soudainement sur ses gongs, le son d'une main plaquée sur le bois du battant avant d'y glisser. Elle ne va tout de même pas forcer l'entrée de sa chambre ?

— Avez vous des raisons de m'empêcher d'entrer ?

Ce ton flirtant entre l'enjôlement et la menace sourde. De ma position, je peux seulement entrapercevoir la ligne du dos du seigneur MacRuari qui fait rempart de son corps devant laporte entrouverte.

— Je ne vous ai pas invité, je pense qu'il s'agit là d'une raison suffisante. Le simple fait de votre rudesse est une intrusion en soi. Que voulez vous votre grâce ? Cessez de parler à demi-mots !

— Fort bien. Je suis à la recherche de ma petite fille, Jorunn Kay O'Broin. Et je la soupçonne d'avoir fait irruption dans vos appartements afin de s'y dissimuler. L'avez vous vue ?

— Vous imaginez bien que si tel avait été le cas, je ne vous en dirais rien.

— Je vous demande pardon ?

— Vous semblez bien avoir perdu quelque chose votre grâce et je gage qu'il ne s'agit pas de votre petite fille,mais de votre bon sens. Maintenant si vous voulez bien m'excusez. Je vous laisse à vos recherches.

Sur ce, il claque la porte avant de s'adosser au battant. Ayn se trouve toujours derrière, alors que je me redresse je ressent toujours sa présence, bouillant de rage étouffée. Cette idée dessine l'ombre d'un sourire sur mes lèvres.

Je m'avance sans bruit jusqu'au seigneur MacRuari, tendant l'oreille en quête d'un mouvement, d'un souffle ou d'une plainte de l'autre coté de la porte.

Ce n'est qu'au bout d'une longue minute, armurée d'un pesant silence, que les pas de Ayn retentissent pour mieux s'éloigner.

Mon opportun bienfaiteur baisse les yeux sur moi, ses iris agrippent mon visage et je recule vers le lit avant de m'y laisser tomber en soupirant de soulagement.

Je crois discerner un sourire écrasé sur ses lèvres, tentant visiblement de ravaler une réplique.

— Il semblerait que je doive vous remercier.

Il bat l'air de sa main en appuyant son épaule contre le montant du lit :

— Vous sembliez en parfaite maitrise de la situation. Je me suis contenté de vous... pousser un peu.

Je réprime une moue amusée avant de me redresser sur les coudes :

— Je suis désolé de vous avoir... acculé.

Je suis peu certaine de mes mots, mais il ne parait pas prendre ombrage de ma conduite, pas plus que de la familiarité dont j'ai fait preuve :

— J'avoue avoir été surpris, mais j'ai très vite compris l'urgence de votre situation.

J'arbore une grimace en montrant les dents :

— Navré de vous avoir mêlé à cela, m'excusé-je, peu fière.

— Il n'y a pas de mal.

Je l'observe en train de me renvoyer une expression bienveillante mais aussi curieuse, comme s'il cherchait à percer un mystère insondable :

— Pardonnez moi ma question si elle est indiscrète, mais... vous n'êtes pas elfe, n'est ce pas ? Je m'interroge sur...

Il semble chercher le mot le plus adéquat :

— Ce que je suis ? me moqué-je.

— Oui...

— Je suis une Ilotah.

Son visage s'éclaire d'une intelligence nouvelle :

— Les descendants des archanges.

— En effet.

— Il me semblait bien avoir senti quelque chose de la sorte.

— Senti ?

Les elfes n'ont aucune habileté a éprouver la nature d'autrui. Du moins, plus depuis qu'ils se sont mêlés aux humains.Leurs instincts se sont endormis, faisant la le lit de leur irrationalité.

Je m'assied sur le bord du lit pour étudier mon interlocuteur, visiblement gêné par ma question. Il humecte ses lèvres légèrement ourlées avant de m'affirmer un sourire tout aussi embarrassé. Une chaleur insidieuse monte à mes joues. Je l'interroge alors :

— Seriez vous un sang mêlé ? Je n'ai pourtant pas eu cette impression la nuit dernière lors du rituel.

— Vous étiez bien dissimulée sous ce masque à la place de votre cousin ! plastronna-t-il faussement.

— Coupable !

Son regard m'incise d'un nouvel intérêt et je me relève sur mes deux jambes pour lui faire face en prenant appui sur la seconde colonne du lit, ressentant le besoin de m'éloigner.

— Mais vous ne répondez pas à ma question,Seigneur MacRuari.

Il me le concède et commence à ouvrir la bouche quand nous nous figeons tous les deux, alertés par la nouvelle présence en approche. Je fronce les sourcils alors qu'il détourne son profil en direction de la porte. Ayn est en train de revenir et elle n'est pas seule. C'est accompagné de plusieurs autres elfes qu'elle revient vers nous.

Gwendal MacRuari me renvoie un regard alerte quand je me jette sur la tenture recouvrant le mur pour la soulever :

— Que faites vous ? S'enquit-il pressant.

— Il y avait un passage dans cette chambre !

Je réalise bien vite que l'entrée du tunnel se trouve condamnée et le plat de ma main s'écrase sur la paroi de pierre alors que je peste.

— Mo chreach !

Je tourne sur moi même en cherchant une issue. Hors de question que je me laisse prendre aux caprices de Ayn, surtout en ces circonstances.

Je visualise la fenêtre, le balcon et m'élance déjà.Je suis aussitôt stoppée dans mon élan par un bras autour de ma taille. Des frissons me glissent le long des bras quand je tente de me défaire des grandes mains qui m'entravent.

— Que faites-vous, s'exclame le seigneur MacRuari

— Une dizaine de gardes va franchir cette porte d'ici peu, si vous tenez à les accueillir, je ne vous retiens pas.

Je le force à me lâcher. Non sans mal, c'est qu'il est plus fort que les autres elfes que j'ai pu rencontrer, c'est peu commun face à un Ilotah.

Un premier coup retentit à la porte, qui vibre sur ses gongs.

Les iris clair croisent les miens et je m'apprête à bondir quand mon poignet se trouve de nouveau prit dans l'étau de MacRuari.

Ce dernier récolte mon regard agacé :

— Vous n'allez pas fuir... de cette manière ?

— Oh croyez moi, je ne suis pas en train de fuir, au contraire. Je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour énerver ma grand mère.

Je reprend de nouveau possession de mon membre alors qu'un second choc fait vibrer le battant. Gwendal jette un regard alarmé en direction de la porte. On dirait qu'un troupeau de vaches affolées s'apprête à assiéger ses appartements.

Je suis déjà en train d'enjamber le balcon quand il me fixe à nouveau. Je ne m'épanche pas dessus et évalue la distance qui me sépare du sol.

Gwendal MacRuari me rejoint en trois enjambées. Il faut dire qu'il est vraiment imposant. Il doit bien approcher le mètre quatre vingt-cinq.

— C'est de la folie. Vous n'allez pas sauter ?

J'étouffe un rire :

— Regardez moi faire.

— Attendez au moins de...

Bim, un troisième séisme ébranle la porte et je ne donne pas cher de sa peau d'ici moins de deux minutes.

— Un conseil votre grâce, Ayn risque de ne pas apprécier de vous savoir impliquer dans ma petite cachotterie, le mieux que vous puissiez faire serait encore de me suivre.

J'ai conscience de dramatiser sensiblement l'affaire, mais l'idée de le laisser en arrière avec des troubles dont je serais la responsable me déplait profondément.

Je saute sans attendre de réponse ou de réaction.

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