8 . Similarity

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- Valravn . Kelling -

Je reste interdit en la voyant faire. Dans mon dos, la porte saute sur ses gongs. Je fais volte face pour constater quatre gaillards aux visages furieux. À ma grande surprise, l'un d'eux se trouve être le laquais de mon père, Seamus. Ils ne sont pas là pour l'Ilotah. Mais pour moi...

Sans prendre le temps de réfléchir, je prends appui sur le parapet de pierre et balance mes jambes par-dessus pour plonger dans le vide à mon tour.

Kay m'attendait, visiblement ravie et amusée. Je ne partage pas son enthousiasme. J'ignore ce que mon damné de père trame et je n'aime pas beaucoup l'idée que des lourdauds aient pu forcer ma chambre sur ses ordres.

Je suis ma complice jusqu'aux écuries. Nous y surprenons un couple en véhémente conversation. Lorsqu'ils se séparent, je les reconnais aussitôt. Léandre et Luaith O'Riyerdan.

Je note la mise quelque peu échevelé des deux, mais cela ne semble nullement interpeller Kay qui se contente de leur demander sur le ton de la conversation :

— Je ne voudrais pas vous interrompre cousins,mais j'aurais besoin d'un cheval et ce serait assez urgent.

Léandre dévisage Kay avant de hocher de la tête et se dirige vers un grand animal au râble écru et à la tête blanche. Je peine a dissimuler mon trouble devant les mèches noires en bataille de Luaith et ses vains efforts pour remettre de l'ordre dans sa tenue. Ses lèvres gonflées, laissant supposer autre chose qu'une dispute... Son frère la violentait-il ?

— Et pour vous Monseigneur ?

Je lève la tête vers Léandre, peu certain de la question qui m'était adressée.

Kay est déjà en selle, ou plutôt à crue et répond à ma place :

— Le seigneur MacRuari est encore indécis sur la question.

Elle se moque de moi et je suis bien tenté de lui rendre la pareille, mais l'elfe aux cheveux de jais me coupe l'herbe sous le pied en rompant le silence gênant :

— Vous pouvez prendre le mien, le ciel sera clément durant quelques heures encore, mais je doute qu'il le demeure jusqu'à ce soir.

— C'est plus de temps qu'il n'en faut, réplique alors l'Ilotah.

— Tu essaies encore de rendre Ayn folle de rage,se moque Luaith restée en retrait.

Kay s'empara de la crinière de l'animal pour se tenir avant de caresser son encolure pour l'apaiser.

— C'est devenu mon jeu favori.

Ses yeux percutent soudainement les miens :

— Vous venez votre grâce ?

J'ouvre la bouche pour répondre, quand un raffut infernal nous parvient du dehors.

— Trouvez-les ! Trouvez-le !

La voix de Seamus. Non content d'avoir défoncé ma porte, ce pourceau entend visiblement me pourchasser comme un animal.Une colère monte, elle est telle que je suis diablement tenté d'imiter cette Ilotah afin de rendre fou de rage mon père en représailles.

— Il semblerait que je ne sois pas le seul gibier recherché en ce jour, se moque la créature sur sa monture.

Ma rage monte d'un cran et je me saisit de la bride tendue par Luaith O'riyerdan.

— C'est le moment ou jamais McRuari, clama Kay avec force.

Par tous les dieux, que je déteste ce nom !J'obtempère sans plus attendre et monte à cheval alors que Kay talonne déjà son cheval.

Au bout de plusieurs kilomètres parcourus, je stoppe ma monture prés d'un bosquet.

— Je crains que mon cheval ne puisse tenir le rythme.

L'Ilotah se tourne vers moi pour constater de quoi je parle. Je donne un coup de menton en direction de la patte de l'animal avant de descendre de ce dernier. Du sang s'écoule le long de la jambe brune et je suis peiné de l'issue qui attend la bête.

— Comment est-ce arrivé ? S'enquit Kay avant de me rejoindre à terre.

— Je l'ignore. J'imagine que c'est au moment où nous avons traversé cette ornière tout à l'heure.

Elle s'avance vers moi avant de se baisser sur le cheval.

— Laissez moi regarder.

Une légère estafilade scinde la jambe jusqu'à la rotule. Je m'étonne même qu'il ai pu courir jusque là.

— Tenez-le, m'ordonne l'Ilotah en sortant un poignard.

Je m'attends à la voir planter son arme dans la gorge de l'animal, mais c'est pourtant la main qu'elle s'entaille, sur toute sa longueur. Mes yeux s'ouvrent grands.

— Que ?...

Elle pose ensuite sa paume sur la blessure du cheval,étalant son sang sur toute la plaie.

Aussitôt, les tissus semblent cicatriser d'eux mêmes,à vue d'œil...

Je n'avais jamais vu cela...

— Je... suis impressionné. Ainsi, voici donc le pouvoir de des Ilotahs.

— Entre autre chose, répond-elle en se redressant.

— Vous... Aucun des vôtres ne craint que quelqu'un tente de s'octroyer votre sang a des fins... disons,malhonnêtes ? C'est...

— Le sang doit être donné librement, me coupe-t-elle en me présentant sa paume intacte, avant de conclure.

— Sans consentement, la chair est impénétrable.

Je réprime un sourire malvenu :

— Cela est bon à savoir.

Elle détourne le regard et je poursuis :

— Cela explique l'incroyable longévité des Ilotahs.

— Esclave de l'existence jusqu'au bout, ironise la jeune femme tout en caressant l'encolure de l'animal...

Je l'observe. Ses mains ne sont pas celles d'une dame oisive, mais d'une guerrière à n'en pas douter. Ses cheveux sont noués de manière pratique, plusieurs tresses sont enchevêtrées les unes aux autres dans une coiffure complexe. Mon regard dérive sur l'angle de sa nuque, à sa clavicule, quand sa voix me ramène à la réalité :

— Vous m'avez finalement suivie. C'est à cause de l'homme qui hurlait dans la cour ?

— En effet, Seamus est l'un des hommes de mon père.

— Votre père ?

Je pince les lèvres. Je ne suis pas à l'aise à traiter de ce sujet.

— disons que nous ne sommes pas en meilleurs termes.

— Je vois.

— Vraiment ?

— Cela reflète votre état de la nuit dernière, si j'ai bonne mémoire.

Je souris, saisissant le détour de la conversation :

— C'était donc bien vous sous le masque de Dareen O'Riyerdan !

Elle hausse les épaules.

— J'ai fait ce qui me semblait juste afin d'éviter une esclandre à cause de son refus de participer au rituel.

— Je ne peux que lui donner raison. Cette cérémonie n'avait rien de solennel ou de respectueux avec ce qu'elle est censée honorer. Il s'agissait davantage d'un culte à la lignée déchue des ancêtres des MacRuari.

Elle me sonde de ses prunelles, avec un intérêt des plus marqué :

— Si Iain MacRuari est rétabli dans son bon droit, vous finirez par être roi.

— Un rôle que je ne suis pas prêt de tenir. Sans parler du fait que je n'ai aucun désir de régner. Je veux seulement la paix.

— Pourquoi rester en ce cas ?

J'hésite. Avant d'avouer :

— Je n'ai pas vraiment le choix.

Elle doit sentir que je ne consentirais pas à en dire davantage, car elle hoche la tête. J'en profite pour changer le tour de la conversation :

— Vos parents se joindront-ils à nous pour la procession de demain ?

Elle plissa les lèvres et je buttais sur le dessin qu'elles formaient.

— Non.

Encore un sujet épineux. Décidément !

— Ils ne seront pas les bienvenus, finit-elle par lâcher.

Je hausse un sourcil :

— Pour quelle raison ?

Elle soupire :

— Ma grand mère considère ma mère perdue et mon père en vil séducteur. Mon frère et moi sommes les conséquences malheureuses de cette mésalliance.

— Des conséquences dont elle paraît s'accommoder, aux vues des projets qu'elle nourrit pourtant à votre endroit.

Kay O'Broin lâche un rire désabusé :

— Ses projets de mariages vous voulez dire.

Mes yeux s'écarquillent :

— Je ne comprends pas. Les Ilotahs sont les immortels des créature. Vous êtes littéralement enchainé à la vie. Quel intérêt pourrait avoir votre grand mère à vous lier ?

— C'est une histoire politique qui ne m'intéresse guère. Elle espère sans doute prendre sa revanche, me contrôler pour réparer l'échec auquel l'a confrontée ma mère. Reprendre l'héritage volé par mon père.

Je saisis alors :

— ... Ou s'approprier les biens d'un seigneur elfe fortuné.

— Que m'importe, je n'ai nullement l'intention de me prêter à sa folie.

Je croise les bras sur ma poitrine en fronçant les sourcils :

— votre frère semble avoir contracter un mariage politique à la hauteur des désirs de votre aïeule.

— Qu'est ce qui vous fait dire cela ?

— Le père de votre belle sœur, Lucius Daas n'a pas très bonne réputation de ce que j'ai ouï dire. Sa volonté stratégique s'entend sur bien des domaines.

— Mon frère s'est marié par amour. Par chance, les intérêts de Lucius Daas s'accordaient avec les siens à ce moment-là.

Je songe aux amants dont j'ai entendu les murmures dans la pénombre, lors de la nuit dernière. L'homme avait murmuré Constantine.

L'épouse de Taerrence O'Broin.

Je me contente d'opiner du chef :

— Je suis simplement étonné qu'il ai laissé sa fille unique épouser la personne de son cœur.

L'Expression de l'Ilotah changea malgré elle :

— Ai-je dis une bêtise ?

— Ce sont les affaires de mon frère. Je ne tiens pas à en discuter avec un inconnu.

Je ne peux que consentir. Si cette Constantine se trouve aux prises d'un mariage arrangé, son époux apparaît des plus bienveillants, fou d'elle... Mais la plupart du temps, cela ne suffit pas. C'est une idée que je trouve moi-même insupportable.

— Et vous, seigneur McRuari, votre père a-t-il des projets matrimoniaux vous concernant ?

La moquerie est sous-jacente, mais je ne goute pas particulièrement la plaisanterie.

— Je crains de lui faire de nouveau affront à ce sujet si jamais cette perspective lui venait à l'esprit. A vrai dire, ma sœur serait une héritière bien plus façonnable que je ne le serais jamais.

Elle me gratifia d'une expression circonspecte.

— C'est à dire ?

— Agneas est née pour cela, c'est une meneuse,quand je n'aspire qu'à... la délivrance. Je n'ai pour ainsi dire,aucune accointance avec ce peuple qu'on entend me faire diriger.

— Votre père voulait un fils pour lui succéder, établit Kay.

— Je ne suis pas ce genre de fils.

Elle affermit son regard sur moi, m'appuyant d'une expression indéfinissable :

— Et quel genre de fils êtes vous ?

Ma bouche s'entrouvre, mais je suis bien en peine de lui répondre. Je réprime un sourire gêné avant de détourner la conversation une fois de plus :

— J'ai entendu parler d'une « chasse »qui aurait lieu ce soir.

L'Ilotah m'appréhende avec amusement :

— Il s'agit moins d'une chasse que d'une récolte.

— Que voulez vous dire ?

— La tradition veut que des pièges soient posés dans la foret peu avant la tombée de la nuit. Ainsi nous récoltons ensuite ce qui aura été pris par les collets.

— Ahem, en effet, c'est pour le moins...

— Barbare ?

— J'aurais dit que cela manque de challenge. Le principe d'une chasse relève le mérite et la finesse d'un traqueur.

— Certains seigneurs vous avancerons que le piège est un moyen des plus ingénieux.

Ou Paresseux, mais je m'abstiens d'en dire un mot. Au lieu de cela, je souris avec malice avant de pencher la tête de coté :

— Opinion que vous partagez ?

— Aucunement.

— J'imagine qu'il est impensable de se soustraire à cette « tradition ».

— Vous imaginez bien.

— Accepteriez vous de me servir de guide ?

Je ne parviens pas à déchiffre ce que je lis dans ses yeux bruns. Elle sourit. Je sens une pointe étrange glisser sous mes cotes pour atteindre le centre de ma poitrine.

— A charge de revanche Seigneur MacRuari.

— Gwendal s'il vous plait.

— Rentrons Gwendal.

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