02 – Le discours, partie 2 : 

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Du coin de l’œil, le Capitaine vit trois pirates, et pas les plus chétifs, se diriger vers lui. Plus de temps à perdre, l’observation et l’attente ont leurs limites. Changement de cap, tactique suivante : réagir de façon appropriée en fonction de la situation actuelle ! Le Capitaine fléchit les genoux, porta tout son poids sur sa hanche et balança un puissant coup de poing dans la pomme d’Adam du beau-parleur.

« Ravale donc tes mots, ça t’apprendra à te rebeller ! » pensa le Capitaine avant de rapidement faire trois pas en arrière pour se retrouver dos au bastingage.

Une de ses règles d’or dans un combat, quel qu’il soit : n’avoir personne derrière lui, toujours faire face à son ennemi pour ne jamais se laisser surprendre.

Bien en place, les poings en garde haute devant son visage et prêt à se battre tel un boxeur, le Capitaine étudia la disposition de chacun. Bien qu’un pirate fût hors-jeu, écroulé au sol en train de suffoquer – « puisse-t-il mourir en s’étouffant dans d’horribles souffrances » –, la situation apparaissait complexe et peu glorieuse car les trois plus virulents n’avaient en aucun cas renoncé à l’attraper. Et que dire de la trentaine d’autres spectateurs présents sur le pont et peu enclins à le soutenir…

« Rapide analyse, à leur place, quel camp je choisirais ? » Le Capitaine n’eut même pas à peser le pour ou le contre, rien qu’à prononcer intérieurement cette question, une réponse évidente lui vrillait les oreilles. « D’accord, me voilà seul contre le reste du monde… »

Approchez, allez-y, venez, un par un, je vais vous montrer qui commande ! hurla-t-il d’une voix puissante emplie d’assurance. « Ne jamais montrer la peur, réussir à instaurer le doute, insidieusement évoquer un possible échec. »

Dommage pour lui, les pirates ne mordirent pas à l'hameçon et ne se mirent pas en rang pour l’affronter à la régulière. Deux des trois pirates se déplacèrent, pour l’un sur sa gauche et pour l’autre sur sa droite, tandis que le dernier resta face à lui.

À les voir ainsi prendre place, le Capitaine, sans trop y croire, d’une voix plus faible et sans grande conviction, réitéra sa demande :

Venez, un par un ! Soyez un peu courageux et, UN PAR UN, osez m’affronter !

Pour unique réponse, des rires et des gloussements s’échappèrent de la foule.

Pourquoi nous viendrions à toi un par un ? le questionna le pirate face à lui. Tu aurais bien une chance de nous battre, vieux crapaud !

« Toi, j’ignore ton nom, je t'appellerai donc Face, et je sens, Face, que tu vas m’agacer. »

Et dans tout ça, où situez-vous l’honneur, le courage, le prestige ? essaya-t-il de les titiller.

Oh, si ce n’est que ça, crois-moi, mieux vaut contre toi s’y prendre à plusieurs !

« Face, c’est officiel tu m’agaces. »

Bigre, il n’y a plus rien à vous apprendre…

On connaît tes petites ruses par cœur, vieux roublard.

« Oh putain, Face, continue à m’insulter de la sorte et tu vas me voir venir ! »

Je vous ai tout enseigné et c’est comme ça que vous me remerciez ?!

Oui, tu as raison, excuse notre impolitesse : grandement merci, dit Face en inclinant légèrement la tête alors que la foule maintenant en délire s’esclaffait.

« Au moins, pour l’instant, le spectacle les amuse et ils n’entrent pas dans l’arène. Peut-être que si j’arrive à gagner encore un peu de temps, à enjoliver les choses et à leur rappeler que… »

Le Capitaine ne termina pas sa réflexion ; le méprisable à sa gauche, Gauche, s'était rué sur lui.

D’ordinaire, dans un combat, ses sens restaient perpétuellement en alerte et, contrairement à beaucoup de combattants, il n’avait pas le fameux "effet tunnel" consistant à un rétrécissement du champ de vision sur un seul et unique objectif. D’ordinaire, ce "don" lui fournissait un avantage non négligeable, il gagnait un temps de réaction suffisant pour prendre le dessus contre plusieurs adversaires. D’ordinaire, mais pas aujourd'hui, car trois jours de rhum n’aidèrent malheureusement en rien ses précieuses aptitudes...

Le Capitaine ne vit strictement rien arriver lorsque Gauche lui porta un violent coup de poing à l’arrière du crâne ; il s’en retrouva tout groggy et, les genoux fébriles, chancela sur sa droite. Évidemment, sur sa droite, il rencontra son deuxième agresseur, Droite, qui, d’un somptueux uppercut, le saisit à la mâchoire.

Vision éteinte, noir total, un boum sec résonna lorsque le Capitaine s’écroula, inerte, de tout son poids sur le pont.

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