Un jour, peut-être qu’une vieille, très vieille pirate digressive, un brin déboussolée, essayera de conter cette histoire à de candides enfants. D’une voix solennelle, elle commencerait alors ainsi :

« Venez, entrez mes chers enfants.

Venez que j’vous raconte cette formidab’e, extraordinaire, que dis-je, envoûtante et stupéfiante histoire ! »

Et enchaînerait par un :

« Il y a longtemps, fort longtemps, vivait un vieux pirate. On l’appelait le Capitaine Borgne. C’était un très méchant pirate, menteur, rusé et redoutab’e. Il est dev’nu riche, fortuné, friqué, à force de combines et de vols. »

Peut-être même que cette vieille folle, à la diction somme toute sordide, userait au passage d’un prestigieux « Il était une fois » assimilant de la sorte le Capitaine à un héros de conte de fées.

Absurde…

Mais peut-être, peut-être qu’un jour elle s’y risquera. Peut-être même arrivera-t-elle à subjuguer son public, allez savoir.

Une autre fois, un autre temps, et si ça se trouve peut-être qu’à son tour un vieux fou, féru d’orthotypographie, parviendra à se servir du même Capitaine comme support éducatif.

Invraisemblable…

Seulement, avec le Capitaine l'inconcevable devient concevable, l'impossible devient possible, l'inimaginable... je vous le donne en mille : imaginable !

À ce qu’on dit, ce sont les vainqueurs qui écrivent l’Histoire. Moi, à ce que j’en dis, c’est que l’histoire du Capitaine, aussi inouïe, épique, comique ou laide soit-elle, dépendra surtout de son narrateur et du public visé.

Moi, aujourd’hui, je ne vise personne et ne fais partie ni des vainqueurs ni des perdants.

Le début de l’aventure m’a été relaté, puis, en un claquement de doigts, sans même m’en rendre compte, je me suis retrouvée spectatrice de leur interminable querelle de tourtereaux antagonistes !

Oui, sans même le vouloir, je suis entrée dans cette épopée, pour au final assister à bon nombre d'incroyables choses ; peut-être même – j’aime à le croire – en ai-je influencé le dénouement… allez savoir.

Aujourd’hui, c’est donc mon tour de vous narrer cette histoire, aussi simplement que je l’ai vécue, sans jugement ni censure. Il n’y aura pas de morale, vous me croirez ou non, vous vous divertirez ou non, elle vous inspirera ou non, peu m’importe ; je n’attends rien, n’espère rien et ne compte rien vous apprendre.

Allez, allez, n'ayez pas peur, prenez place, installez-vous confortablement et, en silence, écoutez cette authentique et véridique histoire :

Il était une fois…