INTRODUCTION: LE JUGEMENT

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 C'était le plus gros procès de l'année pour ce petit pays qu'est le Luxembourg, bien au-delà des scandales financiers que pouvaient engendrer les banques nationales.
Le jeudi 15 octobre 2015, un jeune homme s'approchait de la barre, venant témoigner contre son ami d'enfance, celui à qui il tenait tant depuis près de seize ans et qui aujourd'hui, allait être jugé pour le plus épouvantable des crimes.

Il regardait le blond à lunettes droit dans le blanc des yeux, qui lui n'en démordait pas, comme s'il voulait s'imposer face au témoin. C'est à ce moment-là, que Naël se rendit compte qu'il n'avait jamais pu fixer Marvin dans les yeux depuis toutes ces années

"après être revenu du cinéma avec monsieur Kuznetsov, j'ai décidé d'envoyer un message à l'accusé, lui qui devait venir cette après-midi là n'était finalement pas présent, et ce, sans nous prévenir."

Sa voix tremblait, plus son récit défillait, plus sa peau devenait pâle. Sa gorge se serrait, ses mains oscillaient alors que son regard était toujours posé sur Marvin. Naël, malgré les indices physiques qu'il pouvait laisser apparaître, ne voulait pas que son ancien ami le domine.
Les images lui revenaient en tête, ces dix minutes de vidéos visionnées, si ce n'est pas moins, ces dix minutes qui ne sont que peu dans une vie, lui resteront à jamais gravées dans sa mémoire. Les sons, les odeurs, la température dans la pièce dans laquelle il se trouvait, tout lui revenait en tête. Les journées entières passées chez Marvin pendant leurs années de collège et de lycée pour y faire leurs devoirs, les disputes qu'il y a pu avoir, tout était si clair dans son esprit. Tout imaginer, cette scène affreuse, dans cette même cuisine dont il a déjà foulé le sol ... son visage se décomposait

"Il avait envoyé une longue vidéo de plus d'une heure, en regardant les premières secondes, on pouvait voir une petite partie du visage de Marvin qui se dirigeait vers sa cuisine, et des cris en fond. Je n'étais pas plus attentif que ça aux sons, pensant que c'était juste la télé en arrière-plan, puis il posa la caméra sur le sol, où on voyait la victime Alban Müller, attaché à la table, les yeux bandés et une espèce de tissus dans la bouche."

Sans crier gare, Samuel Kuznetsov, le second témoin de l'affaire, part de la salle. Lui supportait beaucoup moins bien le stress, et les mots qui allaient sortir de la bouche de Naël étaient trop durs à entendre. Ces images, des policiers et des journalistes s'étaient chargés de les regarder pour les biens de l'affaire. Ils s'étaient littéralement sacrifiés, ce fut une véritable hécatombe dans la salle de visionnage. Naël et Samuel eux, s'étaient restreints de la découvrir une seconde fois, ce qui était tout à fait compréhensible pour les enquêteurs. Ces policiers et journalistes assistaient au procès dans le tribunal de la cité judiciaire de Luxembourg-Ville et avaient un coup d'œil insistant, très méprisant envers Marvin, qui lui n'en avait rien à faire, ne montrant qu'un regard des plus froid, et un visage qui n'avait pas l'air de se soucier de son destin.

"Je ne comprenais pas, j'étais abasourdi plus qu'autre chose, et là ... Marvin Müller planta un couteau de cuisine en plein dans la poitrine d'Alban Müller jusqu'à sa mort. Croyant à une blague j'ai passé rapidement la vidéo, jusqu'à voir l'accusé cuire quelque chose avec son frère, gisant sur le sol recouvert de sang en fond.

- Avez-vous vu la vidéo en entier ?

- Non madame la juge."

Comme si ce crime n'était pas déjà assez grave, Marvin n'en n'était pas à son coup d'essai. Quelques semaines auparavant, son père, Hervé Müller, un commercial, avait été porté disparu. Alors que l'homme devait partir en voyage d'affaire, il fut contraint de rester à la maison. Pendant des semaines, Marvin traitait les dossiers du travail de son père chez lui, ne voulant pas éveiller les soupçons. Pendant des semaines, il cacha à Alban la vérité, celle selon laquelle son père est enterré en dessous de la maison en bois dans laquelle ils vivaient. Pendant des semaines, Naël et Samuel n'avaient rien remarqué, à part une fatigue notable.

Pourquoi avait-il envoyé cette vidéo ? Pourquoi Naël et Samuel ? Samuel avait toujours eu des soupçons, il a toujours su qu'il lui cachait quelque chose. Peut-être voulait-il qu'on l'empêche de continuer ses crimes ? Peut-être en avait-il assez de la personne qu'il était au fond de lui ? Dès que le verdict fut rendu, un sourire s'esquissa sur le visage de Naël, mais une certaine frustration s'immisçait en lui. Toutes ses questions qu'il se posait, Marvin n'y répondra pas, la justice non plus, seule la place aux doutes et à l'incompréhension était permise. Marvin était des plus silencieux, il n'était pas triste, mais pas fier de lui pour autant.

"Monsieur Marvin Müller, pour les chefs d'accusations suivants : séquestration d'enfant avec victime supplémentaire et torture suivi d'un assassinat, vous êtes jugé coupable et faites donc l'objet d'un emprisonnement à perpétuité de façon immédiate."

 Cette histoire, les médias s'en sont emparée et l'ont exploitée au maximum, allant au-delà des frontières luxembourgeoises. La France, la Belgique, l'Allemagne, les Pays-Bas et même quelques journaux États-Uniens avaient relayés le cas Marvin Müller, ce jeune homme qui d'apparence avait eu une enfance normale, mais qui cachait en vérité le plus vicieux des secrets, un désir de manipulation des plus intenses, et un culte aux faits divers sanglants.

Les cloches sonnaient lorsque le meurtrier à la chevelure blonde franchit la porte du tribunal, les mains menottées dans le dos, journalistes le photographiant, et son regard toujours posé sur Naël d'une manière à rendre mal à l'aise qui que ce soit. Naël et Samuel étaient soulagés, mais ce répit n'allait durer que quelques heures, voire quelques minutes, le temps de se rendre compte qu'ils avaient fréquenté durant ces nombreuses années, un assassin cannibale.

Ce n'était que le début de la descente aux enfers pour les deux jeunes hommes âgés de vingt et vingt-et-un ans, une descente faites de doutes, de mépris envers eux même, de culpabilité pour un crime qu'ils n'avaient pas commis, et surtout faite de la perversion humaine, celle de cette étrange fascination pour les meurtriers de la part de personnes comme vous et moi.

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