Memoria

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La fleur se dresse, fière, parmi les restes de l’hiver. Encore jeune, elle frémit au doux contact du vent qui caresse ses pétales naissants et si fragiles. Un oiseau atterrit dans le cerisier en fleur avec lourdeur, pépie, lui aussi est jeune, il ne sait pas encore chanter. Qu’importe, il apprendra, il a une vie entière pour le faire.

Te rappelles-tu les couleurs du ciel, quand le soleil plongeait vers la terre ? Toutes ces sombres teintes de bleu, de rose, d’orange ou de violet, qui passaient au travers des nuages filandreux, pâlement éclairés par la lumière de la lune. Ils ont été balayés par le vent.

Jamais l’étoile n’a été aussi brillante de toute sa longue vie. Dans le ciel dégagé, elle resplendit, éblouissant de son éclat les autres qui se trouvent à ses côtés. Ces autres semblent pâles, sans vie. Pourtant, elles ne le sont pas. C’est l’étoile qui a atteint son apogée. Les cigales chantent en son honneur, au sol.

Te souviens-tu des reflets du ciel nébuleux dans les flaques piégées par le sable, torturées par des enfants amusés qui souhaitaient jouer, qui n’y prenaient pas garde ? Tu avais pour habitude de t’assoir sur une dune non loin pour observer les cerfs-volants. Le vent est devenu trop fort, il a déchaîné l’océan, il ne reste plus rien.

Les feuilles sont de plus en plus timides ces derniers temps, elles rougissent toujours plus chaque jour. C’est la vieillesse qui leur procure ce sentiment. C’est là la nature même d’une feuille. Elles n’aiment pas vieillir, alors elles se parent de rouge, essayent de paraître fortes en arborant cette couleur vive, mais elles ne leurrent personne. Tous savent que leur temps est révolu, la fin est proche.

Te rappelles-tu la musique que créait la cascade de la vallée, accompagnée par le chant des oiseaux qui passaient par là ? Cette douce harmonie qui calmait tous les maux. Tu pouvais marcher des heures pour avoir le plaisir de l’écouter. On ne l’entend plus. Elle a été remplacée par le sifflement du vent.

Les mots s’élancent dans l’air, emprisonnés dans une enveloppe brumeuse dont ils ne sauraient s’échapper avant de mourir. Ils partent rejoindre les constellations éphémères que forment les flocons dans la nuit noire. Rien ne dure dans ce froid mortel. Il décime la vie.

Te souviens-tu de la vie ? De respirer, de courir, de vivre, ce sentiment si fort, si vertigineux et indescriptible. Tous ces moments qui meurent à l’instant même où ils naissent pour ne devenir que souvenirs. Ces souvenirs qui restent ancrés dans la mémoire et qui sont la composition même de la vie. La vie n’est qu’un long et vague souvenir, aussi fragile qu’une fleur, aussi éblouissant qu’une étoile, aussi volatile qu’une feuille et léger qu’un mot. Le vent l’a emporté lui aussi.

Aucune fleur ne se dresse là désormais. Elle ne renaîtra pas.

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