Chapitre 11 : Alcool, mondanité, et encore de la diplomatie.

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Piéger ses parents à une beuverie ? Qui n'en a jamais rêvé ? Beaucoup de gens en faits. C'est le genre de truc qu'on fait souvent dans leur dos ou avec leur permission, mais sans eux. Sauf que la Félicie, elle avait oublié un détail dans son plan. C'était à elle d'organiser le tout. Bon, elle pouvait au moins avoir recours à tout son personnel pour ça. Bah oui, avec maman et papa sur place, c'était à eux qu'elle avait donné la surveillance de Nitescie.


Côté petite sœur, ça n'avait pas mis longtemps à gueuler dans les couloirs. Mais qu'est-ce qu'elle avait encore à se plaindre celle-là ? Elle allait rester à Keeleran, ça elle devrait en être contente, elle qui insistait pour gonfler, heu non coller ? Toujours pas. Demeurer en compagnie de Félicie ? En fait, ça criait parce que la gamine ne voulait pas être seule avec ses parents à ne rien faire, alors que tout s'agitait autour d'elle. Pis, on lui a aussi fait comprendre que la petite réception, ce n’était pas pour elle. Mais on n’a pas oublié un truc, là ?


Ha oui ! La discussion en famille. Bah, ça passait clairement à la trappe, et surtout « volontairement ». Félicie profitait à fond de ses responsabilités pour esquiver le moment fatidique. Pourquoi ? Allez savoir. Après tout, ses parents ne semblaient pas montrer la moindre colère envers elle. La raison ? Elle ignorait juste comment leur raconter tout ce qu'elle avait vécu. C'est si compliqué que ça? Elle ne pouvait pas faire comme tout le monde : commencé par le début et finir par la situation actuelle? Bon, pour sa défense, faut avouer que c'est quand même plus simple avec la diplomatie. Un planning de choses importantes à régler ça aide. Et en parlant de ça... Mimi rejoignit sa souveraine, une grosse pile de paperasse rien que pour elle.



  • C'est quoi tout ça ?

  • La liste des besoins, ainsi que les invitations à rédiger, puisque vous souhaitez organiser un bal.

  • Oui, mais juste pour le peuple et mes parents. Puis nous...

Félicie avait bien envie de les remercier pour la petite fête de la dernière fois. Non, à qui on va faire croire ça ? C'était pour sa gueule et rien que la sienne. Et un peu aussi pour Aaron. Après tout, plus la fée y repensait plus elle regrettait que tout soit arrivé si vite. Un trône, des pouvoirs magiques, et une grande aventure, un conjoint, et maintenant tout ce merdier politique et diplomatique qui lui avait pété à la figure. Et puis zut, hein ! Elle était mariée. Alors oui, contre sa volonté, mais elle pouvait au moins le célébrer, d'autant plus qu'elle et Aaron n'avaient jamais vraiment pris le temps d'en parler sérieusement.


L'occasion de justifier la présence de ses parents, autant que de ses suivantes à un bal, et aussi... De... Nitescie. Certes, la petite sœur passait un peu pour un cadeau empoisonné qu'on se renvoyait dans la famille. Mais pour une fois, l'aînée se montra magnanime. Ou pas. Bah oui, si elle voulait être crédible concernant son mariage, il fallait bien que la cadette soit présente. Elle transmit ses motivations à son intendante, qui se réjouissait déjà de... picoler ? Comme par hasard ! J'en suis même pas surpris.



  • Madame, puis-je me permettre une suggestion ?

  • Depuis quand tu me demandes mon autorisation ? Bon, c'est quoi ton idée ?

  • Vous devriez envoyer au plus vite des invitations aux autres maîtres de citadelle.

  • Pourquoi je ferais ça ? De toute façon, ils ont bien déclaré vouloir venir ? C'est notre fête, alors qu'ils attendent leur tour ! C'est moi la patronne ici.

  • Madame ! Bien que je sois d'accord avec vous, va falloir faire un compromit.

 

  • Un quoi ?

 

  • Si vous les invitez toutes ensemble, les autres Dames elfes noires seront trop occupées à se battre entre elles pour comploter contre vous. Alors qu'en visites diplomatiques, elles pourront venir séparément.

 

  • Bah pourquoi elles comploteraient?

 

  • Même raison que pour les nains. Le pognon ! Elles ne pouvaient pas reprendre la citadelle aux démons par la force, mais contre vous, elles pourraient par la ruse ! Si elles devinent que vous et Monsieur Aaron, ça le calme plat côté mer des plaisirs, elles auront un prétexte légitime. De la danse et des bisous ça devrait être un bon moyen de les bluffer.

Alors, comment dire les choses gentiment ? Félicie et la danse, c'est tout sauf une bonne idée. Il faudrait même s’en inquiéter sachant qu'elle a vomi ses tripes sur Aaron la dernière fois qu'elle a essayé. Quoi que... Ce n’est peut-être pas si pourri comme plan au final. La fée allait pouvoir solliciter «Monsieur» pour qu'il lui apprenne. Difficile à dire si ça fera plus de bien que de mal, mais au moins, on lui proposait une autre option que l'urgence «fesse» alors on prend comme solution et puis c'est tout. Par contre, c'était quand même dégueulasse que ça soit à elle de faire des efforts, et chez elle, et pour des invités. Nain porte quoi, je vous jure !  Puis, comploter contre eux ? Sympa les consœurs. Comment ça, c'est méchant ? Pas du tout ! C'est de la politique ! De la vraie ! Bon, en apprenant la nouvelle, Félicie elle était comment dire... Super rassuré d'avoir ses parents contraints de participer aux festivités. Pourquoi ? Bah, parce qu’elle suivit le conseil de Mimi et envoya les invitations à tous, y compris la reine elfe noire. En gros, c'est une fédération de citadelles plus ou moins autonome, mais il y avait quand même une grande cheffe. Vous imaginez le résultat, sinon ? Il fallait bien empêcher tout ce petit monde de se mettre sur la tronche.


L'une des premières choses que fit Félicie fut d'informer Aaron de la situation. Elle fut à peine surprise qu'il fasse une tête d'enterrement, mais bon elle faisait juste de son mieux pour être à la hauteur de ses responsabilités. Par contre, elle aurait préféré qu'ils se parlent. Il prit la fuite à la... heu, quel peuple pourrait servir sans faire dans la discrimination ? Et merde, comment elle pouvait se passer de lui à un moment pareil ? Genre, qui allait lui apprendre à danser ?


Bon, quand faut y aller, faut y aller. Félicie alla voir ses suivantes. Toutes occupé avec les préparatifs, puis Kilth et Raak avaient suivi Aaron. Mimi, l'intendante ? Également surchargée, et avec un bras en moins, il fallait pas trop compter sur elle pour la danse. Face à ce manque de professeurs pouvant l'aider en toute confidentialité, il ne resta plus qu'une solution à la fée. Et celle-là, elle s'en serait bien passé. Elle poussa une porte sans même prendre le temps de s'annoncer. Bah oui, l'avantage d'être la dirigeante, elle n'allait pas se priver.



  • Quelle surprise ! Voyez donc qui a enfin décidé de ramener ses miches ici !

  • Mère ! Malgré tout le respect que je vous dois, n'oubliez pas que je suis la souveraine de cette contrée. Vous ne pouvez plus me parler comme si j'étais juste votre fille.

  • Oh, mais je le sais bien. Mais quelle souveraine es-tu ? Une qui a encore besoin de l'aide et des conseils de sa mère ? Car soyons honnête, c'est bien pour cela que tu es venu me voir ?


Aïe ! Réponse plutôt cinglante, et bordel, qu'est-ce qu'elle fait mal! Ça tape juste et remue bien le couteau dans la plaie. Au moins, plus besoin de chercher d'où la Félicie elle tient son petit caractère bien trempé. Telle mère telle fille. La fée aurait bien tourné les talons, mais bon... Elle était là... Elle s'en était déjà pris plein la tronche... Autant aller jusqu'au bout.



  • Mère, vous avez raison. J'ai bien besoin d'une aide de votre part, mais cela n'a rien à voir avec un manque de compétence ou de maturité. Juste de... Disponibilité.

  • Qu'est-ce qui te fait croire que je peux te rendre ce service ? Surtout que c'est assez insultant, surtout pour une mère, d'être traité comme le dernier des choix possibles. Mais soit, dis-moi ce que je peux faire pour toi ?

  • Besoin... Prendre... Moi... Ser...

  • Quoi ? Tu pourrais répéter ? Je n'ai pas bien compris.

  • J'ai besoin d'apprendre à danser !


Et elle se marre la reine. Aucune pitié pour sa fille. Félicie, qui a ravalé sa fierté, bravé le tempérament sec et inquisiteur de sa mère pour faire une telle demande. Cette chère dame avait pourtant un sourire aux lèvres amusé, mais surtout joyeux. Bien sûr qu'elle allait lui apprendre, tout comme je me rends compte qu'on a oublié de révéler le nom de nos deux souverains féeriques. La reine Canopia et le Roi Aragos. Certes, elle allait aider, mais ça ne serait pas aussi facile que ça. Pas question de participer personnellement, ho ça, sûrement pas. C'est Nitescie qui allait servir de partenaire d'entraînement. Il fallait bien qu'elle soit utile un minimum, celle-là.


La petite sœur était ravie, que dis-je, folle de joie de pouvoir enfin passer du temps avec Félicie, de participer un peu aux événements de la citadelle. Instant fugace de bonheur, qui dura les quelques secondes la séparant du retour à la réalité : la phase pratique des leçons de danse. Notre brave héroïne lui défonça littéralement les pieds à tel point que Nitescie renonça vite à s'impliquer. Si Félicie l'avait fait exprès ? Bien sûr que non, et pas moyen de mettre ça sur le dos d'une gueule de bois cette fois-ci. Elle était juste trop mauvaise.


La rumeur du talent de la fée se propagea bien vite, et si déformée que certains se disaient prêts à crever plutôt que d'aider la Dame de Keeleran. Non, mais faut pas exagérer non plus. Elle n’était quand même pas si nulle que ça, si ? Plusieurs heures après avoir revu la théorie avec sa mère, elle ne pouvait donc pas mettre cela en pratique. Jusqu'à ce qu'Aaron, à qui on avait volontairement rien dit, se pointe pour voir où était sa femme et pourquoi. Gros avantage, il savait danser, lui, et il était bien le seul qui ne pouvait refuser d'être le partenaire d'apprentissage de Félicie, sans une bonne raison. Inconvénient : il ne voulait surtout pas rester en présence de la famille de la fée. Il s'y résigna pourtant, son instinct de survie l'y incitant fortement.


Il y mit même beaucoup de bonnes volontés, sachant qu'il avait la responsabilité de la réputation de leur statut politique, et aussi de couple. Et bizarrement, il se faisait moins écraser les pieds que Nitescie. Du coup, la fée le faisait vraiment exprès ? Non, c'était sans compter un détail important, même deux. Lui savait bien mieux guider sa compagne que la petite sœur. Et il utilisait sa magie pour se protéger les pieds en les durcissant avec de la roche. Ho le sale tricheur ! Alors comme ça, on a peur pour ses papattes, Monsieur Aaron ? Au moins, elle pouvait bien se planter autant qu'elle le voulait Félicie, même si elle faisait des progrès, qui furent interrompus quelques jours après.


On frappa à la porte du quartier des invités. Un autre adversaire venait de les rattraper : le temps. Alors lui, toujours là pour embêter le monde, surtout quand on lui à rien demandé. Il était trop tard pour continuer, car le grand jour était arrivé. Ils devaient maintenant se préparer pour la réception. Nouvelle occasion pour les suivantes d'habiller Félicie, petit jeu auquel se joignit sa mère avec plaisir. Tu parles, surtout une excuse pour essayer de contrer les elfes noirs, et trouver la tenue la moins « provocante » à sa fille. Les fées faisant une grande différence entre liberté du corps, et incitation au sexe. Après un sacré conflit culturel, Félicie déclara se passer d'aide cette fois-ci.


Elle voulait vraiment quelque chose qui fasse « jeune mariée », et opta pour une robe de bal nacrée, mais très échancrée. Elle insista même pour habiller Aaron elle-même, à la grande surprise de tous. Comment elle allait faire sans une armée entière pour lui forcer la main ? Bonne question. Elle avait déjà choisi pour lui une belle tunique noire pour s'accorder à ses cheveux, ce qui ne changeait rien pour lui.



  • Je dois vraiment me changer ? Ma tenue actuelle me convient très bien. Et tu me l'as dit toi-même, elle me donne « un air de prince ».

  • Tu ne peux pas toujours garder les mêmes vêtements. Surtout pas aujourd'hui. Je te rappelle que c'est un événement très important pour nous deux.

  • Ça va, ce n’est pas notre mariage, mais une fête pour le célébrer.

  • En effet, mais cela compte beaucoup quand même. C'est un effort que je te demande. Puis, tu enlèves bien tes vêtements pour te laver, non ? Dis-toi que c'est le même principe. Tu ne vas pas rester nu longtemps...

  • Quand je prends un bain, je le fais habiller et je sèche le tout avec ma magie de feu. Ça nettoie la tenue en même temps...


Félicie fut choquée de cette révélation. C'était si surprenant que ça ? Elle aurait dû s'y attendre un minimum. Depuis le temps que c'était sujet à débat le blocage d'Aaron sur la nudité. Elle pensait qu'il aurait fait quelques progrès de côté-là. Elle fut donc forcée de faire un choix : se bagarrer avec lui pour qu'il se change, ou laisser passer. Dans les deux cas, elle savait qu'elle y perdrait soit en réputation, soit la confiance que lui accordait Aaron. Vu la situation actuelle, Félicie préféra risquer la seconde option, mais pas sans essayer de la tourner à son avantage.



  • Et si tu voyais les choses autrement ? Tu pourrais considérer ça comme un entraînement. On est juste tous les deux, non ?

  • Comme si j’allai pouvoir faire ça devant toi alors que même seul, c'est compliqué... Je te garantit que je n’aurais jamais porté ce que j'ai sur moi sans la quinzaine de gardes qui me sont tombé dessus par surprise pour me changer. Et j'ai dû me retenir de leur faire du mal...

  • Justement ! C'est pour ça que cette fois-ci il n’y en a pas. Je veux que tu parviennes à faire ça tout seul. Si mon regard te gêne tant que ça, je me retournerais. Et si tu n'es pas capable de faire ça par toi-même, c'est moi qui m'en occuperais. À moi, tu ne vas pas me faire du mal ?


Pas de réponse. Un « non », ça serait possible ? À moins que... Il n’oserait quand même pas la combattre pour une histoire de vêtement ? Alors oui, certes on peut avoir des doutes, surtout quand ça négocie à la boule de feu, mais il reste l'un des... atchoum ! Héros de cette histoire Aaron. Bien sûr qu'il n'allait pas la blesser. Par contre même si elle ne l'observait pas, pas moyen qu'il ne se change par lui-même. Comme le temps pressait, elle dut se résigner à mettre sa menace à exécution. De quoi donner une belle scène de confrontation.


Oh incroyable ! Quelle action phénoménale ! L'énorme de tampon de Félicie qui plaque le mari au sol, alors qu'il n'a même pas la balle ! La balle ? Quelle Balle ? Je crois qu'on s'est trompé de sport... Mais revoyons quand même la scène au ralenti. On peut le constater, ils se sont défiés du regard ! Et c'est Aaron qui fait le premier pas en arrière, qui donne l'occasion à la fée de plonger sur lui, et elle l'emmène au sol ! Ha non ! Pas au sol, mais sur le lit. Bon bah c'était pas si musclé que ça comme échange.


Félicie voulut s'attaquer à ses vêtements assez vite pour éviter la moindre résistance, celui-ci trembla de tout son être quand elle commença à retirer sa tunique. Là, elle ne pouvait plus le critiquer, dire qu'il abusait ou bluffait. Elle avait la preuve sous les yeux de son blocage psychologique. S'il se mettait dans cet état pour la première couche, ça promettait la catastrophe pour la nudité complète. Une chose à laquelle elle renonça bien vite avant même d'avoir fini de lui retirer le haut. Elle savait qu'elle n'aurait peut-être pas d'autre occasion et pourtant...



  • Non... Pas comme ça...


Le changement de vêtements, rien de plus. C'est de ça que parle Félicie. Vous vous attendiez à quoi ?














... … … …. …

 

 

















Vous êtes dégueulasse...

 

Bref, vous l'aurez compris, la fée avait vite renoncé, à la grande surprise d'Aaron.

 

  • Pourquoi ? Je te remercie de ton geste, mais je ne comprends pas...

  • Je veux t'aider pas empirer les choses. Si j'avais fait ça, tu ne me pardonnerais pas, n'est-ce pas ?

  • Pourtant la dernière fois tu ne t'étais pas gêné pour m'envoyer la garde. Je ne te l'ai pas pardonné, mais je ne te l'ai pas fait payer non plus.

  • Parce que cette fois-ci j'ai vu. J'ai bien senti à quel point tu tremblais. Je ne suis pas un monstre, je veux juste faire en sorte que ça marche...

  • De quoi tu parles ?

  • De notre mariage, de la citadelle, de notre rôle de dirigeant. Je fais tous pour que ça se passe du mieux possible.

  • Pour le reste j'avais remarqué, mais pour le mariage... Comment veux-tu que ça marche alors qu'on n’a jamais demandé ça ?

  • Justement parce qu'on n’a pas eu le choix. Maintenant que c'est fait et irréversible, pourquoi ne pas essayer ? Faire en sorte que ça se passe le mieux possible ?


Alors là, Félicie s'engageait sur un terrain glissant. Pour que le mariage ne vire pas en catastrophe, il ne suffisait pas de gentillesse et de bonne volonté. Sinon, il n'y aurait jamais de divorce ou de dispute conjugale. Même Aaron savait bien qu'elle était naïve sur le sujet. Lui-même faisait de gros efforts de son côté. Oui, il faisait tout pour éviter au maximum d'être seul avec elle. Bah quoi ? C'est du génie ! S'ils ne peuvent pas se parler ou se voir, ils ne risquent pas de s'engueuler. Même au lit, il veillait bien à rester de son côté. Comme ça, pas de « tu prends toute la couverture », ou de « tu me colles trop, j'ai chaud ». Un génie ! En plus, il avait fini par avoir gain de cause contre la fée. Une chose qui devrait l’inquiéter, mais non. Il préféra ne pas y penser.


Félicie elle-même se contenta de le recoiffer, estimant qu'elle n'en demanderait pas plus pour cette fois. Tous deux se préparèrent donc à recevoir leurs invités. L'instant était imminent. Sauf que la fée retint son compagnon avant qu'ils n’entrent dans la grande salle de bal. Allait-il payer maintenant sa maigre victoire ?



  • Écoute bien ce que je vais te demander, c'est très important.

  • Laisse-moi deviner, je dois surveiller mes manières en public ? Avoir l'air noble et éviter les gestes déplacés ?

  • Au contraire ! Lorsqu'on dansera, et même en dehors de ça, si les regards sont braqués sur nous, n’hésite pas à avoir les mains baladeuses. Fesses, poitrine, cuisses.

  • Pourquoi je ferais ça devant des gens ? Même en privé j'évite.

  • Tu vas me dire que ça aussi tu en es incapable ?

  • Pas du tout. J'ai un problème de vêtements, mais je n'aurais aucun remords à profiter de la situation si tu me permets ce genre de choses. Cela ne t'inquiète pas ?

  • M'inquiéter ? Au contraire, il le faut ! Tu peux te déshabiller et consommer notre mariage ? Non ! Alors pour l'instant, on peut juste le leur faire croire.

  • Merci d'insister sur ce qui est un problème pour moi ! Si je pouvais faire autrement, tu serais la première à le savoir !

  • Ce problème, on verra ça plus tard ! J'ai bien compris ton souci, et je sais comment faire. Ce soir, on doit juste compenser.


La solution de Félicie ? Un vrai mystère. Même pour Aaron qui commençait pourtant à bien cerner la façon de penser de la fée. Là, il fallait carrément passer à la méthode interrogatoire. Sauf que non en fait. Il était tout seul pour jouer le rôle du gentil et du méchant flic. Puis zut ! Y'avait pu le temps. On a promis de l'alcool et de la danse. Bon, ils étaient bien habillés, avaient révisé la danse et mirent au point une vraie combine d'escroc avec le tripotage, mais... heu... Normalement on ne leur avait pas dit d'en faire autant.  Ils avaient oublié que le plan c'était de jouer sur les bisous. Des héros, des héros, mon cul, oui ! De sacrés cons pour merder à ce point ! Sauf que ça, ils ne l'avaient jamais répété avant ni même fait une seule fois. Comment ils pouvaient rendre ça naturel devant tous ? Bon, là, il leur faudrait improviser au moment venu.


Les invités se présentèrent tous en même temps, ce qui provoqua un sacré bazar. Essayez donc de laisser des nains, des elfes, et des fées dans la même pièce. Pas moyen qu'ils s'entendent. Et ils n’avaient pas commencé à picoler. L'entrée en scène des stars de la soirée ramena le calme. Par contre ils n'échappèrent pas aux messes basses côté elfes noirs. C'étaient les principaux invités diplomatiques. Les autres étant la famille et les sujets. Félicie s'avança à peine pour saluer ses homologues, qu'Aaron la retint fermement par la taille pour éviter de révéler ses intentions. Pour s'expliquer, il fit semblant de lui murmurer des mots doux à l'oreille. Quel jeu d'acteurs qui ne marchait pas, mais au moins personne ne pouvait prouver le contraire.



  • Ce n'est pas à toi d'aller les voir, mais à elles de venir te saluer. Tu es la maîtresse des lieux. On ne va pas commencer à baisser nos frocs devant ces cons dès le début ! La première impression, tu connais ?

  • Et donc ? J'attends qu'elles viennent nous dire bonjour ? On doit maintenir de bonnes relations avec elles, sinon on va finir isolé.

  • Heu, je pense que c'est déjà le cas. C'est tellement visible qu'on les a tous contre nous les invités que je crois que la boule de feu risque vite de partir.

 

  • Ha non, pas ça. On a dit tripotage et danse comme stratégie. Sinon, je ne me serais pas rabaissé à demander des leçons à ma mère.

  • C'était une bonne idée, jusqu'à ce qu'on soit devant la dure réalité. Quoi qu'on fasse, on est déjà des cibles politiques. Autant rester nous-mêmes et jouer selon nos règles pour les emmerder jusqu'au bout.

Oui ! ça c'est de la politique, de la vraie ! Bravo Aaron ! Tu passes enfin dans la cour des grands ! Par contre, c'était Félicie qui paniquait devant la tournure que ça prenait cette histoire. Bon, elle avait quelques sorts d'attaque qu'elle cachât bien à Aaron et aux autres depuis le début, mais quand même. Avec le palmarès qu'ils se payaient déjà tous les deux côté connerie, elle ne se voyait pas défoncer ses rivales à coup de magie rose bonbon. Il y a des limites à ce qu'on peut infliger à ses adversaires, et là, c'était trop ignoble pour elle. Et pourtant, elle n'oubliait pas la discussion qu'elle avait entendue en lui et le vieux maître. Elle comprenait aisément pourquoi il ne voulait rien céder sur le plan politique : c'était lui qui avait le plus à perdre entre-deux. Bah oui. Si ça partait en cacahuète, elle pouvait toujours rentrer chez elle, contrairement à la petite sœur. Enfin, en théorie, car le sujet manquait de clarté. Le foyer qu'il s'était trouvé, un endroit où on lui foutrait la paix concernant son passé. Ça expliquait cette soudaine motivation à jouer son rôle.


Par contre, ça serait sympa qu'il se passe un truc là, parce que ça se regarde dans le blanc des yeux dans un silence de mort. Un bruit d’agitation résonna alors dans la salle de réception. Mimi faisait servir l'apéro, en bonne intendante qu'elle était. Ah, brave Mimi ! Voyant l'alcool arriver, une impatience de commencer les réjouissances brisa la lourde tension qui pesait. La sucrette prit la parole :


  • Mes Dames, mes seigneurs, à moins qu'une raison s'y oppose, nous pouvons désormais ouvrir le bal et les festivités !

Ça, il ne fallait pas le dire deux fois, surtout aux nains qui se jetèrent sur la bière comme si leur vie en dépendait. Les elfes noirs suivirent rapidement, craignant que les barbus sifflent tout. Bref, ça démarrait fort la picole, et tant mieux ! Aaron et Félicie pouvaient prendre du temps pour souffler avant le retour des emmerdes. Qu'ils en profitent.

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