VI
Quand Farie et Mohamed voulurent remonter, un brasier obstruait l’escalier. Ils se replièrent dans la salle, mais le décor ne tarda pas à s’enflammer en libérant une fumée toxique et épaisse. Dans une déchirure du polystyrène, ils découvrirent une porte puis un escalier raide qui menaient à ce qui furent des toilettes toutes faïencées, deux box et leur cuvette, un placard de rangement et près du plafond un soupirail qui donnait dehors. Mohamed fit la courte échelle à Farie.
— Et toi ? fit-elle.
— T’inquiète, je vais me débrouiller.
Elle se hissa à la limite de l’asphyxie. Quand elle sentit le gazon et l’air libre, la fumée s’échappait déjà du soupirail. Elle appela Mohamed malgré des efforts de toux, mais en vain. Elle resta un long moment à sangloter , hébétée.
— Mohamed, murmurait-elle, Mohamed, je ne voulais pas, pardon…
Elle n’entendit pas l’homme approcher, l’homme avec son jerrycan d’essence dans une main et une barre de fer dans l’autre.
Ramper, tâtonner, le placard là, et serait-il possible ? Bientôt, la lueur de la frontale révéla autre chose que des volutes noires. À ses pieds, des spectres, deux crânes aux orbites énormes. Le délire d’un cerveau en souffrance?
Une chevelure blonde sur un caillou, une autre ébène collée, mêlée à la terre. Des lambeaux d’un tailleur noir.
Des ossements fracassés.
Respirer…
Des flammes sortaient des fenêtres au-dessus et arrachaient les cris de désespoir de Farie.
— Mohamed ! Pardon !
Un homme était à présent à deux pas, et son ombre à la lueur des flammes vint mourir devant Farie. Une ombre menaçante qui levait un bras géant prolongé d’une barre. Mais ce geste se figea soudain.
— Et pourquoi donc pardon !
La voix de Bakar qui sonnait déjà comme celle d’un spectre dans l’esprit de Farie, la fit sursauter.
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