— File dans le café près de la gare, j’arrive!

Mohamed s’était habillé à l’arrache et il regrettait déjà sa pipe au cannabis qu’il venait de fumer. De coutume, il l’évitait avant de prendre le volant ou s’il risquait de le prendre. La soirée s’annonçait longue et le livre qu’il lisait n’avait pas appelé le marchand de sable. Alors… « Fallait y aller ! »

La voix de Farie apeurée qui tombait du ciel comme ça…

Il se gara devant le trocson, elle apparut claudicante et le cœur de Bakar battait la chamade. Elle monta sans mots dire et le visage grave. Mohamed enfonça rageusement le pied sur l’accélérateur.

À quoi s’attendait-il à des effusions, des embrassades ?

Il roula sans but précis dans la ville bercée par la voix de son ex qui égrenait le pedigree d’un certain Grégory Dessait et dont la description allait bien avec le diminutif de son clodo de la veille, aussi bien que le plan du lieu du crime, sous un pont de l’autoroute non loin du marché gare. C’est instinctivement qu’il bifurqua doucement vers la route de Sauve.

— Mais où vas-tu, tu ne me conduis pas chez moi ?

— Pas vraiment, non ? Si on veut ta peau, c’est bien chez toi qu’on va t’attendre. On quitte la ville et raconte-moi encore.

Farie reprit son récit et ne compta pas les kilomètres, ni la direction que prenait Mohamed. Pourtant, les virages se firent de plus en plus serrés et la route plus étroite et pentue. Le fourgon s’enfonçait dans les Cévennes et s’élevait vers le mont Aigoual.

— Là-haut à l’Aigoual, quoi ? Hé ! t’es largué mon pot, hein ?

La voix de Greg résonnait dans sa tête et ce sommet devint le phare d’une nouvelle enquête du commissaire Bakar quand Farida prononça le nom du président du conseiller général, Didier Villard, la cinquantaine, prothèse capillaire, Botox et Rollex au poignet, deux mandats déjà et autant à venir.