Écoute, écoute je te dis, ressens ce rythme qui nous entraîne dans l'oubli. Ne vois-tu pas venir au loin les vaisseaux fracassés de nos chairs putréfiées. Je n'y suis plus, je me suis perdu, j'ai oublié de respirer, j'ai fermé les yeux pour ne plus voir cette infamie. Écoute, écoute je te dis. Je tiens à toi. Toi. Tu es parfaite. Loin de cet opéra sans limite, je vais les travailler au corps. Faire suinter la sueur par tous les pores. Et je saigne, et je saigne, et je saigne juste devant mon seigneur. Tous les mots vont saigner de moi et je ne penserai plus*. J'ai besoin d'oublier. Veux-tu bien être la source de mes maux et la cure à mes souffrances ? Frappe-moi, que je perde la mémoire, que je m'endorme, je ne veux plus vivre. Maze, cette vie n'est que souffrance, pourquoi devons-nous supporter ceci ? Ais-je bien ma place dans mon royaume ?

As-tu déjà songé à tes autres vies ? Je veux dire.. tu ne t'en souviens pas, mais il y a plusieurs milliers d'années, tu étais déjà ma femme, tu ne portais pas ce nom. Moi non plus. Tu connais mon histoire pour t'en être abreuvée dans ton aveugle amour de ton Maître. Belzébuth, Satan.. Lucifer est le nom que je préfère. Je suis le Porteur de Lumière, ici, au plus profond de la Lune. Mais toi, Mazikeen, délicieuse Mazikeen tu ne te souviens pas de tes vies. C'est ainsi. Père l'a décidé ainsi, je pourrais te parler cent ans de la femme que tu as pu être que tu ne t'en souviendrais pas. Pourtant, dans chacune de tes vies, Maze, tu es et a été mon épouse, tu as été toutes ces femmes que j'ai aimé, une seule, en vérité. Lilith.

Avant, je n'étais pas ainsi. Mes frères et moi tendions vers l'univers, à la recherche de Père. Car il a disparu. Il s'est évaporé, nous annonçant avant cela une prophétie qui ne s'est jamais réalisée. Les hommes, sa création, ont cru voir en des actes, des interventions de Lui, quand ce n'était rien d'autre que mes frères. Michael et Gabriel. J'aimerais que nous puissions revenir en arrière, au bon vieux temps, quand notre Maman chantait pour nous endormir.** Mais c'est impossible. Si les humains savaient que Père a disparu, que toutes leurs croyances sont fausses, que les acteurs sont bien réels, et pas seulement des récits, seraient-ils plus prompte à me vénérer ? Je me souviens de l'instant, du balancement qu'elle m'impose, qu'elle m'extirpe. De la fumée qu'elle avale sans même la recracher. Son sourire me hante, ce sourire qui m'arrache des réactions non contrôlées. Elle me fait perdre le contrôle, vraiment. Elle me rend liquide si l'on veut.

Je pourrais prendre des vacances, nous pourrions partir d'ici, juste le temps de penser à autre chose, tu me laisserais te guider dans le Royaume de Père. Parmi les humains, avec nos pouvoirs nous serions de vrais Dieux. Sans blasphème, bien sur. Quoi que, Père n'est plus là, il n'y a personne pour m'en empêcher. Je peux l'avouer sans mal, je le hais. M'avoir mis ici, pour plusieurs éternité. Je lui en veux. Enfin je lui en ai voulu, je lui ai pardonné. Car malgré ses plans, tu es là, toujours, vie après vie, dans la mort et dans la renaissance, et tu m'appartiens, autant que je t'appartiens. Alors partons, tu veux ? Nous irons sur la Terre, nous causerons du tord à ces faibles mortels. Pourquoi pas Paris ? Ou bien Londres ? Non ? Qu'en penses-tu, Mazikeen ? Quel sera la destination de notre prochaine lune de miel ?

Émoi, sous moi, la moiteur gagne tes pics. Je te trouble bien plus que ce que tu laisse entendre. La même chaleur gagne l'origine du monde, de laquelle je m'extraie pour mieux renaître. Cascade des sens, en sens inverse à la gravité originelle. J'abreuve ton âme, la gorge de vie. Qui sait. Tu es une nymphe annelée et je suis ton Héraclès zélé.

* Seven Nation Army, the White Stripes
** Stressed Out, Twenty One Pilots