VII

2 minutes de lecture

C'était le long du Danube que la maladie s’était immiscée. Six mois de solitude et d'errance, de beauté, de tristesse.

Elle ne savait même pas comment elle avait pu passer cette période.

Elle ignorait ce qui l'avait poussée à y revenir. Une force irrépressible, contre laquelle elle n’avait pu lutter. Budapest. Qu'est-ce qui l'attirait tant dans cette ville ? Retourner dans le lieu où elle avait senti le bonheur le plus fort, mais qui l’avait aussi mise au plus mal. Peut-être revenait-elle au berceau de toutes les âmes hongroises, berceau de la mélancolie. Là elle avait vécu, goûté à la souffrance qui serrait le cœur de tout un peuple, ancestrale, chaudement tapie dans son cœur, murmurant sa promesse de toujours y rester.

Savoir que d'autres écrivains avaient avant elle parcouru les rives du Danube, en proie à la sombreur dont seul ce fleuve immense avait le secret était un sentiment étrange, intimidant. Il les avait ensorcelés.

Là-bas, le froid avait une saveur.

Cette mélancolie l'avait raccompagnée jusqu'en France. Une souffrance brute, éternelle.

À cela s’étaient ajoutés des événements de vie ratés, le traumatisme du regard des autres, le malaise au lycée, l’envie de disparaître. L’angoisse de s’asseoir seule dans le car, d’être laissée de côté pour les changements de place, hantise de l’exclusion.

Elle croyait qu'il y avait toujours une cause.

Il vient seulement parfois qu'elles se brouillent et s'effacent, que le temps les polit et notre esprit les écarte ; qu'elles s'enfoncent et s'oublient.

En surface. Et la maladie reste.

Faudra-t-il les chercher pour guérir ?

Elle n'avait jamais rien dit. De toute sa jeunesse, n'était jamais allée voir l'infirmière scolaire. Elle n’avait seulement jamais envisagé cela possible. Elle ne faisait même pas de malaise. C’était le comble. Une chute dans un couloir, une sonde pour la tirer vers la vie. Des souvenirs inventés qu'elle ne pouvait même pas serrer dans ses bras. Tu n’es pas légitime, c’est de la rigolade. Anorexie de pacotille.

Elle sentirait toujours ce manque. Elle aimerait le piétiner, aimerait tellement qu'il parte. Son regret revenait de plein fouet.

La rage et l'impuissance brûlaient ses yeux, elle envoya valser son imaginaire.

La réalité n'est pas ainsi.

Des privations pour un résultat qui ne se remarquait pas. Là non plus, elle n'était pas dans la norme. Pas assez en bonne santé, pas assez abîmée pour que cela se voie. Entre-deux. Entre-rien. Tant d'efforts, une démarche inutile.

Elle n'avait jamais osé aller aussi loin devant eux, alors qu'ils étaient dans les parages. Elle aurait tant voulu leur dire, tout leur dire, elle n'avait jamais pu. Elle voulait les épargner. Elle était toujours restée dans un creux ridicule, coincée par ses propres limites, incapable d'aller au bout de son idée.

Pourquoi chercher soi-même le malheur alors qu'il aura tout le loisir de venir plus tard dans la vie ?

Ce n’est qu’à l’issue de ces deux jours de bilan au Centre expert de Sainte-Anne qu’elle avait envisagé que cela pût être grave. Lorsqu’on lui avait dit.

Le résultat avait beau être horrible, en elle planait le contentement d’être parvenue à ses fins.

Les hommes s'ennuyaient. Alors ils trouvaient le moyen de se détruire, toujours plus inventifs, toujours plus délétères.

Elle a souri. Elle est stupide.

Mais c'était là.

La mort.

Il fallait la frôler.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 5 versions.

Vous aimez lire Parallel ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0