Chapitre 51A: mai 1802

4 minutes de lecture

Mon fils, accablé de travail à cause du décès d’un supérieur et ne pouvant plus se passer de cette journée pour remplir les tâches qu’il lui étaient administrées, travaillerait désormais le mercredi. Comme bonne nouvelle en ce début de printemps, Léon – Paul nous informa de son prochain séjour à Paris pour une nouvelle fois se concerter avec ses collègues de la Salpêtrière. Son épouse exprima sa crainte.

—''J’ai trop peur que l’on doive déménager. Déjà que depuis le départ d’Anne, j’ai l’impression d’être coupée du monde, si l’on devait quitter Rouen pour Paris, je crois que je haïrais comme jamais mon mari.

—''Ce n’est pas du tout d’actualité… Pourquoi donc pensez – vous a cela ? Léon-Paul vient juste de commencer à payer le crédit de la maison, et son nouveau poste à l’hôpital a l’air de lui convenir parfaitement. Nous sommes ici depuis à peine quatre ans, imaginez donc Malou qui vit depuis huit ans à dix jours de route de chez nous… Elle non plus n’avait jamais quitté sa famille avant de rencontrer son mari, et je suppose que les premiers mois n’ont pas non plus dû être simples. Rassurez – vous, vous verrez vos sœurs et votre père au mariage de Pierre.

—''Seulement si Léon – Paul accepte de m’y conduire. Il est assommé de travail en ce moment et j’ignore si il pourra réserver sa journée du sept septembre.

J’allais chercher le calendrier, et je m’apercevais avec tristesse qu’il ne s’agissait pas d’un dimanche.

—''Je suis désolée de vous dire que c’est un mardi. Vous le saviez déjà ?

—''Oui, j’avais été voir aussitôt que Catherine m’avait annoncé le mariage. Vous pourriez essayer de le convaincre ? C’est votre fils, je suis sûre que vous y parviendriez mieux que moi.

—''Faites le d’abord vous même, et si il ne veut pas, je vous promet d’au moins tenter. Ce n’est quand même pas une journée de pause qui va le mettre au chômage !

J’ignore si elle lui en parla dès qu’il rentra, mais en revanche, ce soir-là, j’entendis bien le miroir se briser dans un vacarme assourdissant, et Frédéric et Louise-Marie, qui devaient alors dormir dans leurs berceaux respectifs, se mettre à pleurer dans la foulée. J’accourais dans la chambre, Marie sanglotait assise au milieu du verre brisé, et Léon – Paul pestait sur son lit, ignorant comme son épouse les bébés hurlants. Je voulu l’aider à se relever, mais tout en m’ignorant, elle se dégagea et vociféra contre son époux.

—''Tu n’es qu’un sale égoïste qui ne pense qu’à sa putain de gueule et qui m’oublie, moi, qui ai tout quitté pour toi et maintenant que je t’ai donné ce fils à pourrir tant désiré ! N’as - tu donc plus rien à dire pour te défendre ?!

Mon fils me regarda et m’indiqua la porte de son index.

—''Sortez de la chambre je vous prie.

Je quittais donc les lieux pour aller me servir une tisane réconfortante, et essayer d’oublier un peu ces cris, en espérant que Alice ne se soit pas réveillée, et ne puisse pas être témoin des altercations de ses parents, qui, j’en étais sûre, affecteraient sa petite conscience de sucre. Léon – Paul quitta assez tôt la maison le lendemain matin, alors qu’il faisait encore nuit, dans mon lit je priais doucement pour qu’il revienne. Une minuscule voix qui m’appelait se fit soudain entendre depuis une autre chambre, et je décidais de me lever alors qu’elle devenait de plus en plus insistante. Je m’habilla et j’arpentais donc à pas de loup le couloir jusqu’à la chambre d’Alice, où la petite fille aux reflets roux essuyait les larmes qui coulaient de ses yeux en se les frottant durement. Je m’asseyais donc près d’elle.

—''Eh bien Alice, que vous arrive t-il ?

L’enfant mit un certain temps avant de me répondre.

—''Ai fait pipi dans mon lit…

—''Oh… Si ce n’est que ça, Jeanne nettoiera vos draps. Ce n’est pas bien grave de s’oublier, hein ? Allez, montrez - moi donc l’endroit de l’incident.

Sans bouger, elle continua de me fixer avec insistance.

—''Papa il va encore crier très fort a cause de moi…

—''Mais non ma puce, oubliez donc cela. Votre père est un peu fatigué par son travail, c’est tout.

Alice enfouit ensuite sa tête dans mes bras. Elle enfila son châle de fourrure et nous descendîmes ensuite prendre notre déjeuner, car elle m’avait fait part de sa grande faim, et de son désir de ne pas se recoucher. En passant discrètement devant la chambre de ses parents, nous jetâmes un coup d’œil par la porte entrebâillée. Sa maman dormait à poings fermés, couchée seule dans ce grand lit immaculé, se confondant dans les draps avec sa chemise de nuit blanche. Je refermais doucement la porte, et la petite fille me regarda longuement, avant de me reprendre la main pour descendre au salon.

Jeanne avait déjà dressé la table pour Léon-Paul et s’occupait de réunir les affaires sales pour pouvoir aller faire la lessive au lavoir dans la matinée. Elle attendait ainsi que Marie se lève pour aller nettoyer ses draps.

—''Madame n’est pas prête de se lever. Elle a eu une soirée agitée et elle doit récupérer de ses émotions.

—''En effet, j’ai bien entendu du vacarme hier soir. Elle se mis subitement à chuchoter. Serais-ce monsieur ?

—''Il est un peu sur les nerfs en ce moment. Par ailleurs, avez-vous terminé de faire sécher les langes? Il nous en manquait hier, pour Frédéric et Louise-Marie.

Après notre déjeuner, nous restâmes au chaud sous les couvertures dans le canapé, en attendant que la petite famille ne se réveille. Marie descendit habillée, sa cadette dans les bras, aussi, dès qu’elle l’aperçu, Alice couru vers elle pour l’embrasser. Je remarquais assez vite les blessures de la jeune femme, car le dos de sa robe portait des tâches de sang de plaies qu’elle n’avait évidemment pas pu soigner. Lorsque son mari l’avait poussée contre le miroir la veille, il s’était brisé en mille morceaux et elle avait reçu quelques éclats de verre.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Lanam ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0