1.11 - Le contact

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Le vaisseau « la Véritable Frontière », quelques mois plus tard.


  • Adam ! Eve ! Je reçois un signal étrange s’exclama Patricia, l’IA pilote. Je l'ai détecté sur la longueur d’onde radio d’un pulsar classique. Mais ceci n'est pas naturel… Au lieu d’émettre régulièrement celui-ci émets sur des fréquences croissantes.
  • Attend ! Attend ! Attend ! Patricia, dit Adam à l'intercom. Pourquoi es-tu sûr que ce n'est pas naturel ? Et alors, pourquoi ça serai un problème ?
  • Puisque tu le demandes, l'augmentation de la longueur d’onde n'est ni linéaire ni exponentielle, ce qui aurait pu dire qu'un pulsar est isolé ou sur le point de rentrer en collision avec un autre astre. En fait, le signal augmente sa fréquence en suivant la séquence de Fibonacci, expliqua-t-elle, en espérant être compris.
  • Tu m'as perdu, là, dit Adam.
  • Et bien chaque nombre de la séquence est la somme des deux précédents. C'est comme ça 1, 1, 2=1+1, 3=2+1 5 = 3 + 2, 8 = 5 + 3 et ainsi de suite. Il n'y a pas de phénomène cosmique naturel qui pourraient reproduire exactement cette série. Et donc cela doit venir d'une espèce intelligente capable d’émettre ce signal.
  • Et alors ? demanda Eve à nouveau.
  • Et bien le signal ne vient pas de l'arrière donc de Mars ce qui aurait pu être compréhensible. En fait, il vient précisément du système solaire vers lequel nous allons.

Et la voix de l'intelligence artificielle mit probablement un peu trop d'émotion humaine dans cette dernière phrase :

  • Nous sommes face à des extraterrestres !
  • Waouh ! prononça Eve, la bouche bée et les yeux écarquillés.
  • Chiottes, réagit Adam, sourcils froncés.
  • Effectivement, acquiesça Patricia. C'est un peu des deux.

Pendant quelques instants, personne ne parla. Ils étaient tous en train de rêver, de s'inquiéter et d’essayer de penser au même moment. Le robot pilote choisi de laisser les humains faire ce qui savait faire de mieux : penser de manière créative.

  • Adam, proposa Eve, on devrait répondre. Je sais que tu vas dire qu'on devrait plutôt se concentrer sur les gars qui ont détruit notre balise, mais je ne suis pas d'accord.
  • Non, non, tu as raison, raisonna Adam. Entre une menace dans notre dos d'anciens amis et un contact avec de parfaits inconnus devant nous, ça paraît difficile de choisir. Mais on a dépassé depuis longtemps le point de non-retour, donc on a pas le choix ; on doit communiquer avec les extraterrestres, ceux là-même qui habitent déjà ce qu'on pensait être notre jardin d'Eden.
  • Et tu ne veux pas contacter le vaisseau ou les humains derrière nous pour les prévenir à propos des extraterrestres ? interrogea Eve.
  • Euh… Patricia, est-ce qu'on pourrait faire ça sans être remarqué par les extraterrestres ?
  • Oui bien sûr. En fait, puisqu’on est au milieu, n'importe quel message dans une direction ne devrait pas être détectable de l'autre côté.
  • Mais du coup, souligna Eve, j'imagine que chaque message venant d'un côté peut-être écouté par l'autre côté, même s’il ne s’adresse qu’à nous ?
  • Pas de souci de ce côté-là, commenta Adam, le dernier message des humains date d'il y a 6000 ans.
  • Et donc, redemanda le vaisseau, que voulez-vous dire aux humains derrière nous?
  • Très simple, rétorqua Adam, je veux savoir quelles sont leurs intentions et pourquoi ils ont fait exploser une balise.
  • Est-ce qu'on pourrait aussi leur demander comment va la vie sur Mars en ce moment ? implora Eve.
  • Bonne idée. Ce n'est pas trop tard pour obtenir des nouvelles d'un parent trop longtemps oublié. Et donc, Patricia, prépare un message pour la terre. Je le relirai avant que tu l'envoies. Mais en attendant nous devons trouver un moyen de répondre aux extraterrestres.
  • Les deux messages sont déjà disponibles, répondit un robot satisfait. Et quant aux extraterrestres, plutôt que de renvoyer une suite de Fibonacci, je pense que la série des nombres premiers devrait être pertinente pour nous identifier comme des êtres intelligents, nous aussi.
  • Dis-moi Patricia, tu aimes être en charge, n‘est-ce pas ?
  • Non, ce n’est pas ça, répondit défensivement le vaisseau, c'est juste que vous n'avez pas assez d'expérience en mathématique.
  • Oublie ça Patricia, interrompit Eve. Il est jaloux et c’est tout !

L’IA maintint le silence jusqu’à ce qu’Adam demande finalement :

  • Tu me donneras un cours de math accéléré ? Disons pour mon anniversaire ?

Mais ce fut Eve qui répondit et mit un terme définitif à la discussion :

  • Dis-moi Adam, tu aimes avoir le dernier mot, n‘est-ce pas ?

***

Flotte centaurienne, quelque mois plus tard.

Sur le vaisseau amiral, la pression subtile mais permanente d’un jeu de pouvoir sans merci avait fini par concrètement scinder l’équipage centaurien comme des plaques tectoniques. La plupart s’était résignée à observer les occasionnelles éruptions ponctuant de longues périodes monotones. Mais, dans l’ensemble, le moral des troupes ne se trouvait pas affecté par les confrontations qui secouaient régulièrement le haut de la pyramide.

Les soldats étaient parfaitement entrainés à ne pas répandre de mauvaises nouvelles. Mais celle-ci était bonne, alors elle fit le tour rapidement.

  • Capitaine, nous venons de recevoir à l’instant une réponse des extra-centauriens, dit solennellement Igor, le second, malgré les protestations de Grishka, l’officier des communications qui le suivait.
  • Détaillez-moi ça, dit le capitaine tout excité.
  • C’est la série des nombres premiers, dit-il fièrement. Et c’est en fait la preuve définitive que cette forme de vie est bien intelligente.
  • Parfait ! Je le savais ! s’exclama le capitaine, qui bondissait de joie dans tous les sens, mais seulement en pensée, car il ne pouvait pas se permettre de dégrader son image face à ses subordonnés. Ils sont disposés à communiquer. Ça veut dire qu’ils sont… amicaux, souligna-t-il à l’intention de Grishka. Cela valait le coup d’attendre deux ans. Nous devons maintenant nous décarcasser pour continuer les échanges et apprendre leur langage. Et ceci, Grishka, sera ton unique objectif.

Et il rajouta juste pour le plaisir de rajouter de la pression :

  • Seulement toi peux sauver notre espèce !

***


Intercepteur numéro 5, au temps d’Adam.

La destruction de l’arche de Noé avait laissé des traces bien visibles pour les observateurs un tant soit peu attentifs. L’intercepteur 5, qui était à la poursuite de la Véritable Frontière, était bien placé et intéressé par les progrès de son collègue. Son capteur basse résolution sur son flanc avait bien détecté deux déflagrations. Mais, il n’avait reçu aucun message de confirmation.

  • Bizarre, pensa-t-il. L’intercepteur 3 aurait dû confirmer son succès avant de s’autodétruire lui-aussi. C’est le protocole de base. C’était comme si il avait eu des problèmes de communication. A moins qu’il ait tout simplement échoué dans sa mission, et que l’arche ait feint sa propre mort. Mais non, le nombre de débris était trop important pour imaginer que l’Arche ne puisse pas être complètement désintégrée.
  • La seule certitude était que les deux vaisseaux étaient anéantis. Le déroulement souhaitable était que le chasseur avait la maîtrise totale. Une option probable était que les vaisseaux se soient entretués.

Une autre possibilité lui vint à l’esprit.

  • Un autre vaisseau aurait pu provoquer leur perte commune. Les extraterrestres… Je devrais probablement prévenir le coordinateur.

Il fit une pause relativement longue pour une IA.

  • Hum, ou bien non. Le coordinateur a surement scruté la scène dans le détail. En cas de besoin, il m’aurait demandé de réorienter mes meilleurs capteurs pour avoir un autre angle de vue. Ouais. Une perte de temps, conclut l’intercepteur en annulant dans la foulée le repositionnement de ses capteurs qu'il venait de lancer.
  • Ma mission première est d’intercepter une autre de ces reliques pour une vaine colonisation. La Véritable Frontière ! Quel nom arrogant pour un objectif insignifiant. Ils n’ont vraiment rien compris. Je dois les rattraper au plus vite, avant que les balises envoient encore des signaux, ou pire : que l’IA décide d’émettre lui-même vers l’ennemi. Auquel cas…


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