1.4 - L'éclaireur

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Capitale centaurienne, 3 semaines après la découverte

Sur le monde extraterrestre, qui avait maintenant les yeux rivés vers le Soleil, le débat entre les sénateurs s'ouvrit solennellement.

  • Mes chers collègues, le résultat préliminaire des sondes envoyées à grande vitesse vers l'anomalie vient juste d'être rendu disponible. En tant que rapporteur de la commission scientifique, je vais répondre à vos questions sur base de ce rapport. Tout d'abord, il est confirmé que la position de la planète est bien en dehors de la zone d'habitabilité. Nous allons devoir redéfinir la taille du disque vital, voire la notion de vie.
  • Une question simple, interrompit un sénateur, quelle est la température à la surface de cette planète ?
  • La température moyenne est estimée à une valeur inférieure à celle du soufre en ébullition. Je sais, pas de vie sans soufre liquide. Cela dit, il y a peut-être une activité volcanique qui permettrait des températures plus clémentes. Mais sans investigation in situ, impossible de voir à travers l'atmosphère et confirmer cette hypothèse.
  • Quelle est la composition de l'atmosphère ?
  • Il semblerait qu'elle soit composée en majeure partie d'azote et aussi d'oxygène. Le cœur de cette planète tellurique est plus léger que la nôtre, mais compatible comme je disais avec une activité volcanique.
  • Est-ce que l'on a une idée de la cause de ce spectrogramme blanc ? demanda nerveusement un jeune sénateur. Et d'abord, est-ce que l'observation est réelle ?
  • C'est définitivement une anomalie. Et on est proche de la certitude quant à sa nature artificielle. Cependant, le spectrogramme n'est pas uniformément blanc. En fait, nous avons trouvé une surreprésentation significative de liaisons carbone-hydrogène et oxygène-hydrogène.

Le doyen des sénateurs se leva tranquillement et attendit calmement que tout le monde le remarque et se taise immédiatement.

  • Mon cher collègue, vous avez été nommé rapporteur car vous êtes considéré comme le plus familier de ces subtilités scientifiques qui n'intéressent personne. Maintenant, vous énumérez une série d'observations qui chamboule toutes nos croyances et toutes nos connaissances. Alors, je vous demande de prendre en compte mon grand âge ; épargnez-moi vos longues phrases dramatiques et cette manie d'énoncer les faits au compte-goutte. Puis-je résumer votre pensée de manière adéquate en disant que nous avons à faire à une forme de vie basée sur du carbone, de l'azote et de l'oxygène ?
  • Tout à fait, Doyen. C'est difficile à conceptualiser, j'en suis bien conscient. Mais j'attire votre attention sur le fait que nous sommes nous-même dépendants d'un tryptique : le silicium, le phosphore et le soufre. En regardant le tableau des éléments chimiques, vous verrez d'ailleurs que ces éléments de l'exo-planète ont des propriétés chimiques similaires aux nôtres, si ce n'est qu'ils sont de première génération, et que nous sommes bien sûr plus évolués. De surcroît, ces éléments sur cette planète glaciale sont dans les mêmes états que les nôtres sur cette planète.

Des rumeurs parcoururent l'assemblée. Le rapporteur essaya d'identifier les sénateurs réprobateurs et d'anticiper leurs critiques.

  • Mes chers collègues, s'il vous plait, laissez-moi exprimer tout ce que j'ai à vous dire. Nous sommes devant une forme de vie totalement inimaginable jusqu'ici, mais je suis néanmoins persuadé que c'est une forme de vie bien réelle. Nous sommes très loin de comprendre comment la vie a pu se former et perdurer dans ces étranges conditions. Cela était le message que je devais vous donner en tant que rapporteur. Mais en tant que sénateur à part entière, mon message est que je crois qu'il est de notre devoir d'étudier plus avant cette exo-planète et donc d'envoyer un contingent sur place. Le débat est, il me semble, lancé, et je vous invite à exprimer vos points de vue.
  • Très bien, commença un sénateur proche de la tribune. Nous savons que la vie est basée sur le silicium. Je crois que le concept d'une vie possible dans du sulfure d'hydrogène gelé est une absurdité. Je considère cette anomalie comme un cas extrême d'auto-organisation d'un cristal. Je consens à étudier ces cristaux via une mission exploratrice, mais nous ne devons tomber pas dans la psychose et l'exagération.
  • J'aimerais comprendre les risques liés à une mission de reconnaissance. N'y a-t-il pas un risque que cette forme de vie si elle est intelligente se retourne contre nous, voire attaque notre monde ?
  • En fait, j'ai le problème inverse, dit un autre. Il faut protéger cet habitat unique d'une interférence potentiellement dévastatrice. C'est notre devoir en tant que civilisation avancée que de s'occuper de la sauvegarde des formes de vie inférieures.
  • Le rapporteur a dit qu'il n'y avait pas d'intelligence là-bas, mais il demande aussi de se préparer à redéfinir la notion de vie. Pourquoi ne pas aussi redéfinir le concept intelligence ? Nous devrions essayer de communiquer avec eux, et je ne vois pas d'autres moyens que d'envoyer un éclaireur sur place.
  • Mais comment pourrait-on échanger avec des étrangers dont on ne connait rien ? Même pas si ils ont une langue ou un moyen de communication ?
  • Vous utilisez le pluriel, répondit le rapporteur, comme si cette vie était composée de sous-entités indépendantes et communicantes entre elles. Si on doit repenser la vie, on doit envisager qu'elle ne soit pas composée mais unique. Et un être unique n'a pas besoin de communiquer.
  • De toute façon, c'est une ou plusieurs intelligences de première génération. Elles ne pourront jamais atteindre notre niveau de compréhension.
  • C'est un argument fallacieux. Si vous pensez que le niveau dans le tableau des éléments est corrélé au niveau d'intelligence, vous devriez craindre qu'on vous appelle le sénateur de génération zéro.

Applaudissements fournis dans la salle.

  • Plus sérieusement, modéra un sénateur muet jusqu'ici. Est-ce qu'il y a une corrélation possible entre les éléments chimiques et disons la probabilité d'apparition de la vie et par la suite d'une intelligence ?
  • Je n'en sais absolument rien, répondit honnêtement le rapporteur.
  • Est-ce qu'on pourrait être en train de contempler nos ancêtres, à un stade d'évolution encore limité ?
  • Et si il y avait une multitude de formes de vie présentes, mais jusqu'ici invisibles dans notre galaxie ? Est-ce que la vie a plus de chance de se rencontrer sous la forme de notre civilisation avancée ou celle d'un cristal auto-catalyste ?
  • C'est assez, coupa le doyen. La seule chose que nous savons pour sûre est que nous avons découvert une nouvelle forme de vie. Et la seule chose possible et intelligente à mes yeux et d'essayer d'en savoir plus. Je propose donc d'arrêter ces débats inutiles et de passer à un vote, pour ou contre l'envoi en éclaireur d'une mission d'exploration.
  • Tout à fait. Commençons par çà. Oui, Oui, furent les différentes réactions de l'assemblée.

Ce fut donc de manière assez consensuelle que les centauriens décidèrent d'envoyer une force militaire conséquente afin d'être en mesure d'explorer ce nouveau monde de manière parfaitement autonome.

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