33 - Le défi de Serfantor

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45ième jour de la saison du sapin 2448 - PDV Azéna

La noirceur s'emparait de l'esprit d'Azéna alors qu'elle luttait contre l'envie de s'endormir et de tout laisser tomber. La tache argentée était toujours présente dans sa vision. Elle résistait à la fatigue, à la faiblesse et elle ne défaillit pas. Après s'être frotté les yeux, sa vision s'éclaircit. La première chose qu'elle aperçut fut de longs cheveux argentés et un visage familier à la peau aussi noir que charbon. Les yeux sternes de l'elfe gris étaient fixés sur elle. Il était assis sur une chaise rudimentaire à côté d'elle. Plus précisément, à côté de son lit.

- Qu'est-ce qui se passe? demanda-elle.

Son visiteur fronça des sourcils et Azéna le reconnut enfin.

- Serfantor, s'écria-t-elle avec effroi.

- Tu te réveilles enfin, dit Serfantor sur un ton impassible.

- Quoi? Que s'est-il passé? Que fais-tu ici?

- Calme-toi un peu. Ta réaction immodérée me donne mal à la tête. Je ne suis pas un nécrodin tu sais.

- Ce n'est pas un rêve, n'est-ce pas?

- Non.

- Alors, qu'est-ce que...

Les sourcils de Serfantor se rapprochèrent soudainement, ses yeux semblaient lancer des éclairs et ses lèvres se serrèrent.

- Silence, siffla-t-il avec une colère soudaine.

L'elfe se calma après son éruption sentimental inattendu. Azéna lui lança un regard défiant. Elle réalisa qu'il était là pour l'Œil du Savoir. Elle sonda la salle et conclut qu'elle se trouvait à l'infirmerie. Il y avait plusieurs lits, tables de nuit et chaises un peu partout. Elle aperçut Leith qui s'occupait d'un autre patient à l'autre bout de la salle puis, Fayne et Teriondil qui étaient assieds à proximité et observaient Serfantor avec attention. Fayne elle semblait en contrôle d'elle-même, mais Azéna remarqua que ses yeux étaient légèrement plus élargis qu'à leur habitude ce qui indiquait qu'elle était belle et bien nerveuse.

- Qu'est-ce qu'il fait ici? questionna Azéna à ses amis avec légère impatience.

- On n'a..., commença Fayne.

- Nous devons nous parler, interrompit Serfantor. Puisque je n'ai pas de temps à perdre ni l'envie de te courir après, je suis venu te rendre visite à l'infirmerie et tes deux amis ont refusé de me laisser seul une seconde avec toi. Alors, j'ai attendu patiemment que tu te réveilles.

- Tu es resté inconsciente pendant trois heures, informa Teriondil. Tu semblais souffrir, alors j'ai offert du thé, mais...

- Pas de thé, lança une voix ferme qu'Azéna identifia comme appartenant à Leith. Ce n'est pas le moment, Teriondil.

La vieille guérisseuse approcha, observa Azéna avec attention puis, retira le bandage ensanglanté de son épaule qu'elle entreprit de remplacer avec un nouveau. Elle serra brutalement. Azéna poussa un petit glapissement et secoua ses jambes comme si elle essayait de catalyser sa douleur.

- J'abandonne, j'abandonne, pleurnicha-t-elle.

- Le saignement a finalement cessé, informa Leith en souriant. De plus, tu t'es réveillée, ce qui est bon signe.

Elle donna à Azéna une petite bouteille remplie d'un liquide étrangement pâteux et blanchâtre qui émanait une odeur d'herbe prégnante. L'adolescente grimaça, complètement dégoûtée par la préparation médicale.

- C'est un antidouleur et un anti inflammatoire, expliqua Leith. Allez, ne fais pas ta difficile.

Azéna obéit à contrecoeur et remit la bouteille à Leith en retenant une envie de régurgiter le liquide.

- Bon... Qu'est-ce qui s'est passé exactement? demanda Azéna.

- Tu as attiré la colère d'Umah, enfant, accusa Leith avec des yeux réprobateurs. Apprend à contrôler tes paroles.

- Je suis loin d'être une enfant, grogna Azéna.

- Tu as quatorze ans. Alors, tu es une enfant. L'âge adulte commence à seize ans.

- J'ai eu mes quinze ans. C'est assez vieux pour ne plus se faire traiter d'enfant. De plus, à Daigorn, l'âge adulte c'est quinze.

- L'âge n'est qu'un chiffre. Agit comme une adulte et peut-être que tu en seras traité ainsi.

Ceci dit, Leith retourna à ses autres patients. Azéna balaya la salle du regard pour d'Umah, mais l'elfe des bois n'était pas présent. Honteuse, elle éprouvait de la difficulté à accepter une autre défaite et, en conséquence, sa propre faiblesse.

« Évidemment, se dit-elle. Il n'a pas été blessé, lui.»

- Enfin bref, dit Serfantor, j'ai tout vu la scène de la table des apprentis du troisième cycle.

La voix confidente de l'elfe gris n'était pas trompeuse, mais Azéna n'avait toujours pas confiance en lui. Instinctivement, elle leva légèrement sa lèvre supérieure et plissa son nez. Elle se demandait à quoi il jouait, pourquoi la taquinait-elle comme ça? Elle n'avait aucun intérêt à être manipulé par lui puisque Teriondil et Fayne pouvaient lui transmettre les détails. Elle adopta un calme hautain, ignorant l'inconfort de son épaule mutilée.

- Et, alors? demanda-t-elle avec froideur. Qu'est-ce que ça peut te faire?

- C'était très brave de ta part de faire face à Umah.

- C'est une insulte ou un compliment?

- Je dois confesser que c'est un peu des deux, avoua Serfantor en affichant un sourire narquois.

- Où veux-tu en venir? questionna Azéna avec impatience.

- J'ai enfin trouvé ce que je vais faire à propos de ce que tu m'as volé.

- Volé? Elle ne t'appartient aucunement et elle ne t'a jamais appartenue.

- Tu vois de quoi je veux parler. Je la veux et elle sera à moi. J'aurai pu utiliser d'autres moyens... Mais, j'en ai décidé autrement.

Azéna fronça les sourcils.

- Parle, elfe gris.

Serfantor jeta un coup d'oeil par dessus son épaule afin de s'assurer que Leith n'était pas à proximité.

- Par ma parole, je te jure que je ne te dérangerai plus à ce propos si tu réussis à me vaincre en duel, finit-il par dire. Un duel de dragonniers, plus précisément.

- J'accepte ton défi, déclara Azéna sans même y penser. N'importe quand.

- Tu te crois vraiment en état? questionna Fayne avec inquiétude. Tu est trop faible pour un duel. De plus, tu as besoin de pratique. Tu n'as même pas encore eu ton premier cours de combat. Serfantor est un apprenti du troisième cycle. C'est une situation injuste.

- Tu peux toujours décliner, dit Serfantor en ignorant les paroles de Fayne.

- Non, ça va, dit Azéna en souriant avec assurance. J'ai confiance en moi et en mes sources.

- Pour démontrer ma bonne volonté, je serai au terrain de skotar de l'académie cinq jours avant l'examen final. Ainsi, tu as assez de temps pour te préparer en conséquences et à la suite du combat, de récupérer pour l'examen.

Son visage resta impassible, neutre, comme s'il n'éprouvait rien pour ce qui venait de se passer. Il se leva tout simplement et partit, sa cape claquant dans le mouvement gracieux de ses pas.

Azéna, au contraire, ressentait un mélange d'enthousiasme, de joie et d'anxiété. Quelqu'un l'avait reconnu et ça, elle l'appréciait. D'un autre côté, elle reconnaissait que son opposant avait raison; elle était au désavantage contre lui. Elle s'assit dans le lit dans un mouvement brusque et acclama la nouvelle.

- Génial, s'écria-t-elle.

La douleur qu'elle avait oubliée revint en force. Elle traversa son bras comme une aiguille brûlante. D'un réflexe, elle vint serrer sa plaie de sa main et serra les dents. Son expression facial fut transformé par la fatigue. Sa respiration s'accéléra un peu.

- Arrête de t'énerver, dit Fayne en croisant les bras. Tu va ouvrir ta plaie et ça va recommencer à saigner.

- Désolé, dit Azéna en riant. La potion magique de Leith ne fonctionne pas.

Fayne renifla et se redressit sur sa chaise.

- Ce n'est pas une potion magique, c'est une préparation herb... laisse tomber.

- Je ne vois pas ce qui a de drôle, dit Teriondil avec confusion en fixant Azéna.

- N'essaie pas de comprendre l'esprit d'Azéna, lui conseilla l'herboriste. Elle est folle.

Elle sourit légèrement en fixant son amie ce qui détruisit sa crédibilité.

- Alors, qu'est-ce que tu vas faire à propos de ce duel, madame la guerrière? demanda-t-elle avec sarcasme

- Ne t'inquiète pas, répondit Azéna. Dites-moi juste ce qui s'est passé.

- Maître Valkirel a intervenu lorsqu'Umah était sur le point de se jeter sur toi. Étant mage, il l'a fait léviter afin de l'éloigner de toi et de l'immobiliser. Il n'avait pas l'air heureux de la chose d'ailleurs. C'est bizarre le voir en colère.

- Être lévité dans le vide sans pouvoir te défendre est très humiliant, expliqua Teriondil. C'est presque de la triche en combat. C'est lâche, mais c'est parfois nécessaire comme dans cette situation.

- Et en fin de compte? questionna Azéna avec intérêt.

- Les apprentis ont été envoyés dans leur dortoir, Umah s'est calmé et est redevenu à la normal. Puis, Elda... Oh... Je veux dire, Maître Valkirel t'a emporté à l'infirmerie. On a essayé de suivre, mais il nous a vus. Alors, on est retournés à la Tour de la Connaissance jusqu'à ce qu'on nous annonce deux heures plus tard qu'on pouvait venir te voir.

- Attend un instant...

- Quoi?

- Eldarytzan m'a porté dans ses bras?!?

- Heu... oui, répondit Teriondil, visiblement confus.

- Comme un homme fait à une mariée?

- Heu... je crois que cela est la tradition dans certaines cultures. Pourquoi une telle question?

Azéna rosit légèrement et regarda le sol.

- C'est gênant, c'est tout.

- Ne t'en fais pas, dit Leith qui était revenue pour vérifier le bandage et la plaie. Maître Valkirel est un gentilhomme. Il l'a fait car il fallait que tu sois à l'infirmerie le plus vite possible. Encore une chance qu'il n'ait pas attendu car, tu avais perdu beaucoup de sang.

Après avoir étendu la même pâte verdâtre qu'elle avait utilisé sur Tyrath sur la blessure, elle remplaça le bandage ce qui fit grimacer Azéna une seconde fois.

- Tu es si âpre, se plaignit l'adolescente.

Leith lui répondit d'un regard sévère qui voulait tout dire par lui-même.

- Qu'en n'est-il d'Umah? questionna Azéna en essayant de changer le sujet. Pourquoi m'a-t-il attaqué pour si peu? Et, ses yeux noirs... Ses crocs... Il aurait pu me tuer.

- Ce n'est pas à moi de vous expliquer cela. Grand Maître Jenkins est en train de discuter avec Apprenti Xiphendor. Il m'a avisé qu'il allait venir vous voir par la suite.

Azéna commença à chercher autour de son lit pour ses affaires. Leith la poussa. Comme une fleur fragile, Azéna tomba couchée sur le lit. Elle resta bouche-bée devant la force physique de Leith.

- Arrête de t'agiter, ordonna Leith en fixant ses yeux sévères sur ceux de sa patiente. Tu vas ouvrir la...

- La plaie, termina Azéna sur un ton redondant. Je sais. Mais, vraiment, je suis en pleine forme, maintenant. Je peux y aller.

- Je ne crois pas. La taille de la blessure est tout-de-même inquiétante.

- Mais, ce n'est qu'une petite égratignure!

- Ne compte pas la dessus, conseilla Leith en appliquant la crème verdâtre gluante et nauséabonde sur la joue blessée d'Azéna. Tu ne l'as pas vu encore.

- C'est dégoûtant ce truc, se plaignit Azéna.

- Arrête donc de lamenter et repose-toi. C'est une crème qui aide à guérir les petites à moyennes plaies. Elle est faite à partir d'une plante restauratrice.

Azéna marmonna avec impatience et laissa Leith terminer d'étendre la crème.

- Où est Tyrath?

- Moi et Teri on peut aller le chercher si tu veux, proposa Fayne.

- Ça serait apprécié, répondit Azéna.

- Dites-lui qu'il vienne à la fenêtre et qu'il fasse attention de ne pas tout égratigner, demanda Leith.

- Pas de problème, dit Fayne.

Fayne et Teriondil se levèrent et sortirent de l'infirmerie. Pendant ce temps, Azéna questionna Leith sur son travail. Elle lui expliqua qu'elle était, pour la plupart du temps, dans l'académie entrain de soigner les dragonniers et que si quelque chose arrivait aux dragons dans l'écurie que madame Gènar pouvait s'en occuper à un minimum et l'avertir entretemps.

- Ce n'est pas un emploi facile ni reposant, pointa Azéna.

- Quelqu'un doit le faire et je suis expérimenté, expliqua Leith, alors, je n'ai pas de difficulté. Bon, je dois retourner à mes autres patients. Attend sagement ici sans bouger. Sans bouger.

- Ça va, ça va. J'ai compris.

Sur ce, Leith laissa Azéna à ses pensées. La jeune adolescente roula les yeux et s'installa sur le dos puisqu'elle ne pouvait pas se permettre de se placer sur le côté en raison de son épaule.

Quelques minutes plus tard, Tyrath apparu de l'autre côté de la fenêtre à côté du lit d'Azéna. Il la regardait de ses yeux violets et semblait aussi inquiet que frustré de voir sa dragonnière dans un tel état. Il se mit à grogner, mais Azéna lui fit signe de se calmer. Le jeune dragon cessa son affolement et examina le dedans l'infirmerie avec méfiance. Azéna voulait lui parler et la vitre empêchait le son de circuler à son aise. Elle se leva doucement en tentant de faire le moindre de bruit possible pour ne pas attirer l'attention de Leith et s'approcha de la fenêtre les bras étendus, près à l'ouvrir.

- Azéna, appela une voix colérique qui provenait de derrière elle.

Cette dernière tourna la tête et elle aperçut Leith qui la regardait les bras croisés.

- Combien de fois faudrait-il que je te dise de rester tranquille? demanda-t-elle. Tu es aussi têtue que ton idiot de père.

- Mais...

- Au lit, immédiatement! La prochaine fois que tu me désobéis, je te donne des herbes somnolentes.

Azéna obéit et seulement lorsqu'elle fut couchée, Leith alla ouvrir la fenêtre pour elle. Tyrath passa sa tête à l'intérieur avec tant de hâte qu'il faillit se heurter contre le contour.

- Je ne suis pas comme mon père. De plus, il n'est pas mon père! tonna Azéna avec irritation. Combien de fois va-t-il falloir que je le répète?

Tyrath poussa un rire et Leith le fusilla du regard.

- Reste tranquille toi aussi et ne l'excite pas, ordonna Leith en retournant à ses autres patients encore une fois.

À ce moment, Fayne et Teriondil firent leur apparition dans la salle. Ceux-ci se rassirent près d'Azéna.

- Alors, ça va? demanda Azéna en s'adressant à ses trois visiteurs.

- Ça pourrait aller mieux si tu pourrais venir voler avec moi, dit Tyrath sur un ton taquin.

- N'y compte pas, déclara Azena en faisant la moue. Je n'en suis pas très ravie non plus.

- Pourquoi tu t'es mise dans le pétrin encore?

- Il fallait bien que je protège mon amie, rétorqua Azéna sur la défensive.

Le visage de la jeune têtue s'illumina avec un sourire aux lèvres. Fayne de son côté, avait rougit et fixait le plancher.

- Ne t'en fais pas, dit Azéna. Par contre, je te conseille de ne plus t'approcher d'Umah. Il est dangereux et hors de contrôle.

- Je crois qu'elle est au courant, dit Teriondil dont Azéna soupçonnait d'essayer d'empêcher Fayne d'avoir à répondre. Laisse-la faire ce qu'elle veut. Elle est assez grande pour faire ses décisions toute seule.

- J'ai bien vue ça. Le problème n'est pas l'intention, mais qu'elle se met dans le pétrin à chaque fois qu'elle essaye de faire ses actions de gentillesse et de grâce.

- Ça va, dit Fayne en remontant le regard vers ses amis. J'ai compris.

- Je crois que ce qu'Azéna essaie de dire, commença Teriondil avec une pointe de sarcasme, mais puisqu'elle est incapable de s'exprimer et que ses paroles sortent de travers, c'est qu'elle t'aime et qu'elle ne voudrait pas qu'il t'arrive quelque chose.

- Ouais, dit Azéna d'une voix fêlée, trop embarrassée pour ajouter quoique ce soit.

Elle hésita. Finalement, elle fusilla Teriondil du regard en fronçant des sourcils. Avant qu'elle ne puisse parler, la porte de l'infirmerie s'ouvrit et Terenas fit son entré.

- Vous êtes réveillée Apprentie Kindirah, dit le grand maître avec joie.

Azéna détestait qu'on l'appelle par son nom de famille puisqu'elle ne se sentait pas à sa place dans cette famille. Terenas remarqua la frustration qui régnait sur son visage et vint s'asseoir à côté de Fayne et Teriondil.

- Vous devez savoir pourquoi je suis ici, dit-il avec douceur.

Tyrath grogne avec défiance, mais Terenas n'y prêta aucune attention.

- Vous n'allez pas me punir pour avoir protégé mon amie, répliqua Azéna avec rage.

- Bien au contraire, dit Terenas en souriant. Je crois que je vous dois une simple explication en ce qui concerne notre jeune Apprenti Xiphendor. Nous avons longuement discuté et il m'a donné la permission de vous révéler certaines informations à propos de lui. Soyez discret par contre.

- Il est dangereux. Pourquoi se faire discret?

- Parce que c'est sa vie privé. Il faut respecter cela. J'ai bien peur qu'il faut que je vous demande votre parole pour ceci, Teriondil, Tyrath et Fayne inclus.

Fayne et Teriondil acceptèrent sans hésitation. Tyrath y reflecta un instant puis, déclara qu'il suivrait ce que sa dragonnière déciderait.

- Hmph, grogna Azéna. Bon, c'est entendu. Pourquoi m'a-t-il attaqué avec une telle violence? N'a-t-il pas de contrôle de ses émotions?

- Il n'est pas question d'un contrôle de soi dans son cas.

- Vraiment? questionna Azéna avec surprise. Qu'est-ce que vous voulez dire?

- La raison pour laquelle Umah vous a attaqué est parce qu'il est un chaman et certain d'entre eux éprouvent des difficultés avec leur pouvoir. Que savez-vous à propos des chamans?

- J'en ai beaucoup entendu parler, dit Teriondil. Des rumeurs courent à notre citée à propos d'une famille de chamans. On m'a dit comment les identifier dans l'éventualité d'une attaque.

- Nous en savons un peu sur les chamans à cause du folklore raconté à Daigorn, expliqua Fayne avec un immense intérêt. Mais vraiment, je ne suis même pas sûr si cette information était vraie. Depuis que nous sommes ici, il semble que Aerinda est un monde complètement nouveau.

- Bah, explique-moi, dit Azena, qui s'impatientait. Est-ce contagieux?

Terenas sourit, visiblement amusé par les réponses des apprentis.

- Ne vous inquiétez pas. Ce pouvoir n'est transmissible que de façon héréditaire, soit de parents à enfants.

- C'est comme une malédiction alors, murmura Azéna.

- Pas nécessairement. C'est subjectif. La malédiction, ou la bénédiction des chamans, dépendant comment tu le perçois et le gère, peut devenir une terrible chose et, malheureusement, on ne s'en défait pas. Le poids des chamans peut rendre son protégé irritable, impatient, colérique et violent. Notez que l'opposé peut s'avérer aussi vrai.

- C'est compliqué et ça n'explique pas les changements physiques, ronchonna Azéna en croisant les bras derrière sa tête.

- Un chaman change d'apparence lorsqu'il entre en transe spirituelle, continua le grand maître. Chaque chaman est très différent. Dans le cas d'Umah, les émotions peuvent déclencher ce processus. Par exemple, lorsqu'il est en colère. Plus la transformation avance, plus il a de la difficulté à l'arrêté et il perd contrôle de son corps.

- Qu'est-ce qu'il fait dans un endroit comme celui-ci? C'est un danger pour tous d'avoir un chaman comme lui dans l'académie.

- Il suffit de le laisser tranquille, dit Terenas en fixant Fayne du coin de l'œil. Il voulait devenir un dragonnier respectable et je ne pouvais pas le laisser partir sans éducation.

Azéna ouvrit la bouche bêtement pendant un instant. Elle n'en revenait pas de ce qu'elle venait d'entendre.

- Mais, tu ne vas tout-de-même pas le laisser continuer son entrainement après ce qui s'est passé, assuma-t-elle.

- Ne vous inquiétez pas. Il ne fait rien de mal tant qu'on le laisse tranquille. Alors, faites ce que je vous demande et, tout ira bien.

Terenas se leva. Fayne paraissait à moitié choqué, à moitié triste.

- Je dois maintenant partir, dit Terenas. Ces informations doivent rester entre nous, c'est bien clair?

Il fit volte-face mais ne bougea pas.

- Ne pense pas que je t'ai oublié Tyrathralent, avertit-il. Cela va pour toi aussi.

Le drake haussa la tête et renifla avec colère, comme si le grand maître l'avait insulté. Terenas l'ignora et partit, Fayne sur ses talons. Azéna resta surprise des actions de l'herboriste.

- Pourquoi part-elle?

- Je ne sais pas, dit Tyrath avec confusion.

- Vous n'êtes pas très brillants parfois, dit Teriondil avec patience. Elle veut aider Umah.

Azéna et Tyrath se retournèrent vers lui et le fusillèrent du regard.

- Comment croit-elle accomplir ça? questionna Azéna. Terenas nous a dit de ne pas l'approcher.

- Pense s'y un peu. Elle est herboriste.

Azéna ne dit rien pour quelques secondes. Elle songea à la question, mais rien ne lui vint à l'esprit, alors elle cligna des yeux innocemment.

- Et?

- À chaque fois, tu m'impressionnes.

- Oh, merci!

- Ce n'était pas un compliment, soupira Teriondil. Je paris que tu n'as même pas pensé à ce que je t'ai dit. Enfin bref, elle va se proposer pour trouver une potion pour Umah qui l'empêcherait de se transformer ou encore qui le calmerait.

- Mais, on ne doit pas l'approcher. D'ailleurs, qu'est-ce qui se passe avec toi? Tu es soudainement attentif. Allez, tu es supposé me supporter dans mon idiotie.

- De l'idiotie... Je ne vois pas ma distance sous cet angle honnêtement. Au contrairement, c'est une forme d'intelligence.

- Revenons au sujet, s'irrita Azéna. On ne doit pas approcher Umah, alors comment Fayne va-t-elle lui venir en aide?

- Faire une potion pour quelqu'un ne requiert aucunement d'approcher le buveur.

- Mais, Terenas a dit que cette condition était incurable.

C'est à ce moment que Fayne revint. Elle s'assit à sa place et ne dit pas un mot. Le silence devint rapidement lourd et inconfortable.

- Alors, Fayne, qu'est-ce que tu as demandée à Terenas? questionna Azéna avec innocence.

- J'aurai pu inventer une potion pour aider Umah, répondit Fayne avec découragement. Terenas m'a refusé.

- Pourquoi? demanda Tyrath.

- Il disait qu'il allait s'en occuper.

- Peux-tu véritablement créer une telle potion?

Azéna savait que ce sujet tenait Fayne à coeur alors, elle fixa Tyrath avec rage du coin de l'œil. Son expression n'échappa pas au drake qui baissa honteusement les yeux vers le sol.

- Pas présentement, avoua Fayne avec gêne. Mais, un jour avec de la recherche et de la pratique.

- Ça serait une tâche compliqué et difficile à atteindre, dit Teriondil. Mais, ça serait un grand accomplissement.

Azéna se sentit soudainement mal à l'aise car, elle devina que Terenas avait refusé Fayne probablement parce qu'il désirait qu'elle se concentre sur son entraînement et ses études. Ce but occuperait bien trop du temps de l'herboriste.

***

À la tombée de la nuit, Teriondil et Fayne partirent. Leith fut obligée de se quereller avec Tyrath et de le menacer pour qu'il laisse Azéna dormir.

- Tu pourras sortir demain, annonça Leith alors qu'elle avait terminé de changer le bandage de la plaie d'Azéna. Assure-toi de faire attention à ce que la blessure ne s'ouvre pas entre temps. Je vais terminer le processus de guérison demain matin. Maintenant, repose-toi.

***

Le lendemain, Azéna put enfin sortir de ce petit lit inconfortable. Elle détestait être coincée à un endroit, particulièrement lorsqu'elle se sentait inutile et faible. Toute la journée, elle se rendit à ses cours comme à son habitude. Le soir, dans la Tour de la Connaissance, elle s'assit à la table où Arièlla était installée.

- Oh, dit la blonde aux yeux d'un bleu pétillant, bonjour. Comment ça va avec ta blessure?

- Super bien, répondit Azéna. Leith m'a tout guérit ça.

Elle tira la manche de sa tunique vers le bas pour révéler son épaule. Il n'y avait aucune trace de la blessure.

- Incroyable ce que cette femme peut faire, dit Arièlla avec étonnement. Il n'y a même pas de cicatrice après cette terrible blessure. C'est surement un mélange de magie et d'herbes puissantes.

- Ma première cicatrice sera issue d'un véritable combat! Parlant de combat, Arièlla, je peux te déranger pour une faveur?

Azéna remit sa tunique en place.

- Ça dépend de ce que c'est, répondit Arièlla avec méfiance. La dernière fois, je me suis mis dans le pétrin pour toi. Fait attention à ce que tu vas me demander.

- J'aurai besoin d'un entraîneur.

- Un entraîneur? Pourquoi?

- J'ai un duel très important contre ton capitaine de skotar et je ne sais pas me battre efficacement.

La fierté d'Azéna la rongeait en dedans. Ça lui avait pris un énorme montant de courage pour avouer qu'elle était faible. Heureusement, Arièlla ne se moqua pas et n'encouragea pas la pensée négative. Au lieu, elle resta bouche-bée, les yeux écarquillés par la surprise. Puis, les deux orbes bleus se rétrécirent pour en devenir malicieux.

- Tu veux donner une raclée à ce vieux Serfantor, répliqua-t-elle comme si elle venait d'être inspirée par la requête d'Azéna. L'affaire est dans le sac. J'ai précisément ce qu'il te faut. On va bien s'amuser.

Elle sourit largement, comme si elle était fière de son amie pour avoir accepté un tel défi puis, elle s'enfuit comme une tornade.

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