34 - Traversée en Illustra

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4ième jour de la saison de la naissance 2448 - PDV Azéna

- Aujourd'hui, annonça Reaginn avec enthousiasme, nous marchons à Illustra, la forêts des illusions. Elle se trouve dans en Dètmor, le royaume humain du Loup Rouge. J'espère que vous êtes familier avec sa faune. On ne revient que dans dix jours, soit le 14ème jour.

- Quoi? s'affola Fayne. Vous avez pensé à nos autres cours, Maître Ruvior?

- Ne vous inquiétez pas. Tout a été arrangé.

Quelques jours s'était écoulée depuis l'incident avec Umah. Azéna avait partagé ses inquiétudes avec Arièlla à propos du duel avec Serfantor et la demie-elfe s'était dédiée à sa réussite. Arièlla n'appréciait pas beaucoup son capitaine d'équipe et avait parlée du duel à ses deux de ses coéquipiers de skotar. Le rôle d'entraîneur avait été offert à Lythrana et à Nymfrein, les deux jumeaux de deuxième année. Bien sûr, Arièlla aurait pu trouver quelqu'un de plus expérimenté, mais elle était assurée qu'ils allaient êtres d'excellents entraîneurs. Azéna lui avait donné carte blanche et se fiait à son jugement. Le plus ironique à ses yeux était que ceux qui allaient l'aider étaient tous des membres de l'équipe de Sombrelame. Elle ne les blâmait pas; Serfantor n'était pas toujours un cadeau. L'elfe gris était un leader froid, sévère et autoritaire, ce qui faisait de Sombrelame une équipe disciplinée et difficile à vaincre en bout de ligne.

Azéna, Lythrana et Nymfrein n'avaient pas encore tenus leur première session ensemble. Azéna savait à peu près qui ils étaient, mais sans plus. Ils étaient supposés se rencontrer ce soir même, mais puisque Reaginn avait d'autres plans, ça n'allait pas être possible.

- Allez-vous préparer et rejoignez-moi à l'entrée principale dans dix minutes, ordonna Reaginn. Pensez survie; Illustra est loin d'être une forêt paisible.

Azéna sentit la frustration ronger sa patience. Quelle joie! Être loin des Kindirah pour les remplacer par des monstres qui rôdent dans le pénombre des bois.

- Excusez-moi Maître Ruvior, dit Arièlla sur un ton poli.

- Qu'y a-t-il Apprentie Valkirel? répliqua Reaginn.

- Allons-nous êtres accompagnés par nos dragons?

- Qu'est-ce qu'une partie de survie sans notre partenaire? Nous passerons au Grand Nid après s'être tous rencontrés à l'entrée principale. Avant tout, assurez-vous d'être bien équipé. Il n'y aura pas de retour en arrière.

Azéna sentit son estomac se détendre. Avoir Tyrath avec elle allait simplifier les choses et augmenter de beaucoup ses chances de survie.

- Mais nous n'avons pas appris à nous battre, pleurnicha Katanor.

- Il faut apprendre sur le champ de bataille comme en classe, répondit Reaginn avec sévérité. Étant l'un des princes du peuple elfe gris, tu devrais avoir un minimum d'expérience sous ta ceinture, non?

Katanor n'osa pas répondre. Il se contenta de fixer le grand maître avec un regard noire.

- Allez-vous préparer, ordonna Reaginn sans se soucier de Katanor.

Une fois sortie, Azéna, Fayne, Teriondil et Arièlla se rendirent ensemble aux dortoirs pour ramasser leurs affaires. Fayne, sur-anxieuse, s'était organisée pour faire assez de place dans son sac pour tous ses livres. Elle voulait avoir accès à toutes les informations possibles qu'ils allaient peut-être avoir besoin. Azéna se concentra plutôt des accessoires utiles en région sauvage et en combat tels que ses armes, son armure, la selle et rênes de Tyrath, sa trousse de premiers soins ainsi que son sac à couchage.

- Fayne, laisse quelques livres derrière et rappelle-toi qu'on va dormir en forêt.

L'herboriste soupira.

- Oh, tu as probablement raison. Je suis un peu nerveuse.

Elle s'assit au sol, sorti plusieurs livres de son sac à dos et les fixa pendant un long moment. Elle tenta d'en choisir deux qu'elle emporterait avec elle.

- Oh, je ne sais pas, murmura-t-elle. Il va bien falloir que j'emporte celui-ci pour savoir quelles herbes je ramasse... C'est une forêt que je ne connais pas du tout. J'ai aussi besoin de mon manuel sur les créatures de Dètmor... et celui de survie... eh misère.

Après un moment, Azéna s'accroupit à côté d'elle et l'aida à rassembler l'équipement nécessaire pour le voyage.

- Tout va bien aller, promit-elle. Pas besoin de t'inquiéter. Buhrik est très intelligent; il te garda saine et sauve.

- Tu es plus brave que moi, répondit Fayne.

- C'est vite dit. C'est plus facile de l'être avec un dragon à tes côtés. Tu sais, je parie que le sac à dos de Teri va être rempli de thé et d'accessoires connexes.

Exactement comme prévu, l'herboriste ria au dernier commentaire et son visage semblait s'être allégé.

- Tu es si imbécile parfois.

Lorsque toutes leurs affaires furent réunis, Azéna ouvrit les fenêtres de leur chambre et laissa une douce brise lui caresser le visage alors que sa longue chevelure argentée dansa dans les courants spontanés. Elle jeta un coup d'œil à l'extérieur et regarda vers l'horizon, loin où la terre devient cramoisi à la frontière de Dètmor. L'excitation de ce voyage de survie fit son cœur battre la chamade malgré son calme.

- Viens, dit Fayne. On va être en retard.

Elle l'attendait à la porte de leur chambre, les épaules en train de crier leur agonie sous le poids terrible de son sac à dos.

- Va s'y avec les autres, répondit Azéna. Je vais m'y rendre en volant.

- Mais, Tyrath n'est même pas ici.

- Pour le moment.

- Ne fait pas l'idiote. Nous n'avons pas le temps.

À ce moment même, un point argenté apparu dans le ciel. À mesure qu'il se rapprochait, à chaque battement d'ailes, Tyrath se poussa avec encore plus d'enthousiasme. Il était un magnifique prédateur, maître des cieux.

- Comment il a fait pour savoir? questionna Fayne avec étonnement.

- Je n'en n'ai aucune idée, répondit Azéna. Mais, à chaque fois que j'ouvre la fenêtre, pour la plupart du temps, il le sait et il vient. Tu nous accompagnes?

- Non, dit Fayne en souriant nerveusement. Je préfère la voie normale et sécuritaire, si tu vois ce que je veux dire.

- Tu es une froussarde, mais un jour, tu vas t'habituer à monter Buhrik et ensembles, vous survolerez Aerinda. Je t'assure que ça sera grandiose et que ça vaudra tous tes efforts.

Fayne gloussa.

- J'en doute, mais si tu le dis.

- J'en suis certaine, dit Azéna.

Fayne partit, laissant Azéna à la fenêtre sur laquelle Tyrath venait tout juste de s'accrocher. Le dragon attendit patiemment qu'elle l'enfourche. Il resta surpris lorsqu'elle traîna ses affaires près de lui et qu'elle s'enroula de sa cape d'hiver.

- Que se passe-t-il? J'ai senti que tu m'attendais ici. Attend un instant... Pourquoi n'es-tu pas en classe de survie? Tu portes tes armes et ton armure...

Il désigna l'arc long et le couteau de poche accroché à la ceinture d'Azéna.

- Relaxe un peu, répliqua-t-elle en souriant avec enjouement. Il faut nous préparer à une aventure dans la forêt d'Illustra. C'est ça mon cours de survie.

- Et qu'en n'ai-t-il de notre entraînement avec Lythrana et Nymfrein, lui? Répliqua Tyrath avec légère irritation.

Il fit volte-face. Azéna prépara ses affaires et attacha la selle et les rênes sur lui.

- Malheureusement, Maître Ruvior a d'autres plans pour nous.

- C'est dommage, dit-il. Par contre, Illustra me semble digne d'intérêt aussi. De plus, une activité avec toi est toujours de bonne compagnie.

- Tu es drôle.

Après avoir fini d'attacher le tout sur Tyrath, elle s'assied sur la selle en cuir aux motifs dorés. Tyrath se laissa tomber sans prévenir. La chute surpris Azéna qui s'attendait à ce que le dragon décollerait en se donnant une poussée contre le mur en pierre polie. Les détails du sol devinrent de plus en plus clairs. Finalement, Tyrath donna un coup de pieds lorsque ces dernières touchèrent le gazon et reprit de l'altitude.

- Désolé! La charge est plus lourde que habituellement.

- Tu es pardonné, taquina Azéna. Maintenant, dépêche-toi à l'entrée principale de l'académie. L'aventure nous attend!

Tyrath accéléra considérablement, évita une tour de justesse puis, tourna sur lui-même avant de revenir à sa position initiale.

- Hoy! J'ai un sac avec de l'équipement dedans tu sais, avertit Azéna. Tu vas la faire tomber.

Elle ne put s'empêcher de rire en mettant la main sur le sac qui était attaché sur le côté droit du torse de Tyrath.

- Désolé, répéta le drake.

Il atterrit à côté d'une femelle appartenant à son vol draconique et qui faisait trois fois sa taille. Celle-ci l'observa brièvement de son regard méfiant, puis elle s'approcha de Reaginn. La plupart des apprentis de la classe étaient réunis. Le reste se joignirent au groupe peu de temps après. Malgré cela, Azéna remarqua que Fayne, Teriondil et Arièlla n'étaient pas encore présents.

- Qui est-ce? questionna Azéna avec curiosité en fixant la dragonne grise foncée de Reaginn. Tu dois la connaître. Elle est de ton vol.

- Comment sais-tu qu'elle est une femelle? interrogea Tyrath avec surprise.

- Ça fait presque une année que je côtoie des dragons. Je sais reconnaître une femelle d'un mâle maintenant.

- D'accord dans ce cas, oui, c'est une femelle.

- N'évite pas la question. Qui est-elle?

- Tu es têtue, mais puisque tu insistes, je te parlerai d'elle.

- Têtue exactement comme toi.

Tyrath roula les yeux.

- De toute façon, elle se nomme Sèviarenthra ou Sèvia du clan Renthra. Je ne sais pas son âge exact, mais elle semble être adulte. Alors, pas si vielle que ça.

Azéna donna une tape amicale sur ses flancs.

- Quand-même beaucoup plus âgée que toi, petit garçon mais, je pense que tu aurais peut-être une chance puisque tu es si mignon.

- Très drôle, dit Tyrath. Je ne suis pas si jeune que ça.

- Tu es encore un drake ce qui décrit assez bien la chose.

- De toute façon... Si tu veux bien me laisser terminer, Sèvia est l'une des plus redoutables du vol gris. Elle impressionne grandement les jeunes mâles comme les plus vieux, mais elle semble désintéressé à l'accouplement ce qui anormale pour une dragonne de son âge. Elle repousse tous les mâles, même le plus fort.

Azéna sentit une vague de passion l'envahir alors qu'elle se mit à expliquer la situation à son compagnon.

- Elle doit chercher quelque chose de spécifique et de rare. Ça existe les femmes difficiles, tu sais. C'est même très commun. Le problème dominant c'est que notre société est patriarche ce qui laissent les femmes impuissantes. Un jour, j'espère que cela ne sera plus, mais j'en doute.

- Je ne vous comprends pas, pas du tout et cela va pour les femelles et la culture humaine, rétorqua le drake avec confusion.

- Pauvre toi, dit Azéna d'une voix taquine en flattant le cou de son interlocuteur. Un jour peut-être viendras-tu à comprendre.

Pendant un instant, elle observa Sèvia de la tête au pied. La dragonne possédait une constitution plus robuste que Tyrath. Ses muscles étaient larges et puissants, son cou rappelait un boa constricteur de taille exagérée, son regard était fort, confiant et disciplinée et ses yeux sombres étaient difficiles à repérer car ils étaient camouflés par les écailles grise foncées qui les entouraient. Mais, le plus unique et distinctif trait chez elle était l'étrange crête qui serpentait le long de sa tête jusqu'au milieu de son dos, où le selle de Reaginn était installée puis, elle continuait jusqu'au bout de sa queue. Celle-ci était hérissée à la façon d'une crête iroquoise, ce qui lui donnait un certain charme. Malgré tout, ses traits féminins perçaient au travers de cette allure redoutable, ce qui la rendait particulièrement bellissime.

- Alors? dit Azéna en souriant.

- Quoi? demanda Tyrath en tournant la tête vers sa dragonnière. Oh, ne commence pas. Je suis déjà au courant qu'elle est une femelle attrayante. Ne rends pas la situation encore plus déplaisante.

Azéna rigola légèrement devant l'embarras de son compagnon.

Fayne, Teriondil, Arièlla ainsi que leurs dragons prirent place près d'Azéna et Tyrath. Les trois dragonniers étaient à dos de leurs dragons et paraissaient très à l'aise sauf Fayne qui souffrait encore d'un terrible vertige. Azéna n'eut pas le temps de prononcer un mot que Reaginn annonça qu'il fallait se mettre en route et cela a pied.

- Pourquoi pas y aller en volant? grommela-t-elle tout bas car elle ne voulait pas attirée la colère du maître du donjon. Ça irait bien plus rapidement.

- Certains dragons sont petits et ne supportent pas le poids des bagages en plus de celui de leur dragonnier, expliqua Teriondil.

- Je suppose que tu as raison.

Buhrik jeta un coup d'œil en direction de Fayne pour s'assurer qu'elle ne soit pas maladive par la peur.

- Peut-être bien qu'il va nous laisser voler pendant un bout du trajet, espéra le dragon bleu. Es-tu bien? Es-tu confortable?

- Si, répondit Fayne en fixant le sol. Ne t'inquiète pas pour moi.

Azéna avait remarqué que Fayne était arrivée à dos de Buhrik et devina qu'Arièlla était probablement l'instigatrice. Elle désirait complimentée l'herboriste pour son accomplissement, mais ne préféra pas la gêner davantage.

Le groupe se mit en marche; Buhrik derrière Tyrath.

- Ton teint est blême Fayne, s'inquiéta Buhrik. À n'importe quel moment, tu peux me dire de te laisser marcher, mais il faut que tu profites de ce voyage pour t'habituer à me chevaucher sans voler. Un petit pas suffira et avec le temps, nous sauterons aux plus grands.

Fayne s'accota la tête sur ses mains qui serraient le pommeau saillant de la selle.

- Dommage que Maître Bicornas ne pense pas de la même façon que toi, avoua-t-elle.

- Tout va très bien aller, dit Buhrik de sa voix la plus douce en tentant de rassurer sa dragonnière. Tu vas voir.

- Ait confiance en Buhrik, suggéra Ella qui se trouvait derrière eux suivit d'Harath et Arièlla.

- Comment ton dragon s'appelle-t-il, Arièlla? demanda Azéna en se tournant vers la blonde. Je viens de réaliser que je ne sais pas.

- Demande-lui par toi-même, s'offusqua Arièlla. Elle n'est pas qu'une simple animale. Elle est capable de parler.

- Désolé, répliqua Azéna, puis elle se tourna vers Harath. Comment vous appelez-vous, majestueuse dragonne rouge?

Cette dernière fixa Azéna de ses yeux perçants de couleur orange lave

- Harath du clan Ena, grogna-t-elle avec impatience.

Azéna se souvenut que les dragons rouges possédaient généralement un tempérament chaud et difficile. Elle se contenta d'en terminer là avec cette discussion gênante et tourna son attention vers l'avant.

La rue principale d'Atgoren touchait maintenant à sa fin. Un mur gigantesque les séparait d'une rue de terre qui serpentait jusqu'au cœur des landes de Dètmor. Reaginn demanda à ce qu'on lui ouvre les portes. Les deux gardes s'exécutèrent sans plainte.

Une heure plus tard, plus le groupe avançait, plus le sol prenait une teinte rouge. Lorsqu'ils traversèrent la bordure de Dètmor, des bannières noires dont l'emblème était un loup rouge ainsi que des gardes méfiants les accueillirent. Avec une identification et le but du voyage, ces dernières accordèrent le passage aux visiteurs.

- Assurez-vous de vous présenter ici dans six jours, rappela le capitaine en écrivant sur un morceau de parchemin.

- Nous le ferons, répliqua froidement Reaginn.

Azéna franchit la frontière du royaume qui lui était complètement inconnu mis à part au travers des paroles de sa famille adoptive ainsi que des nobles qui tentaient souvent de manipuler leur seigneur suzerain. Elle ne leur avait jamais accordée sa confiance, mais elle devait avoué qu'ils avaient bien décrit l'endroit. Heureusement, c'était le début du printemps et la neige se faisait légère. On pouvait apercevoir quelques flaques d'herbe rougeâtres isolées ici et là.

- C'est fascinant, s'exclama Fayne en observant toutes les fleurs qui commençait à fleurir à l'arrivée de la chaleur. C'est si difficile de ne pas prendre un échantillon de chaque espèce.

- Les Terres Sanglantes, murmura Teriondil.

- Les quoi? demanda Azéna.

- Cet endroit. On le surnomme les Terres Sanglantes.

- Pourquoi?

- Ce territoire est témoin de beaucoup de guerres. On dit que c'est pour cela que la faune est teintée de rouge, du sang des morts.

- Je vois... C'est très charmant.

Un frisson lui traversa la colonne vertébrale alors qu'elle s'imaginait qu'a chacun de ses pas, le poids faisait couler le sang de la terre. Heureusement, ce n'était pas le cas; ce n'était que de la terre régulière avec un teint de cramoisi.

- Nous allons voler pour quelques heures, annonça Reaginn. Ça va réduire notre temps de trajet et ça vous donnera de la pratique.

Les plus jeunes dragons avaient de la difficulté à endurer le martyr causé par les lourds bagages. Tyrath qui n'était pas encore très endurant physiquement, réussissait à peine à le faire sans broncher. Ella, Buhrik et Harath n'avaient pas de difficulté car ils étaient un peu plus vieux et endurants que lui.

***

Quelques heures passèrent et lorsqu'ils traversèrent un endroit dénommé l'Antre des Anciens, Reaginn les hâta encore plus avant que la tentation de s'arrêter et de relaxer ne devienne trop forte. Plusieurs n'approuvaient pas son choix, mais ils endurèrent.

- Vous allez chasser pour manger, dit Reaginn. Vous n'allez pas vous arrêter dans les villes lorsque vous serez en guerre, recherché pour quelconque raison ou en situation désertion ou d'exil. Parce que oui, tout cela peut très bien se produire.

Fayne blêmit, Teriondil continua d'observer les environs tandis qu'Arièlla et Azéna souriaient à cette idée. Azéna se voyait en train d'aider ces gens incompris ou encore, en train de mener une rébellion contre une autorité corrompue.

L'Antre des Anciens était essentiellement composé de petites huttes en bois et en terre à la toiture de paille et de branches. Au centre de ce village rudimentaire, il y avait un homme aux vêtements étrangement à la fois barbaresques et sacrés qui était accroupi devant une statue en pierre d'un homme portant une armure de plaques menaçante qui semblait séduit et d'une femme au visage bienveillant et à la robe somptueuse entraînée par le vent. Les deux êtres s'enlaçaient alors que l'homme effleurait affectueusement la longue chevelure de son amoureuse.

Teriondil fut immédiatement attiré par la splendeur du colosse dont chaque personnage faisait au moins cinq fois leur taille normale.

- L'équilibre éternel dont on ne peut apercevoir le travail, dit-il, les yeux écarquillés et admirateurs.

- Le quoi? questionna Azéna en clignant avec confusion.

Elle détestait ne pas comprendre le laconisme occasionnel de l'elfe des bois. Ainsi, elle se tourna vers Ella dans l'espérance que la dragonne aux bois de cerfs puisse lui traduire les paroles de son cavalier mais, celle-ci semblait aussi hypnotisé et ronronnait délicatement.

***

La venue du crépuscule fut annoncé par la lueur violette de la lune.

- La saison de la naissance est vraiment magnifique, dit Teriondil. Je crois que c'est ma préférée. En plus, le violet résonne beaucoup avec mon subconscient, sûrement en cause de sa spiritualité.

- J'ai hâte au Festival du Miracle, dit Arièlla avec enthousiasme. Tu vas probablement adoré, Teriondil.

- Je ne pourrai douter de tes mots.

Azéna se rappela avoir entendu son père mentionné ce festival et qu'il désirait y participer avant qu'il meurt. Il disait que c'était la plus importante fête de tous car c'était entre autre un hommage à Noktow et Elysia, les créateurs d'Aerinda et que sans eux, nous serions qu'une partie du néant sans vie et sans âme. À cette époque, Azéna doutait tout ce qu'il disait à propos de la religion et, de ce fait, elle croyait que c'était de la folie totale. Maintenant, c'était lui qui ne croirait pas qu'elle avait vu le grand dieu des ombres de ses propres yeux.

Reaginn s'arrêta devant une immense forêt aux arbres dépourvus de feuilles sauf à quelques rares exceptions. Illustra était loin d'être dense comme la forêt Rousse. Même la grande Sévia pouvait s'y promener avec aise. Le sol était sec et poussiéreux, comme s'il n'avait pas plu pour une longue période de temps. Azéna toussota, le changement dans l'air était accablant pour ses poumons qui n'arrivaient pas à s'ajuster assez vite.

- Cet endroit est invitant, dit-elle sarcastiquement alors que Tyrath pénétra à l'intérieur de la forêt. Ça me donne envie de me rouler en boule dans une couverture de laine devant un foyer.

- Mmmmm ne dit pas de sottises, grogna Ella après un sifflement perçant. Je n'aime pas ça; c'est une mauvaise augure.

La plupart des dragons, mais plus particulièrement Ella, exprimaient un langage corporel très étrange en ce moment. Ils étaient visiblement nerveux, leurs membres semblaient incertains de ce que leur cerveau désirait. Leur crainte se propagea en Azéna qui sentait ses muscles se raidirent et son battement de cœur accélérée.

Alors qu'ils avançaient au centre de la forêt, elle aperçut plusieurs animaux bizarres dont elle ne connaissait pas l'origine. Un oiseau de taille moyenne au plumage gris et roux fixait les dragons et les dragonniers avec méfiance du haut d'un arbre mort. Plus loin, un groupe de ces mêmes charognards dévoraient la carcasse de ce qui semblait être un cerf dont les bois ressemblaient fortement aux branches tordues des arbres ce qui lui servaient sûrement de camouflage. Dû à son état mutilé, son allure et sa couleur étaient impossibles à discerner.

- Ne t'attarde pas, conseilla Buhrik. C'est la voie de vie, et je sens ici que beaucoup sont affamés et désespérés.

Azéna aurait aimée de ne pas avoir entendu l'avertissement du drake bleu. Ce n'était pas un bon endroit où séjourner si la situation était si sombre.

- Les animaux sont en effet agités, confirma Ella. Je dirais qu'il n'y a rien à craindre si c'était que nous dragons, mais les prédateurs sont susceptibles de cibler les plus petites proies...

- Cela veut dire nous, conclut Fayne.

Tyrath baissa la tête et siffla en observant quelques buissons sur le sommet d'une petite colline. Là haut, Azéna aperçut un loup de taille anormalement grande qui observait le groupe avec attention et envie. Il était roux comme les charognards qu'ils venaient de voir et ses yeux étaient d'un rouge mat qui démontraient une faim bestiale. D'ailleurs, il était si maigre qu'Azéna se demandait comment souvent il se nourrissait. Cet endroit n'avait pas l'air d'un habitat idéal pour la nourriture, que ce soit pour un carnivore ou un herbivore.

Quelques secondes plus tard, un cri retentit suivis de grognements enragés. Lorsqu'Azéna se retourna vers l'arrière pour voir ce qui se passait, elle aperçut le même loup qui s'attaquait à Shyena, une drake verte qui faisait environs six pieds de haut et qui était la dernière de la file avec son dragonnier Naethormir, un elfe lunaire de la famille Coeudoré. L'animal affamé essayait de mordre les pattes de sa proie, mais le dragon se défendit en lui griffant sauvagement le visage. Dans un pleur, le loup abandonna sa chasse et partit se réfugier dans l'ombre qui commençait à dominer la lumière des deux soleils paresseux.

Ella avait la féroce envie d'aller donner une leçon à ce loup, mais Teriondil la calma en lui disant des mots doux dans la langue elfique. C'était l'une des premières fois qu'Azéna l'entendit parler ainsi. Ce langage lui rappelait une musique exotique aux caractéristiques magiques.

Ce n'était qu'après trois attaques de loups affamés que le groupe arriva enfin à sa destination, soit au sud d'Illustra, près d'une large rivière agressive. L'eau sombre était si froide qu'elle se transformait en glace à quelques endroits. Tyrath s'approcha et une vague féroce brisa sa confiance dans son impact, le forçant à hésiter, puis à reculer.

- L'eau est trop sale pour être bu, dit Buhrik en démontrant des algues dégoûtantes qui bordaient le long de la rivière. Il faudra la bouillir.

- En effet ces algues semblent néfastes à la santé, confirma Fayne.

Un vent glacial et perçant se propagea partout au travers de la forêt. Même les dragons au sang tempérés avaient de la difficulté à endurer cette température qui était trop basse à leur goût. Buhrik et Harath n'eurent pas le choix de se rouler en boule pour conserver leur chaleur corporelle. Fayne observa son dragon avec inquiétude. Elle ne l'avait jamais vue ainsi.

- Allume un feu Harath, proposa Arièlla. Sa chaleur devrait aider.

À ce même instant, Reaginn se dirigea au centre du groupe avec Sévia qui portait entres ses crocs le tronc d'un petit arbre.

- Tous les dragons rouges et gris sont priés de se présentés ici, hurla-t-il. Nous allons créer un feu et pas un petit. Vous savez tous que la flamme se nourrit d'oxygène.

Les dragons concernés s'exécutèrent. Les dragons rouges furent chargés de créer les flammes et les dragons gris de les amplifier. Sévia était de la partie aussi ce qui motiva Tyrath à se pousser à son maximum de potentiel pour l'impressionner. Mais, la femelle adulte ne lui accorda pas une graine d'attention. Frustré, Tyrath retourna auprès d'Azéna lorsque le feu fut assez grand et tenta de son mieux de cacher sa déception. Heureusement pour lui, sa dragonnière était trop occupée à discuter avec ses amis pour s'en rendre compte.

La nuit dominait et seules les gigantesques flammes de plusieurs pieds de haut fournissaient la lumière et la chaleur nécessaire pour permettre au groupe d'installer dans leurs lits improvisés et à manger leur ration de nourriture. Après une longue période à bavarder entre eux autour du feu, les dragons et dragonniers se couchèrent enfin.

Harath et Arièlla étaient les seules à ne pas dormir. Elles sondaient le campement à la recherche de leur maître qui n'était plus là. Azéna luttait pour dormir malgré son épuisement du long chemin d'Argoten à Illustra. Disons que le confort était limité et en plus, elle souhaitait pour du silence.

- C'est louche, dit Harath. Reaginn a disparu quand nous ne regardions pas.

- Comment? questionna Arièlla avec effroi. Où est Reaginn? Que se passe-t-il?

Arièlla posa sa main sur l'épaule d'Azéna qui dormait sur le côté, puis la secoua.

- Réveille-toi, ordonna-t-elle. Quelque chose ne va pas.

- Je suis d'accord, répondit Azéna d'une voix pâteuse. C'est le milieu de la nuit et je ne dors pas.

- Ce n'est pas le temps de dire des conneries, insista Arièlla en secouant plus agressivement. Allez, réveille-toi. C'est sérieux.

Cette-fois, Azéna se leva d'un bond.

- Quoi?

- Shhh, dit Arièlla qui observaient les ombres qui entouraient les arbres à proximité.

Pendant de longues minutes, on n'entendait que les craquement des branches qui se faisaient dévorées par le feu. Finalement, un hurlement déchira le silence de la forêt.

- Ce sont ces loups, murmura Arièlla avec gravité.

- Combien? demanda Azéna, maintenant aussi alerte que anxieuse.

- Plusieurs. Écoute bien les branches briser sous leurs pas. Ils sont en train d'avancer et rapidement. Ils chassent pour de la nourriture et quand ils nous trouveront...

- Ce qui est bientôt, conclut Azéna.

Harah se mit à grogner.

- Réveille Tyrath et les autres, ordonna Arièlla.

Azéna exécuta les ordres d'Arièlla. La dragonnière aux cheveux blonds s'agenouilla et tâta le sol sans lâcher la forêt des yeux. Elle trouva enfin son arme préférée: une étoile du matin et l'empoigna fermement.

Deux grands yeux rouges vifs apparurent dans le noir. Le loup qui faisait face à Arièlla ne bougea pas et ne fit que la fixer. Arièlla tira son étoile du matin géante près d'elle avec une douceur incroyable afin de ne pas irriter l'animal. Un grognement retentit, puis une masse de fourrure rousse s'abattit sur elle. Un deuxième loup avait bondit hors de l'ombre. C'était le signal de l'attaque. Une meute de loups de la taille d'un tigre s'attaqua au groupe. Ils vinrent de tous les côtés.

- Loups géants, hurla Arièlla.

Les dragonniers et les dragons se réveillèrent et réagirent à l'improviste. La plupart des dragons durent protéger leurs dragonniers car ceux-ci n'avaient pas comment se défendre. Quelques rares d'entre eux, y compris Arièlla et Teriondil, savaient se battre grâce à leurs expériences du passé.

- Où est Maître Ruvior? questionna Teriondil alors qu'il plantait sa dague dans le cou d'un loup géant qui avait tenté de lui mordre le bras.

Arièlla tira son étoile du matin du crâne d'un loup géant abattu. Débalancée, elle faillit tomber sur le côté, mais Teriondil l'attrapa. Elle le remercia d'un hochement de tête.

- Je ne sais pas. On devra s'organiser sans lui.

Arièlla jeta un coup d'œil sur Fayne et Azéna. Ses yeux s'écarquillèrent.

- Harath, tire-moi!

Harah ne questionna pas les ordres de sa coéquipière. Lorsqu'elle fut assez proche, la dragonne passa son museau entre les jambes d'Arièlla et la propulsa. La demi-elfe réussit à sauter par-dessus ses deux amies et broya la tête d'un loup sur le point de bondir sur elles avec un puissant coup d'étoile du matin. Le loup se dégagea avec misère et s'enfuit dans la forêt en gémissant.

- Ça ne va pas? questionna Arièlla. Regardez ce qui se passe autour de vous.

Fayne et Azéna ne répondirent pas. Elles étaient toutes les deux blêmes et avaient leur estomac aux lèvres.

Le combat durera quelques longues minutes. Malheureusement pour eux, les loups n'avaient aucune chance contre une bande de dragons et ne réussirent à tuer personne. Ils perdirent la moitié de leur meute avant d'abandonner la chasse.

- Au moins, commenta Azéna, on a notre déjeuner pour demain matin. Du bon steak de loup.

- Tu n'arrêteras donc jamais de penser à manger, répliqua Fayne avec irritation. Ces pauvres loups!

- Tu as perdu la raison? Ils ont faillis nous bouffer! Comment peux-tu trouver qu'ils font pitié?

- Fayne a raison, commenta Teriondil d'un air songeur. Ils avaient faims tout simplement. Il n'y a rien dans cette forêt stérile alors, ils n'avaient pas le choix de s'en prendre à nous pour survivre.

À ce moment, Sévia atterrit près du feu qui avait perdu la moitié de sa vivacité.

- Vous avez déjà trouvé à manger, dit Reaginn avec un sarcasme noir. Bien joué.

- Ce n'est pas drôle, accusa Azéna avec rage en crispant ses poings sur son arc long qu'elle tenait encore à la main. On aurait pu se faire tuer si Arièlla n'était pas réveillée. D'ailleurs, tu es responsable de notre sécurité. Où étais-tu?

- Je vous aie avertis que c'était un entraînement de survie. Alors, je vous aie laissé survivre.

- Comment.... oses-tu? murmura Azéna vicieusement.

- Je vous conseille de faire preuve de plus de politesse lorsque vous vous adressez à votre supérieur, Apprentie Kindirah.

Azéna n'en pouvait plus; sa colère consuma toutes ses pensées. Son visage se crispa. La main d'Arièlla saisi son épaule protégée par son armure en cuir.

- Oublie ça, conseilla la demie-elfe. Ça vaut mieux ainsi.

Azéna fit volte-face et retourna se coucher d'un pas impatient. Tyrath se contenta d'un haussement d'épaule incertain, puis s'allongea à la droite de sa dragonnière et l'enveloppa de son aile.

***

Ce n'est qu'à l'aube, avant que le sommeil des autres ne puisse être dérangé par les faibles rayons des deux soleils, qu'Azéna se réveilla en sursaut. Elle observa ses mains et s'assura que son cauchemar était bien terminé. Elle se rappela d'une couronne brisée et teintée par du sang. L'objet royal flottait dans le vide comme si on la faisait léviter par magie. La première goutte de sang qui était tombée atterrit sur le front d'Azéna qui la fixait du dessous. Un hurlement de rage avait résonné dans le crâne de cette dernière puis, le rêve s'était terminé. Le cri persista quelques instants après qu'elle eut ouvert les yeux.

Elle regarda autour d'elle. Tout le monde dormait paisiblement. Le feu n'était plus qu'un tas de cendres dont la fumée s'élevait vers le ciel teinté d'une mélange de rouge, d'orange et d'un peu de bleu qui était en arrière-plan. Azéna se rendit compte qu'elle avait dormi avec son arc long à la main. Tyrath grogna légèrement dans son sommeil. La plupart des dragons avaient enveloppés leur dragonnier d'une aile pour les protéger d'une éventuelle attaque et du froid.

En silence, Azéna se leva et se mit en marche vers la rivière qui s'était calmée. Elle s'installa sur un monticule de terre poussiéreuse. Le lever des soleils était particulièrement magnifique et coloré ce matin-là. Elle le regarda en tentant de relaxer ses pensées.

Après un long moment d'inactivité, ses yeux furent attirés vers son arc long qu'elle tenait de ses deux mains. De la honte et de la confusion l'envahit soudainement.

- Je n'ai rien fait du tout, réalisa-elle dans un murmure.

- Le guerrier qui grandit le plus lentement est souvent celui qui deviendra le plus fort avec le temps, dit une voix masculine, sombre et presque poétique.

Azéna sursauta et lâcha son arc qui tomba au sol dans un cliquetis.

- Maître Ruvior? Que faites-vous ici?

Elle resta paralysée par l'étonnement et l'incrédulité; elle ne comprenait pas comment Reaginn avait réussi à se faufiler à côté d'elle sans qu'elle ne le remarque ni comment il pouvait faire preuve de poésie en plus d'encouragement. C'était trop bizarre pour lui; Azéna ne pouvait s'empêcher de se sentait méfiante à ce propos.

- Ce n'est pas important, répondit-il en souriant légèrement. Ne t'en fait pas trop. Je vais réveiller les autres.

Reaginn portait son habituelle tenue sombre de rôdeur. Le capuchon de la cape était rabattu sur sa tête et laissait difficilement passer la lumière ce qui lui donnait une allure mystérieuse. Ses yeux d'un vert foncé intense étaient fixés sur les soleils et sur la rivière. Lorsqu'il fit volte-face pour repartir, son carquois et son arc long attirèrent l'attention d'Azéna. Il utilisait les mêmes armes qu'elle et, en plus, il avait été choisi par un dragon gris lui aussi. Elle languissait de lui poser une multitude de questions, mais le maître partit avant qu'elle ne puisse prononcer un mot. Elle ramassa son propre arc et l'observa de tout son long en le tenant avec ses deux mains. Le sentiment de honte et d'humiliation revint en force.

« Je n'ai rien fait du tout pour les aider et je parle comme si je sais tout, songea-t-elle. »

Elle aurait espéré que Turion dise quelque chose, mais le grand dragon violet resta silencieux. Elle oubliait rarement qu'il n'écoutait pas toujours ses pensées. Normalement, elle détestait sa constante présence, mais cette-fois, elle aurait aimé qu'il soit là.

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