12 - Quelques bêtises

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2e jour de la saison de la faux 2447

Azéna se pensait seule et pourtant, elle se sentait observée. Deux yeux rubis brillaient derrière elle dans la noirceur de la nuit. Un souffle chaud lui caressa le cou un peu comme une tentative de séduction. Elle frissonna, osa lever les yeux et aperçut un immense dragon cramoisi qui l’observait de haut. Le lézard rugit si fort qu’elle dut mettre ses mains sur ses oreilles dans une tentative désespérée pour prévenir ses tympans d’éclater. Après un instant de cette agonie, le désespoir prit le dessus et elle grinça les dents en priant silencieusement aux divinités qu’ils la protègent. Le son strident menaçait de faire exploser sa tête.

— La première journée de classe, chantonna une voix familière.

Azéna ouvrit brusquement les yeux. Le rugissement retentissait toujours et finit par s’éteindre. Elle réalisa très rapidement comment idiote elle avait été de se laisser si facilement apeurer par le moindre signe de danger. Gênée, elle retourna à son idée préjugiste que la religion était un tissu de mensonges pour manipuler les faibles d’esprit. Elle était bien l’une des seules à le croire.

— Qu’est-ce que c’est que ce bruit infernal ?! hurla-t-elle, encore sous le choc.

Elle s’essuya les yeux pour alléger sa vision embrouillée. Sur le lit voisin, elle aperçut Fayne qui était déjà habillée et qui se brossait les cheveux hâtivement. Il n’y avait pas de dragon rouge. Pourtant elle se souvenait clairement en avoir aperçu un récemment. Était-ce juste un rêve ?

— C’est Rendar, répondit Fayne. C’est lui le réveille-matin, tu t’en souviens ?

Sur le coup, Azéna s’ennuyait des servantes qui ne faisaient que cogner à sa porte en râlant que c’était le temps qu’elle se lève sinon le Seigneur Bayrne viendrait la punir. Éventuellement, il avait opté pour enlever la serrure de sa porte puisqu’elle se faisait têtue la plupart du temps.

Azéna regarda la fenêtre et remarqua que le premier soleil était à mi-chemin vers les nuages, il n’y avait aucun signe du deuxième soleil et il n’y avait presque pas de lumière.

— Mais merde, ils sont fous, s’exclama-t-elle. C’est beaucoup trop tôt. De plus, je refuse de me faire éclater les tympans chaque maudit matin !

Fayne soupira lorsque son amie jura. La jeune Kindirah avait grandi avec elle alors elle savait comment les nobles devaient se comporter. Jurer apportait des punitions sévères à Azéna à chaque fois que ses parents l’entendaient. Cependant, à partir de la journée précédente, elle n’était plus une dame et ça aussi ça venait avec des hauts et des bas.

— Tu n’es plus une dame qui peut faire ce qui lui chante ici, lui fit remarquer Fayne. Nous sommes tous égaux maintenant. Tu as fait un serment. Pas de traitement spécial pour personne. De plus, un peu de discipline et une routine ne pourra pas te faire de tort.

Azéna grommela et se laissa tomber sur son lit. Elle tira la couverture jusqu’à son cou et ferma les yeux. Le sommeil triompha sur sa faible volonté.

— Azéna, appela Fayne, viens, on va déjeuner.

La voix familière de l’herboriste secoua l’esprit somnolent d’Azéna. La dame roula sur le dos et avec un effort, jeta un coup d’œil à l’horloge. Sept heures et dix. Les classes débutait à huit heure trente. La veille, Fayne avait dû lui expliquer comment elle fonctionne. La brunette en avait entendu parler au travers des voyageurs. C’était une invention des elfe gris qui n’avait pas encore atteinte Daigorn. Puisque les elfes gris vivaient dans l’obscurité constamment, ils avaient besoin quelque chose pour les aider à mesurer le temps.

— Merde alors, encore un instant, se plaignit Azéna. Laisse le premier soleil se lever un peu plus.

— Fainéante, maugréa Fayne. Viens donc déjeuner avec moi. Il va falloir que tu t’habituee à cette routine de toute façon.

Azéna couvrit sa tête avec la couverture et referma les yeux, ignorant les protestations de Fayne. L’herboriste abandonna et alla continuer de se préparer.

Dix minutes plus tard, elle avait terminé ses préparatifs pour le cours d’introduction au karsayrethrès et revint dans la chambre. Elle s’arrêta du côté droit du lit d’Azéna. D’un coup sec, elle arracha la couverture et la moitié du corps de son amie fut exposée. Une Azéna en sous-vêtements tira les couvertures vers elle jusqu’à ce qu’elle soit recouverte jusqu’aux épaules. Elle fusilla Fayne du regard.

— Ça ne va pas dans ta tête ou quoi ? hurla-t-elle, les joues en feu.

— Au moins, tu es réveillée, répliqua Fayne avec irritation. Si tu ne te lève pas immédiatement, j’irai toute seule. Je ne veux pas arriver en retard.

Azéna balaya suspicieusement la salle du regard comme si elle cherchait pour quelqu’un qui l’espionnait. Ses yeux s’arrêtèrent sur les soleils qui se levaient avec paresse.

— Ce n’est pas le temps encore, se lamenta-t-elle. De plus, tu n’as même pas ton équipement pour les cours.

— Par le temps qu’on se prépare, qu’on déjeune et qu’on se rende en classe, il sera trop tard. Alors, lève-toi sinon je ne t’attends pas. Pour mes affaires, ne t’en fais pas pour moi. Je m’organiserai.

— Vas-y alors.

Les yeux de Fayne s’écartèrent puis redevinrent sérieux. Fronçant des sourcils, elle tourna les talons et quitta la chambre en claquant la porte derrière elle. Azéna en profita pour se rendormir.

Son sommeil dépourvu de rêve lui fit le plus grand des biens. Son visage paisible se tordit de frustration lorsqu’un grincement l’arracha de son paradis. Elle ne fit que s’enfoncer le visage dans son oreiller en espérant qu’elle n’entendrait plus rien, mais cette-fois un crissement aigu irrita ses oreilles et elle se leva d’un bond.

De l’autre côté de la fenêtre, l’énorme tête reptilienne de Tyrath était visible. Ses yeux améthyste la fixaient. Le dragon se mit à gratter le cadre de la vitre et le grincement recommença.

— Merde, grogna-elle sans se soucier de si Tyrath pouvait l’entendre. Alors, c’est toi le coupable. Arggghh, je me lève, je me lève. Arrête cette pagaille. Ça va me rendre folle.

Elle empoigna son uniforme qui traînait au bout de son lit. Avant de faire quoi que ce soit, elle attendit que le dragon s’en aille, mais il ne bougea pas. Apparemment, il était intéressé à ce qu’elle faisait. La dragonnière lui lança un regard furieux. Tyrath baissa la tête et fit une moue triste. Azéna croisa ses bras. Elle ne voulait pas qu’on l’observe en train de se changer. Le dragon comprit enfin le message et s’envola.

— Tyrath, t’es peut-être un dragon qui ne comprend le principe d’être nu, mais c’est quand-même non ! tonna-t-elle en fermant les rideaux.

La chambre s’assombrit drastiquement. Entre deux bâillements, elle commença à se changer.

Par le temps qu’elle ait terminé de se préparer, il était huit heures et quart. Il ne restait plus que quinze minutes avant que son premier cours ne débute. Paniquée, elle chercha frénétiquement pour son manuel de karsayrethrès et s’empressa de quitter la chambre.

Elle réfléchit. Où était la salle de classe ? Sans perdre une seconde de plus, elle fouilla ses poches pour son horaire, mais en vain. Retournant dans sa chambre, elle trouva le parchemin qui reposait sur la table de nuit à côté de son lit. Elle l’empoigna et quitta la tour.

Les deux soleils se levaient rapidement. La panique lui montait à la tête. C’était bien gentils d’indiquer le numéro de la salle, mais elle était où ? Azéna avançait avec hâte dans les multiples corridors de l’académie. Perdant espoir, elle se concentra sur l’horaire sans faire attention où elle allait. Sa cadence était hâtée et impulsive.

Elle se heurta dans une masse.

— Attention ! s’exclama une voix masculine adulte.

Lorsqu’Azéna leva la tête, elle réalisa avec horreur qu’elle avait foncé dans un maître qu’elle reconnut comme étant Maître Arahich, l’unique elfe sylvain du personnel de l’académie d’Archlan. Assurée qu’elle allait se faire gronder, elle se mit sur la défensive. Elle passa au travers de plusieurs répliques, mais avant qu’elle ne puisse trouver une solution pour s’évader, une deuxième voix, celle-ci beaucoup plus sombre, se joignit à la conversation.

— Tiens tiens, Apprentie Kindirah.

Azéna n’avait pas remarquée qu’il y avait deux maîtres. Le deuxième était Reaginn Ruvior. Pour la première fois, Azéna pu le dévisager dans la lumière du jour et de près. Ses cheveux ébène étaient attachés en queue-de-cheval et sa peau était pâle, même pour un humain. Il paraissait presque maladif.

— On s’est perdu ? demanda-t-il.

— N-Non, mentit Azéna.

C’était la seule réplique qui lui vint à l’esprit. La présence de Ruvior la désorienta et elle se sentit légèrement perdre la tête. Comme ses instincts le lui ordonnèrent, elle le fixa de son regard intimidant pour lui montrer qu’elle n’avait pas peur de lui. Reaginn haussa un sourcil en signe de questionnement tandis que son collègue elfique lança un regard intrigué en direction de l’apprentie.

— Pas très polie pour une dame, fit remarquer Vyrius. Vous ne vous excusez-pas ? Oh mais j’oublie, vous n’êtes plus une dame. Vos bonnes manières ont dû disparaître avec votre titre.

Le silence qui suivit pesa sur le calme d’Azéna. Décidément, elle n’avait pas foncé dans la bonne personne. Ces deux maîtres semblaient aussi sombres et intimidants l’un que l’autre, mais avec un différent style. Vyrius lui rappelait un barbare ; il n’était pas très poli lui-même, il était rude et disait tout ce qui lui passait par la tête. Au premier regard, on aurait dit qu’il était humain en raison de ses cheveux décoiffés et yeux brun foncé, mais ses longues oreilles pointues et percés trahissaient son origine. Son sourire pervers évoquait un trait de personnalité qu’Azéna crut inexistant en un dragonnier : le sadisme. Son stresse monta en flèche à cette pensée.

— Laissez tomber Maître Arahich, décida Reaginn. Je vais m’en occuper.

Il lança un regard défiant à Vyrius qui obéit et partit de son côté dans une humeur noire.

— Je vais vous aider à vous retrouver, déclara-t-il en affichant une subtile humeur d’irritation comme s’il trouvait qu’elle était une idiote.

— Mais...

Azéna n’eut pas la chance de dire un mot de plus. Reaginn l’interrompit et lui expliqua rapidement où se trouvait sa salle de classe.

— Souvenez-vous que les cours concernant le combat ou l’effort physique ou mental est au deuxième étage tandis que le reste est au premier termina-t-il.

— Merci, répondit Azéna sans trop savoir si elle devait lui démontrer du respect.

— Tâchez de vous en rappeler, ordonna-t-il en tournant les talons.

Il disparut après avoir tourné un coin en passant par le même chemin qu’avait emprunté l’autre maître. Son attitude était très déplaisante, encore plus que celle de Vyrius. Au moins, l’elfe s’avérait direct et concret. Il ne manipulait pas. Azéna se sentait pitoyable car d’après elle, Reaginn n’aurait pas mérité qu’on le remercie même s’il l’avait aidé. Elle avait été faible, vaincue par la peur.

Il était presque le temps d’être en classe. Azéna s’élança en direction des salles du premier étage. Lorsqu’elle arriva à son but, elle tourna en rond à la recherche de la bonne pièce. Éventuellement, une main agrippa son épaule, la forçant à s’arrêter.

— Groupe deux? demanda Arièlla en relâchant sa poigne.

— Euh, balbutia l’archère. Euh…

Elle fit face à son interlocutrice et jeta un coup d’œil à son horaire pour faire sûr qu’elle ne se trompait pas de groupe.

— Oui, c’est ça, confirma-t-elle.

Elle leva les yeux vers Arièlla. Celle-ci avait ses cheveux ondulés attachés en queue de cheval.

— Alors, tu es en karsayrethrès avec moi, informa la blonde qui se dirigea vers une salle de classe.

— T’es certaine que c’est là ? demanda Azéna.

— Oui, je connais ce fort comme le fond de ma poche.

— Très utile d’avoir des parents comme membre du personnel, murmura Azéna avec une touche de jalousie.

Juste à temps. Azéna et Arièlla posèrent un pied dans la salle de classe. L’enseignant referma la porte derrière elles et leurs accordèrent un regard douteux.

— Faites attention, mesdames. Assurez-vous de ne pas arriver en retard.

Arièlla alla s’asseoir près d’une humaine et d’un elfe gris. Azéna s’assit derrière Fayne qui se trouvait dans la rangée à côté de celle où était Arièlla. L’herboriste lui lança un regard déçu avant d’accorder toute son attention au maître. La culpabilité monta en Azéna. Elle réalisa qu’elle avait fait plusieurs mauvais choix ce matin-là. Tout allait de travers.

— Belle façon de commencer l’année, maugréa-t-elle sans se rendre compte qu’elle parlait à voix haute.

Ce concept de temps était complètement nouveau pour elle aussi. Ces secondes, minutes et heures la mélangeaient. Elle connaissait comment calculer le temps d’après les saisons et la position des soleils et de la lune, mais rien de plus. Elle se demandait combien de nations avaient adopté l’horloge. Au fond d’elle-même, elle aimait bien l’ancienne méthode. Observer son entourage semblait bien plus fiable que des chiffres imaginaires.

Le maître s’installa devant le groupe et compta vingt apprentis qui attendaient que le cours commence. C’était un humain ; la forme de ses oreilles était la première chose qu’Azéna prit la peine de vérifier. Il semblait être vers la fin de la vingtaine. Sa chevelure blonde était courte et son front commençait à creuser dû à un début de calvitie. Ses yeux bruns étaient banaux, rien de plus commun que ça.

Son regard sérieux balaya la salle et finalement, il débuta son cours.

— Bienvenue au cours d’introduction au karsayrethrès. Je suis Maître Ternos. Zarak Ternos.

Il fit une pause et examina les yeux de ses apprentis en tentant de discerner leurs émotions. Ils semblaient tous gênés ou calmes.

— Bon, pour casser la glace, je vais vous parler un peu de mon historique. Auparavant, j’étais un guerrier dans l’armée du royaume d’Elthen. Je me suis fait recruter à l’âge de douze ans car j’avais beaucoup de savoir à propos du corps humain. Par exemple, je connaissais les points faibles, où il faut frapper pour étouffer les sens. Bien sûr, il fallait me garder sous contrôle. Alors, je me suis conduis comme un soldat parfait jusqu’au jour où j’ai tout laissé tomber.

Il regarda en direction de la fenêtre.

Les rayons des soleils jumeaux furent soudainement bloqués par une grosse masse sombre. Presque tous les élèves restèrent sous le choc lorsqu’ils aperçurent un énorme dragon noir qui les fixait de l’autre côté de la vitre. Il était trop maigre pour qu’il soit dans son poids santé. Ses petits yeux menaçants d’un vert kaki donnaient l’impression qu’il avait faim de loup. Ce n’était pas rassurant.

Malgré tout, Azéna ne fut pas impressionné. Elle se rappelait ce que Leith lui avait dit à propos des dragons noirs. Il ne fallait jamais les juger. Trop de gens le faisaient et se trompaient à leur sujet, leur donnant ainsi une mauvaise réputation.

Le dragon noir ouvrit légèrement sa gueule. Une bouffée d’ombre en jaillit et flotta lentement jusqu’au ciel.

— C’est mon dragon, expliqua Zarak. Je l’ai rencontré alors que j’étais en mission. Je suis venu à l’académie d’Archlan à quinze ans et me voici aujourd’hui.

Les apprentis qui se trouvaient les plus près de la fenêtre étaient visiblement nerveux. Ils ne lâchèrent pas le dragon des yeux.

— Ne vous inquiétez pas, assura Zarak de la voix la plus rassurante qu’il put faire. Il ne mord pas. Enfin, sauf lorsqu’on s’en prend à moi.

Il eut un sourire malicieux.

Azéna s’accota la tête contre sa main. Elle ne se laissa pas intimider par lui. D’après elle, c’était une tactique. Lorsque la peur est présente, on peut régner avec la manipulation. C’est ce que lui disait son père adoptif. Soupirant, elle accorda un regard à Fayne, mais l’herboriste était hypnotisée par Maître Ternos.

— Alors, je ne vais pas vous apprendre à tuer ni à vous battre, mit Zarak au clair, et cela même si je suis expert en la matière. Je vais vous apprendre les bases du langage que l’on appelle karsayrethrès, aussi connus sous les noms suivants : la langue des dragons ou encore le langage draconique.

Il continua à parler pendant trente longues minutes.

Azéna faillit s’endormir à plusieurs reprises. Le cours de karsayrethrès était, d’après elle, extrêmement ennuyant. Fayne prenait des notes comme une obsédée. D’ailleurs, elle l’était probablement. La plupart des autres écoutaient avec une attention plus ou moins présente.

Il fallait que je m’y attende, songea Azéna. Fayne est née pour s’intéresser à toute sorte de sujets bizarres qui requiert une mémoire d’éléphant.

Le maître cessa enfin de donner sa leçon et assigna un devoir individuel à faire pour le lendemain. Il fallait écrire un rapport de cinq-cents mots. Lorsqu’elle entama son travail, Azéna remarqua que la salle était plus éclairée que d’habitude. Elle jeta un coup d’œil vers la fenêtre et remarqua que le dragon n’y était plus. Haussant des épaules, elle continua l’écriture de son rapport.

Vers la fin du cours, Zarak s’absenta en disant qu’il allait revenir bientôt et que tout le monde devait continuer de travailler sur sa tâche sans déranger les autres. Des chuchotements distrayaient Azéna qui éprouvait déjà de la difficulté à se concentrer sur son devoir. Elle ne put s’empêcher d’écouter ce qu’une jeune humaine à la chevelure ébène et aux yeux bleus racontait.

— Hé Katanor ! Il y a, d’après les rumeurs que j’ai entendues, des objets très rares dans le Donjon, expliquait-t-elle avec avidité. C’est là qu’ils stockent tous leurs trucs.

— C’est Maître Ruvior qui en est le gardien, n’est-ce pas ? demanda l’elfe gris dénommé Katanor.

— Demande à Arièlla. C’est elle qui connaît l’endroit. Mais il y a supposément des trésors aussi.

— S’en fout des trésors, Renora. Il pourrait y avoir des armes légendaires.

La discussion de Katanor et Renora irrita Arièlla qui essayait de se concentrer sur son travail. Elle finit par craquer.

— Arrêtez, espèces d’idiots ! s’écria-t-elle avec rage. Des objets légendaires et des trésors. Vraiment ? Franchement, vous êtes complètement absurdes. En plus, vous dérangez les autres. Alors, taisez-vous.

— Bah, moi j’ai entendu dire qu’il y a une plume qui te révèle les bonnes réponses dans ce donjon, répliqua Katanor en affichant un sourire mauvais. Apparemment qu’elle fonctionne avec n’importe quelle devoir, examen, test et qu’elle répond à n’importe quelle question. Ça serait très plaisant de mettre la main dessus.

Il fixa ses yeux bleu-gris sur Arièlla comme s’il essayait de l’intimider. Arièlla cessa d’écrire, resta immobile pour quelques secondes et se retourna vers l’elfe gris aux cheveux argenté. Cette-fois, elle n’était pas fâchée, mais confuse.

— Cette plume n’existe pas. Ne te met pas le doigt dans l’œil, Katanor.

La pensée de posséder cette plume envahit l’esprit d’Azéna. Elle n’aurait même pas besoin d’étudier. Ça serait parfait.

Katanor lança un regard noir en direction d’Arièlla. Les autres semblaient croire cette dernière. Azéna avait remarqué le changement brusque de tempérament de la jeune demi-elfe. Probablement que ce qu’elle disait était vrai. Elle ne connaissait pas l’existence de cette plume. Azéna avait tendance à le croire aussi, mais l’idée était trop délicieuse pour que son subconscient ne la laisse partir. Elle se secoua et se remit à son devoir en tentant d’oublier la fameuse plume, mais le simple fait de voir la sienne le lui rappela.

Lorsque Zarak fit éruption dans la salle, il était bientôt le temps de se préparer pour le prochain cours. Au même moment, le ventre d’Azéna lui signala qu’elle n’avait pas déjeuné. La dragonnière se sentit à nouveau coupable et stupide. Elle évita le regard de Fayne durant le reste du cours.

Lorsque la fin du cours se présenta, Zarak arrêta Fayne alors que les autres apprentis sortaient de la salle.

— Grand Maître Jarthen désire te voir lors de ta prochaine période pour discuter de ton équipement si tu vois où je veux en venir.

Fayne s’inclina.

— J’y vais. Merci, Maître Ternos.

En sortant de la salle de classe, elle accorda enfin de l’attention à Azéna.

— C’était trop super ce cours ! s’exclama-t-elle avec excitation. C’est intéressant, tu ne trouves pas ?

— Tellement, souligna sarcastiquement Azéna en tentant à peine de cacher son manque d’intérêt. Hé, dans quel groupe est tombé Teri ?

— Teri ?

Fayne cligna les yeux, visiblement confuse.

— C’est juste un surnom que j’ai donné à Teriondil, soupira Azéna en se sentant plus que stupide.

— Non, c’est mignon, lui assura Fayne en affichant un sourire sincère.

— Errr... De toute façon, on n’a que quinze minutes pour aller chercher nos livres de psychologie draconique et je dois aller me ramasser quelque chose à manger en passant. J’ai faim.

— Ah ? Vraiment ? Je me demande bien pourquoi.

Durant tout le trajet, Fayne ne cessa d’agacer Azéna jusqu’au dortoir où Azéna échangea son livre pour celui de psychologie draconique. Dans la chambre commune, Teriondil les attendait.

— Alors, comment était votre premier cours ?

— Tu devrais plutôt demander à propos de notre matin au complet, n’est-ce pas Azéna ? répliqua Fayne avec moquerie.

— Ah ? Qu’est-ce...

— Rien du tout, coupa Azéna avec un mélange de rage et de honte. Juste une petite erreur, c’est tout.

— Juste une ? demanda Fayne. Tu en es certaine ?

Les joues rosées, Azéna ne répondit pas et partit en direction de la cuisine qui se trouvait derrière le Hall d’Archlan. Azéna détestait perdre une argumentation, quoiqu’elle soit, qu’importe comment petite ou insignifiante pouvait-elle être. Elle haïssait qu’on se moque d’elle et qu’elle ne pouvait rien dénier.

Dans la cuisine, elle demanda pour quelque chose qu’elle puisse manger rapidement et qui soit portable. On lui offrit un sandwich qu’elle dévora en rebroussant son chemin jusqu’aux salles de classe. Cette-fois, elle ne se perdit pas, mais elle arrive un peu en retard.

Pour la période entière, Fayne ne se montra pas le bout du nez. Elle devait être trop occupée avec le Grand Maître Terenas.

La journée passa. Azéna cessa de bouder Fayne à la troisième période durant laquelle l’herboriste s’excusa pour s’être moquée d’elle. Les deux adolescentes s’échangèrent des notes. Dans celles-ci, Fayne expliquait à Azéna ce que Terenas lui avait dit et offert. Le grand maître lui avait donné tout ce dont elle avait besoin en échange de sa discrétion car il n’avait pas le droit de faire une telle donation.

— Qu’est-ce qu’il t’a donné comme arme et ton armure ? demanda Azéna durant le dîner.

— Un bâton et une armure de maille légère, répliqua Fayne.

— Un... bâton... Ça ne semble pas très efficace ni crédible comme arme.

— Ne le sous-estime pas. Il est peut-être en bois, mais il est protégé par endroit de métal et à chaque extrémité, une lame crochue qui me fait penser aux faucilles des druides, mais en beaucoup plus grand et sophistiqués. Même le métal est beau et bien travaillé.

— Je me souviens des druides. Ces contes de fées étaient tes préférés. Ça me revient. Ça a du sens puisque tu t’intéresses aux herbes, aux concoctions alchimiques et à la nature.

— Intéressant, avoua Teriondil. Certain de nos guerriers utilisent une telle arme. Aussi, les druides sont fréquemment aperçus par chez nous.

— Les druides existent encore ?! aboya Azéna complètement abasourdie par la révélation. Mais, rahh ! Laisse tomber… Plus rien ne me surprend à ce point-ci. Fayne, pourquoi as-tu choisis ce bâton à double lame.

— Les dragons bleus préfèrent le combat à distance, expliqua Fayne. Ils ne sont pas les plus robustes alors je pourrai parer des attaques à distance avec un bâton solide et protéger Buhrik. Avec une armure de maille, même si elle est légère, j’ai un minimum de protection physique donc, Buhrik pourra plus se concentrer sur la situation en général. Les dragons bleus sont d’excellents stratèges.

À la quatrième période, Azéna arriva en retard à cause d’un apprenti de la même cycle nommé Gragèn Ross. Il l’avait arrêté pour lui demander de l’aide.

— J’ai un très mauvais sens de l’orientation, avoua-t-il alors qu’ils prirent place à leur pupitre. Je me suis perdu à chaque fois qu’il devait changer d’endroit depuis ce matin.

— Décidément, je n’ai pas une si mauvaise mémoire que ça, répliqua Azéna.

— T’as peut-être une meilleure mémoire, mais as-tu eut l’honneur de te faire disputer par Maître Ruvior ce matin ?

— Tristement, tu n’es pas la seule victime.

La porte de la classe se referma doucement derrière Maître Blisk, le dragonnier qui donnait la matière pour le cours d’histoire générale. Il évoquait des souvenirs d’un vieux druide dans l’esprit d’Azéna lorsqu’elle le regardait. Sa longue barbe argentée et ses longs cheveux blancs n’aidaient pas à son allure. Elle trouvait ça étrange car, elle, Fayne et Teriondil venaient tout juste de parler de druides. Peut-être perdait-elle légèrement la boule.

— Tu crois qu’il est un druide ? chuchota-t-elle à Fayne.

L’âme toute entière de Fayne semblait reluire tellement elle était impatiente de connaître l’identité de Maître Blisk. Elle avait un papier parchemin et sa plume à la main, prête à écrire qu’importe quelle information que Blisk allait leur partager.

— J’espère, répliqua-t-elle d’une voix pleine d’espoir.

Finalement, le vieux maître débuta :

— Ah, bonjour à tous, salua-il d’une voix vieillie, mais calme et confiance. Je suis le maître Blisk. Maître Blisk, oui. Mais, mon nom complet est Magar Blisk. Je suis un mage de très longue date ; depuis plus longtemps que j’ai été choisis par un dragon.

Les rêves de Fayne venaient d’être piétinés. Magar n’était qu’un mage... Azéna réalisa l’idiotie de cette pensée.

— Attendez un instant, lança-t-elle impulsivement. Vous êtes un mage ? Mais c’est génial !

Elle n’avait même pas pris la peine d’attendre que le maître lui donne la permission pour parler. Un tel acte était très grossier mais, le vieillard ne semblait pas s’en faire.

— Mais bien sûr, ricana Magar. Plusieurs maîtres le sont.

— Umm... Un mage, c’est un utilisateur de mana, n’est-ce pas ? Juste pour être sûr...

Fayne baissa le visage derrière ses bras croisés, gênée du comportement de son amie. Azéna devina qu’elle avait encore posée une question idiote.

— Très exactement, répondit Magar avec enthousiasme. Mademoiselle...?

— Kindirah, Maître Blisk.

— Oh ! Une Kindirah, hé ? Intéressant. Ne m’appelez pas maître. Je préfère tout simplement Magar. Et, cela va pour tout le monde.

Il sourit et ses yeux d’un bleu royal sondèrent la salle. Puis, il s’éclaircit la gorge avant de continuer.

— Oui, j’étais un mage et je le suis toujours car on ne peut pas vraiment cesser de l’être à moins qu’on nous enlève nos pouvoirs. Mais, je suis aussi un fier dragonnier bleu.

— Dragonnier bleu ? demanda Azéna.

Elle baissa la tête par réflexe. Elle était certaine que Fayne allait lui lancer un regard déçu ou un truc du genre mais, les yeux de l’herboriste étaient captivés par ce que Magar racontait.

— Ah, mais ma dragonne fait partie du vol bleu, expliqua Magar, ce qui fait donc de moi un dragonnier bleu.

Azéna fit le lien avec Tyrathralent. Elle était donc une dragonnière grise. Ce titre lui paraissait étrange. Elle se le répéta intérieurement en tentant de s’y habituer. Fayne, de son côté, voulait en entendre plus à propos des dragons bleus mais, ceci était un cours d’histoire et Magar n’en dit pas plus.

— Aujourd’hui, continua Magar, nous allons commencer le cours avec une discussion interactive.

Remarquant que les yeux d’Azéna étaient imprégnés de confusion, il s’expliqua :

— Une discussion dans laquelle vous allez participer, bien sûr.

Azéna fut soudain prise de bravoure, mais aussi de doute. Un petit doute. Elle ne voulait pas se faire passer pour une idiote encore une fois. Après une brève réflexion, elle en conclut qu’elle préférait en apprendre plus que d’avoir honte. Alors, elle se lança :

— À propos de quoi ?

— À propos d’histoire, bien sûr, répliqua-t-il en souriant.

Sur le moment, Azéna se demanda si cet homme ne faisait pas exprès pour la faire passer pour une idiote. Mais, il ne semblait pas vouloir la blesser à dessein. Alors, Azéna se calma et le laissa continuer.

— Avez-vous entendu parler de la dette de Daigorn ? demanda-t-il.

Il évita le regard d’Azéna, sûrement parce qu’il savait que sa famille était en tête de ce royaume.

— Non, répliqua toute la classe, Azéna comprise.

— Ah, je vois. On dirait que Seigneur Kindirah garde bien son secret de la prochaine génération.

— Quelle dette ? insista Azéna.

— Daigorn a une énorme dette envers Dètmor, le royaume rouge. Et cela dure depuis des décennies.

— Elle n’a jamais été repayée ?

— Non. Dètmor s’avère très patient. Les gens croient que le royaume rouge attend pour une opportunité car il a jadis perdu beaucoup pour Daigorn.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda Arièlla.

— Hé bien, il y a longtemps, Dètmor était en guerre contre Elthen, le royaume doré. Les valeurs de ses deux pays sont opposées et ils ne sont jamais bien entendus. Daigorn, le royaume violet de la paix, ne voulait pas se mêler de cette affaire en raison de sa réputation pacifiste et de son alliance avec les deux royaumes.

— Pourquoi ne pas aider celui qu’il croyait plus digne de cette faveur ?

— Pour ne pas mettre son peuple en danger car c’était quelque chose qui ne les concernait pas.

— Pour laisser les innocents d’Elthen et Dètmor mourir.

— C’était un choix difficile, mais c’est-ce que le roi dans le temps — car oui, durant ce temps, Daigorn avait toujours un roi — avait choisi. Elthen ne fut aucunement offensé et accepta ce choix. Mais, Dètmor fut profondément choqué. Le roi rouge accusa Daigorn de trahison et menaça d’envahir leur royaume, sachant qu’il pouvait aisément gagner contre eux puisque le militaire n’était pas une priorité pour le royaume violet.

— C’est différent maintenant, trancha Azéna qui ne pouvait plus garder ses pensées pour elles. Mon père y travail.

Le silence régna pendant quelques secondes.

Puis, quelques chuchotements entre les élèves retentirent. Azéna ne les comprenait pas, mais elle devina ce qu’ils se racontaient. Magar s’éclaircit la gorge pour gagner l’attention des jeunes.

— Le roi de Daigorn, préférant la diplomatie aux armes, fit une entente avec Dètmor. Afin d’empêcher une guerre imminente de cogner à leurs portes, il se mit en dette avec Dètmor. Aujourd’hui, le royaume leur doit toujours une faveur.

— Ouais. Tout le monde sait que Dètmor rêve de contrôler Aerinda au grand complet, informa Arièlla avec dégoût. Pour eux, laissé passer cette chance était une perte considérable et une tentation qu’ils durent ravaler.

À la fin de sa dernière phrase, il y avait clairement de la moquerie.

— Nuance, s’objecta Fayne. Le roi de Dètmor ne désire que le bien pour son peuple, mais ils ont des manières plus directes et brusques. Ils veulent que les choses aillent à leur façon. Ils sont indépendants.

— Et les autres royaumes ne le sont pas ? questionna Arièlla.

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