Prologue troisième : Une histoire de magie

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— Tu sais que tu peux encore abandonner ? Si tu n’es pas là ils seront bien obligés d’annuler le duel.

Hugo s’arrêta de marcher et se contenta de regarder son ami dans les yeux. Même en culminant à plus de deux mètres Chad préférait la fuite au combat. Il secoua la tête fit craquer ses larges épaules, son tic préféré lorsqu’il était gêné.

— Tu veux bien arrêter de me fixer comme ça vieux ? dit Chad en se remettant en route.

— Ce bleu azur fais vraiment tout ton charme, tu le sais ça ?

— C’est ça, va te faire humilier dans l’arène toi.

— Dire que je comptais sur mon meilleur ami pour m’encourager, répondit Hugo en feignant l’indignation. On ne peut compter sur personne…

— La ferme !

Hugo sourit et se dépêcha de rejoindre son ami qui l’avait distancé en quelques pas seulement. Par chance les couloirs du colisée de l’Académie était assez grand pour Chad et assez large pour en laisser passer quatre comme lui, ce qui n’était pas chose facile. Les pierres blanches projetaient leurs propres lumières, ce qui rendait inutile la présence de torche ou de lampes. Hugo préférait l’ancienne arène, les briques en travertin abimé par le temps rendaient le lieu plus épique, mais le nouveau doyen avait préféré gaspiller un temps considérable pour tout changer. Il avait fallu plus d’une centaine de mages et trois mois pour enchanter l’entièreté du colisée.

Maintenant tout était blanc, blanc sans âme comme Hugo aimait dire, mais au moins cela faisait « moderne ».

— T’es perdu dans tes pensées ? lança Chad au détour d’un couloir.

— Un peu, j’ai l’impression que ma tête va exploser.

— Dans quelques minutes Alwyn va s’en occuper pour toi, se moqua un garçon assis sur un banc.

— Tout mon club de soutien est venu on dirait.

Etienne esquissa un léger sourire en coin tout en se relevant. Hugo l’avait enfin dépassé en taille au cours de l’année ce qui l’avait dérangé au début, mais maintenant le blond aux cheveux bouclés ne s’en souciait plus.

— C’est quoi ton plan ? Pitié ne me dis pas que tu comptes sur ton nouveau sort, demanda Etienne en pointant les manches de son ami du doigt.

— Bien sûr que si !

Hugo retroussa sa robe d’étudiant et dévoila de nombreux symboles dessinés à l’encre magique sur ses avant-bras. Des séries de symboles, de chiffres et lettres formaient des spirales sur sa peau.

— Personne n’a réussis à utiliser la gravité depuis la création de la Cité-Monde, aucun héréditaires n’en est capable alors ce n’est pas…

— Ce n’est pas un orphelin de la basse-ville qui va y parvenir ? répondit Hugo sans parvenir à masquer sa colère. On en a déjà discuté monsieur le noble, je n’ai aucune raison de ne pas réussir.

Chad recula d’un pas, il savait à quel point le ton pouvait monter vite entres ses deux amis, mais Etienne se contenta de soupirer en secouant la tête. Hugo lui en fut reconnaissant et se sentit mal de s’être emporté.

— Ça a déjà fonctionné ? demanda le blond.

— De ?

— Ton sort idiot.

— Aucune idée.

— Comment ça aucune idée ? Tu es conscient que tu vas te battre en duel contre Alwyn, il va te massacrer, soupira Etienne.

— Aucune idée parce que je l’ai terminé pendant la nuit, répliqua Hugo. Et personne ne va se faire massacrer à part ce trou du cul.

Hugo stoppa la discussion et se remit en marche, il avait déjà perdu du temps pour venir jusqu’ici, son adversaire devait sûrement déjà l’attendre.

— Quand même défier un noble, chuchota Chad.

— Il n’avait qu’à se taire, le coupa Hugo.

Son ami fit de nouveau craquer ses épaules, comme lors de l’accident et Hugo revit la scène qui s’était déroulé le mois dernier.

Alwyn et ses plus fidèles suiveurs s’étaient moqués Chad et de lui, ils n’avaient rien dit sur Etienne, personne n’osait jamais rien lui dire. En temps normal Hugo aurait fait comme si de rien n’était, cela ne valait pas la peine de s’énerver, même s’il en mourrait d’envie.

Mais Alwyn ne s’était pas arrêté là, les insultes avaient rapidement déviées sur les parents d’Hugo, et sur la personne qui l’avait adopté mais qui ne venait jamais le voir à l’Académie. Il avait traité sa mère de prostituée, la goutte de trop. Il s’était levé prêt à se battre, quand une autre élève s’était interposée pour éviter une bagarre. Alwyn l’avait giflé, avant de traiter Hugo de lâche.

Il l’avait défié en duel pour sa place au classement, la seule manière autorisée de s’affronter à l’Académie. De plus étant donné qu’Hugo était loin derrière à la 108ème place, Alwyn n’avait pas le droit de refuser l’affrontement sous peine d’être rétrogradé.

Deux semaines plus tard il s’apprêtait à pénétrer sur la piste.

— C’est quoi le plan ? demanda Etienne avec un sourire narquois.

— Lui exploser la tronche.

— J’aime bien l’idée.

Hugo enleva sa robe d’étudiant pour être plus libre de ses mouvements avant de la donner à Chad. Il portait une tenue de combat de mage que sa mère avait faite sur mesure pour lui, c’était la première fois qu’il la portait. Ses avant-bras étaient visibles, il voulait qu’on voit le sort qu’il avait lui-même inventé.

Je vais te rendre fière.

Chad l’étreignit avec plus de force que nécessaire, tandis qu’Etienne se contenta d’une tape sur l’épaule. Les gardes qui s’occupait de la grille la soulevèrent et Hugo s’avança dans l’arène.

La lumière de soleil le frappa en premier, suivit par l’immense brouhaha qui régnait à l’intérieur du colisée. En temps normal personne ne venait voir les duels entre apprentis, même ceux entre septième année. Le brun en avait déjà mené plusieurs, mais c'étaient dans des bien plus petites salles.

Cette fois cependant toutes les places étaient prises, de nombreuses personnes extérieures à l’Académie avaient payées leur place pour venir assister au combat.

Il ne venait pas voir Hugo en revanche.

En face de lui se tenait fièrement son adversaire, le prototype du noble parfait. Il venait d’obtenir sa majorité et même s’il était moins grand que Chad, il restait un colosse tout en muscle. Sa longue chevelure blonde lui tombaient sur les épaules et son sourire était aussi éblouissant que son armure de plaque.

En principe les mages se battaient sans armure, car on racontait que cela pouvait empêcher le mana d’être correctement absorbé par la peau. En réalité la plupart des mages étaient frêles, porté une épaisse armure réduisaient donc juste leur mobilité.

Quand on était l'héritier de la plus puissante famille de la Cité-Monde on pouvait se permettre d'avoir une armure. On pouvait aussi se permettre d'afficher le visage le plus arrogant de toute la ville.

— On a failli d’attendre, lança Alwin tout en saluant la foule.

— Désolé mon seigneur, répondit Hugo en effectuant une fausse référence.

— Ne t'excuse pas le simplet, tout sera réglé dans quelques minutes. Tu vas regretter de ne pas avoir baissé la tête comme les autres, il pointa du doigt les bras d'Hugo. C'est un sort que tu as fais toi même ? Je suis impatient de voir comment tu vas te ridiculiser.

Hugo serra le poing mais ne répondit pas, il ne devait pas laisser la colère prendre le dessus, pas encore.

Une troisième personne s’avança sur la piste, un vieil homme que toute l’Académie connaissait très bien. Philémon Odless, le doyen était le plus puissant mage de sa génération, et de toutes celles d’avant et d’après d’ailleurs.

Le vieil homme marchait en se tenant parfaitement droit, ses cheveux gris tombaient autour de son visage émacié. Il dégageait une telle aura que plus personne n’osait faire de bruit dans les gradins. Il porta un doigt devant sa bouche, Hugo comprit qu’il utilisait un sort pour amplifier sa voix.

— Je ne vais pas faire de long discours, commença-t-il d’une voix calme et posée. Vous savez tous pourquoi vous êtes là, pour assister au combat de l’étudiant premier au classement de l’Académie, Alwyn Rosenwald.

Des applaudissements retentirent dans le colisée, et Hugo chercha du regard ses amis. Il les aperçus au premier rang, ils devaient bien être les seuls à ne pas acclamer son adversaire. Philémon Odless leva la main pour faire cesser le bruit, il avait l'air de vouloir être partout ailleurs sauf ici.

— Bien, passons aux règles maintenant.

Pas la peine de me présenter c’est ça ? Connard.

Il ne pouvait vraiment lui en vouloir, peu de professeur s'intéressaient réellement aux communs.

— Bien sûr blesser mortellement son adversaire est interdit. Au moindre doute le combat sera arrêté et je désignerai moi-même le gagnant. Toutes les magies héréditaires sont autorisées, ainsi que tous les sorts communs incantés ou marqué sur le corps. Est-ce clair ?

— Oui, répondirent les deux étudiants en cœur.

— Bien, éloignez vous et le duel commencera à mon signal.

Hugo recula de quelques pas, avant de se retourner pour faire face à un Alwyn souriant. Le stress étaient à présent mêlé à une peur qu’il n’avait jamais ressenti. Il arrivait que l’un des deux combattants meurt par accident pendant un duel. L’accident était puni bien sûr, mais dans son cas, jamais un noble tel qu’Alwyn Rosenwald ne recevrait la moindre punition, surtout que la vie d’un orphelin de la basse ville ne valait pas grand-chose.

Pourquoi je pense à ça ? Je ne vais pas perdre.

Il caressa son avant-bras par réflexe, il avait étudié, il s’était entraîné, il allait prouver que même un commun comme lui pouvait triompher.

— T’es prêt à crever tocard ? lança Alwyn en sachant pertinemment que personne ne pouvait l’entendre avec le brouhaha.

Ne lui réponds pas, il bluffe.

La voix de Philémon retentit, le duel venait de commencer.

Hugo s’élança en avant de toute sa vitesse. Alwyn Rosenwald maîtrisait la magie héréditaire la plus puissante de sa famille, celle de la lumière. Elle ne possédait aucune faiblesse, si ce n’est qu’elle s’activait un peu plus lentement que les autres magies.

Le brun commença à incanter en tendant le bras droit devant lui. Il était le plus à l’aise avec les sorts communs de feu, qu’il pouvait lancer plus rapidement qu’un sort héréditaire. Des flames tourbillonnèrent autour de son bras, formant une sphère dans la paume de sa main.

— Flammes explosives ! hurla-t-il, achevant l’incantation.

Une boule de feu de la taille d’une tête fut propulsée à toute vitesse sur Alwyn qui se tenait à dix mètres d’Hugo. Le noble n’esquissa pas le moindre mouvement, son sort avait beau être puissant, Hugo savait qu’il ne suffirait pas transpercer la Barrière de son adversaire.

La sphère sembla rencontrer un obstacle invisible à quelques centimètres d’Alwyn, avant d’exploser projetant des gerbes de flammes ainsi que du sable dans toutes les directions. Hugo perdit de vue son adversaire, mais continue de courir en s’enfonçant dans le nuage de fumée.

C’est maintenant ou jamais.

Mentalement il activa le sort contenu dans sa main droite et les symboles se déplacèrent pour entourer son poing d’un voile noir. La magie de la gravité devait à présent faire peser plus de trois cents kilos à son poing, sans qu’Hugo ne ressente la moindre différence.

Il bondit et jaillit de la fumée, pour se retrouver en face d’Alwyn qui n’avait toujours pas bougé. Il leva le bras droit prêt à l’abattre de toute ses forces dans le visage du noble. Ce dernier sembla remarquer l’étrange couleur de la main de son adversaire et esquissa un mouvement de recul.

Trop tard !

Il frappa de toute ses forces, la vitesse multipliant la puissance de son coup. Mais rien ne se produisit. Son poing avait heurté le même mur invisible que le projectile, à quelques centimètres du visage de son adversaire, son sort n’avait pas fonctionné.

— C’est tout ? se moqua Alwyn qui avait retrouvé son aplomb. J’ai dû te surestimer.

Hugo n’eut pas le temps de réagir, une lumière aveuglante jaillit du corps du noble et l’enveloppa. Il sentit sa propre Barrière voler en éclat, frappée par un million de projectiles.

Il avait échoué, la magie héréditaire avait triomphée.

Hugo fut propulsé en arrière avant d’atterrir avec fracas sans pouvoir bouger. Il se sentit rouler sur le sol tandis que tout son corps hurlait de douleur. Un seul sort de son adversaire avait suffi, il n’avait même pas compris ce qu’il venait de lui arriver, il n’arrivait même pas à savoir si ses yeux étaient ouverts ou fermés.

Hugo se sentit partir, la peur remplaça la douleur, était-il en train de mourir ou de s’évanouir ? Non l'attaque n'était pas assez puissante. Il ne pouvait pas mourir comme ça.

Avant de perdre conscience il entendit un cri de douleur, ainsi que toute l’arène qui hurlait comme si quelque chose d’impensable venait de se produire.

Puis plus rien.

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