Prologue second : Une histoire de famille

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Éléonore Herrscher pénétra dans la taverne agitée et soupira. Il n’y avait pas tant de distance entre la basse-ville et son établissement, mais la différence était frappante. Ici tout était propre, rangé, soigné et surtout on ne ressentait pas l’envie de s’arracher le nez pour ne plus vivre au milieu de la puanteur.

Elle fit signe au barman et à ses autres employés avant de monter à l’étage. Elle avait encore beaucoup à faire aujourd’hui et n’avait pas le temps de rentrer se changer chez elle. Éléonore se rendit au bout du couloir et avec la clé cachée derrière un cadre sur le mur, déverrouilla la porte.

Boroz l’y attendait, tapi au fond de la pièce comme une ombre. Il portait une tenue noire et sa capuche était rabattue sur son visage.

— M’a-t-on suivi ? demanda Éléonore en rentrant dans la petite salle de bain de la chambre.

— Non madame, mes hommes ont pris en filature les deux cibles comme prévu. Ils se sont séparés au niveau de la fontaine Hode avant de chacun retourner à leurs obligations.

— Bien.

Elle se regarda dans le miroir et une ravissante jeune femme aux yeux bleus l’observa. Peu importe à quels points ils étaient intelligents, les hommes restaient des créatures faciles à manipuler. Un grand sourire aidé par un décolleté plongeant était plus que suffisant pour faire ce qu’on veux d’eux.

Éléonore passa une main devant son visage et la serveuse laissa place à une femme plus âgée, mais tout aussi belle. Ils suffisaient de faire disparaître quelques rides et de changer la couleur de ses yeux pour perdre vingt ans. Elle battit des paupières pour chasser la légère douleur que provoquait la magie, puis vérifia que ses iris étaient bien redevenues vertes.

Une couleur bien plus belle.

— Oz ? Tu peux aller vérifier si nos invités arrivent ?

— Tout de suite.

Elle détacha ses longs cheveux blonds et les laissa tomber sur ses épaules. Au moins eux elles n’avaient pas à les changer, ils restaient toujours aussi merveilleux. Elle les coiffa et se remaquilla un peu, il fallait être parfaite ce soir.

Éléonore Herrscher l’était tous les jours.

Elle termina en se débarrassant de sa tenue de serveuse et enfila une belle robe aux reflets argentés et dorés avec un col en fourrure d’ours-troll. Elle récupéra les deux sona que les idiots lui avaient donnés en se pensant discret et les glissa dans une poche cachée. Une fois prête elle sortit de la chambre en verrouillant derrière elle.

— Tu es déjà rentrée maman ? lança une voix derrière elle.

Elle sursauta en entendant la voix d’Hugo et se retourna avec précipitation. Il haussa un sourcil d’étonnement face sa réaction, avant de lui offrir son plus beau sourire. Il tenait un balais à la main et venait surement de terminer de laver la chambre d’en face.

— Excuse-moi, je t’ai fait peur ? se moqua-t-il. C’est surprenant de te voir par ici, Drogan m’avait dit que tu ne rentrerais que tard aujourd’hui.

— Je me suis dis que j’allais passer te rendre une petite visite pour t’encourager, répondit Éléonore en souriant.

Elle l’embrassa et lui rendit maladroitement son étreinte avec son balai dans la main.

— Je t’ai déjà dit de ne pas m’appeler comme ça en public, chuchota-t-elle à son oreille.

— Oh merde ! s’excusa-t-il. Mais comprends-moi, te voir aussi bien habillée m’a fait perdre mes moyens.

— C’est ça moque toi petit con.

Elle relâcha son étreinte et fit semblant de lui mettre une tape derrière la tête. Ses cheveux noirs et bouclés étaient ébouriffés et ses yeux verts, les mêmes que les siens, pétillaient avec énergie. Éléonore remarqua qu’il portait son uniforme de l’Académie à l’envers.

— Tu ne serais pas un peu stressé par hasard ?

— Quoi ? Je suis toujours détendu tu le sais bi… Oh merde pourquoi Drogan ne m’a rien dit ?

— Il a sans doute trouvé que ça t’allais mieux comme ça.

Hugo grommela et rentra dans la chambre qu’il venait de nettoyer pour se changer. Éléonore soupira et se dirigea vers le rez-de-chaussée. Plus aucun client n’étaient présent dans le bar tandis que plusieurs hommes armés attendaient postés à l’entrée et au fond de la taverne. Le barman s’approcha d’elle un verre de vin à la main.

— Tout va bien madame ?

— Pour l’instant en tout cas, merci Drogan.

Elle but le verre d’une traitre, un délicieux alcool venant de Quegny, le plus cher qu’elle vendait. Elle fit glisser les deux sona sur le bar et le vieux barbu les prit avant de vérifier si c’était des vrais.

— Tu partageras avec les autres.

— Vous êtes trop généreuses madame, dit Drogan en riant.

— En parlant de générosité, pourquoi ne pas avoir donné sa matinée à Hugo ? Il devrait conserver son énergie pour ce qui l’attend aujourd’hui.

— C’est lui qui a tenu à rester, soupira le barman. Il m’a dit qu’il n’avait pas dormis de la nuit et qu’il devait absolument trouver quelque chose à faire.

On entendit un martèlement régulier venant de l’étage et Drogan agita la tête.

— Et le voilà qui arrive en trombe.

Hugo dévala les marches avec agilité, mais manqua de trébucher sur la dernière avant de se rattraper in extremis. Il avait bien meilleure allure maintenant qu’il portait son uniforme dans le bon sens. Les couleurs de l’académie, rouge, vert et dorée le mettait encore davantage en valeur.

— Je vais y aller madame, dit-il en effectuant une révérence moqueuse.

— Tu ne manges pas quelque chose avant gamin ? Tu ne vas quand même pas te battre le ventre vide ? lança Drogan.

— Je crois bien être incapable d’avaler quoi que ce soit.

Éléonore sourit et l’éteignit de nouveau. Elle voulait qu’il ressente sa fierté pour lui, qu’il sache qu’elle croyait de tout son cœur en sa réussite.

— J’aurais aimé pouvoir assister à ton duel, regretta-t-elle en lui caressant les cheveux.

— Au moins tu seras surprise en apprenant le résultat, répondit Hugo en s’écartant, gêné.

— Quelle surprise ? Tu vas gagner absolument tout le monde est au courant, n’est-ce pas Drogan ?

Éléonore Herrscher lui jeta son regard le plus convainquant et le vieux barman acquiesça à son tour.

— Arrêtez vous me mettez la pression.

Elle comprit qu’il plaisantait, il ne pouvait pas lui cacher ses véritables émotions.

— Courage mon fils, rends moi fier comme tu le fais toujours.

Les grands yeux émeraudes d’Hugo s’agrandirent sous l’effet de la surprise.

— Allez fonce, ajouta-t-elle.

— Je ne te décevrais pas !

Il fit un signe de tête à Drogan et aux gardes avant de s’en aller en coup de vent.

Éléonore se laissa aller sur un siège du bar en laissant s’échapper un long soupir.

— J’espère que personne ne m’a entendu, je n’aurais pas dure dire ça.

— Moi je pense que vous avez eu raison, intervint Drogan en lui tendant un autre verre. Il en avait besoin, êtreun enfant adopté ce n'est pas toujours facile. 

— Tu penses qu’il a une chance ? répondit-elle en vidant son second verre encore plus rapidement que le premier.

— Sans vouloir vous offenser, votre fils est un véritable génie madame, vous le savez tout comme moi. Mais…

— Mais ? Ne prends pas des chemins détournés avec moi Drogan.

— En face c’est un noble, un héréditaire qui plus est. Ces gens là ne vivent pas dans le même monde que nous.

Elle allait répondre, quand la porte s’ouvrit pour laisser entrer Boroz, suivit par une vingtaine d’hommes et de femmes richement vêtus. Avec tout ça elle avait presque oubliée ce qu'elle avait entendu et la suité des événements, presque.

Boroz s’inclina profondément face à sa maîtresse, avant de s’installer à côté d’elle.

Ils rentrèrent un par un, tour à tour ils s’inclinèrent face à Éléonore Herrscher, avant de lui offrir un présent d’une valeur inestimable. Une compétition s’était installée pour savoir qui serait le meilleur lèche botte, et comme à chaque fois Éléonore s’en délectait intérieurement. Les invités s’installèrent ensuite toujours en silence, nul ne voulait manquer de respect à la Comtesse de la Cité-Monde.

Elle attendit encore un peu avant de prendre la parole, elle voulait qu’ils la regardent, qu’ils soient attentifs aux moindres de ses gestes, qu’ils soient pendus à ses lèvres.

Éléonore Herrscher devait montrer qu’elle était supérieure aux autres, c’était ainsi qu’elle s’était élevée aussi haut, et qu’elle s’élèverait encore davantage.

Elle finit par se lever et elle sentit l’audience retenir son souffle.

Aujourd’hui, son plan se mettait en marche, chacune des personnes présentes dans la pièce allait avoir son rôle à jouer.

Aujourd’hui, Éléonore Herrscher gravissait la première marche vers son objectif. Devenir la première reine-déesse de la Cité-Monde.

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