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Simon

Après une longue attente dans la cour et sous le cagnard, l’amiral en visite se montra enfin.

Moi j’assistais à la scène d’un point de vue favorisé, celui des remparts. Comptant parmi les deux appelés de garde j’étais posté au drapeau pour la cérémonie alors que mon collègue en bas Thomas surveillait la porte.

Je devais ce privilège à ma bonne entente avec Thomas et son statut de chef de liste. Toutefois ce service était spontané, pas demandé. Donc aucun remord à avoir.

Cela résumait bien l’état d’esprit de la journée : un côté mitigé, neutre, politiquement correct sans être absolument obséquieux.

Le fameux amiral était loin d’être resplendissant. Il accusait le poids des ans comme on dit.

Il passa avec notre commandant les troupes en revue y compris les civils. La présence de ces derniers composants à vue de nez la moitié de nos effectifs, était facultative. Pourtant ils avaient tous solidairement répondus à l’appel en se la pétant un peu au passage.

Malgré la chaleur des hommes portaient des costards-cravates totalement inhabituels. Une femme était même vêtue d’une sorte de manteau imitation fourrure ou plume, en tous cas mauvaise dans les deux cas de figure.

Une connerie paritaire en somme.

Le temps passa lentement. Et encore moi je ne restais pas droit comme un I, privé du moindre mouvement.

Ensuite l’amiral et sa cour visitèrent les locaux, chambrées non comprises. Les chambrées que le capitaine d’armes venaient de nous faire nettoyer. Les engagés s’étaient joint à nous pour cette tâche, du moins les plus jeunes logeant encore sur place.

Et évidement un coup de serpillière ne suffit pas au capitaine d’arme. Nos posters de cul dans nos chambres indigneraient ce pauvre amiral (politiquement correct toujours).

Maec se doutait sûrement, qu’il ne mettrait jamais les pieds dans nos chambres. Son but se limitait seulement à nous faire chier comme souvent.

On poursuivit tous ensemble notre tâche d’accueil. A l’exception de Tarek, qui lui n’était même pas là grâce à une PATC.

Comment Maec avait-il pu gober une excuse aussi grossière ?

Le reste de la matinée fut plus chiante que d’habitude. Tout le monde était en mode consciencieux. Même Patricia qui avait toujours une petite attention, demeurait muette.

Moi, qui pensait m'y connaitre désormais dans le domaine de l'ennui, j'en appris encore.

Ranger des dossiers, faire des photocopies, changer la bonbonne d'eau... tout ça vous parait monotone ? Et bien faites-le dans le silence absolu, sans pause-café, petite discussion...

Et le pire est que nous agissions ainsi à cause du passage éventuel de l’amiral. Le lendemain nous reprendrions nos habitudes.

Une inspection prévenue à l'avance. Quel en était l'intérêt !

Une consolation m’attendait au self à midi. Pas un festin, juste une amélioration avec des crevettes en entrée afin de suivre la thématique du jour. Finalement tout revenait à l’attitude du commandant avec l’amiral dans la cour : serviable, attentionné, pas rampant non plus.

Notre chef avait transmis son attitude à l’ensemble de la base le temps d’une journée même dans des détails insignifiants. Voilà jusqu’où allaient la discipline et le sens de la hiérarchie. Impressionnant d’une certaine manière. Inquiétant également pour notre individualisme.

Je m'étais juste tenu debout à coté d'un drapeau, et avais classé de la paperasse. Et pourtant j'étais vidé. Une pause me semblait donc méritée. Mes deux voisins de table en décidèrent autrement.

Didier avait dû salement suer dans la cour. Parce qu’il refoulait le salaud. Quant à Vincent cette longue attente sous le soleil ne l’avait visiblement pas atteint. C’est pourtant Vincent dont la présence me gênait le plus.

Depuis mon incident avec la bande de Michaël je m’étais résolu à ne plus rien faire sur la question de Hamed, ni même d’y penser.

Hélas je côtoyais tellement l’objet de mes préoccupations. Nous partagions la même chambre.

L’intervention de Vincent lorsqu’on me poussa sur la piste de Hamed, n’était-elle pas suspecte ?

Notre petit week-end m’avait informé partiellement sur son passé, ce qui expliquait son côté secret. Ce n’était pas le genre d’histoire qu’on aime partager. Et en creusant un peu, on y trouvait même la raison de son soutien envers moi.

Le pauvre devait avoir une réticence naturelle des forces de l’ordre, et donc craignait que je les fasse venir. Le raisonnement bien qu’un peu téléphoné sur ce dernier point, tenait à peu près la route.

Malheureusement mon week-end provoqua d’autres effets conduisant à d’autres réponses plus gênantes. Soudain Vincent commença à devenir sociable. Il sortait avec nous, payait des tournées….

Cela suggérait qu’il disposait d’argent. Or d’après mes découvertes il n’aurait pas dû en avoir.

C’est alors que je compris où il avait pu se servir. Cette idée concordait avec le reste, et liait Vincent à Hamed d’une manière particulièrement dégueulasse. Finalement comme pour Michaël, j’aurais mieux fait de m’abstenir. Puisque je n’osais pas aller jusqu’au bout, c’est-à-dire forcer Vincent à tout avouer.

Toujours coincé par ma putain d’indécision, pas foutu de choisir entre cesser d’y penser ou d’agir en conséquence.

Didier lui m’abreuvait de paroles sur les techniques d’investigation.

Sans doute venait-il de lire encore un polar ? Ou alors il se doutait que les véritables origines de mes marques de coup n’étaient pas une prétendue agression au hasard.

Il est vrai que cela c’était produit le jour suivant où Didier m’avait montré l’article de journal.

Ca demeurait difficile à dire. Cette histoire n’était pas réelle aux yeux de Didier. Il la voyait plutôt comme un jeu.

En ce qui me concerne le choix était simple. Soit je ruminais mes pensées sur Vincent dont la seule présence me rappelait ma lâcheté, soit je m’évadais en suivant les dires de Didier.

Le numéro deux était apparemment le mieux. Pourtant il s’avéra également être un mauvais choix.

Des brides que je saisis, Didier racontait la méthode basée sur le recoupement des informations. Il fallait mettre en commun les dires des diverses personnes concernées par l’enquête, qu’on avait croisé. Normalement il pouvait en ressortir d’autres éléments.

Je devais absolument fixer mon attention sur quelque chose. Et puis l’envie de reprendre l’enquête me démangeait sûrement inconsciemment.

Par conséquent j’effectuais cet exercice.

J’étais en mesure de ne citer que quatre protagonistes :

Le gendarme Decrot

Justine

Michaël

Vincent

Les deux derniers ne m’avaient rien fournit au sujet de Hamed en lui-même.

Je me focalisais sur les deux autres, et bien entendu je dénichais une piste. A vrai dire elle trainait sous mon nez depuis le début. En plus d’être lâche je me découvrais à présent stupide.

Vincent, Steve, et à présent cette découverte. Toutes ces interrogations me tombant dessus sans que je ne le demande.

Je décidais de leur dire merde une bonne fois pour toute !

Il était temps d’agir comme un véritable appelé avant que ça me pète à la gueule : attendre passivement la quille.

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