Chapitre 15 - Sombres nouvelles (partie 2)

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Le voyage jusqu’à la prochaine étape s’annonçait long et Kaldor trouvait déjà le voyage interminable. Si la distance était à peu de chose près la même que de Fol à Balt, environ deux cent soixante kilomètres, la vitesse de progression n’était pas la même. Un convoi de chariots faisait une vingtaine de kilomètres par jour, alors qu’à cheval on en faisait environ quarante à cinquante selon Binlian. Les compagnons devraient patienter environ une semaine et demie avant de quitter la sécurité du convoi et filer vers le Nord.

Le jeune homme s’était muré dans un silence profond et ne mangeait que très peu. Ce comportement inquiétait Valdir, qui craignait la mise en péril de leur mission. Il avait tenté de réconforter le jeune homme en lui assurant que ce n’était pas de sa faute, que l’Ennemi voulait le voir souffrir tout au long de la quête. Que pouvait-il bien faire d’autre ? À vrai dire, l’Eldyrien ne savait pas trop comment se comporter dans pareil cas, il n’avait jamais eu d’enfant à consoler.

Un soir où il réfléchissait à ce qu’il allait bien pouvoir enseigner à Kaldor sur la magie de son peuple, des cris retentirent dans le camp. Élaëna s’était approchée du jeune homme pour lui donner sa ration et était résolue à le voir tout finir.

— Je t’apporte ton repas, dit-elle d’un ton aimable.

— Oui, ça se voit… Merci, mais j’y serais allé.

— On sait très bien tous les deux que c’est faux.

Il prit le bol de ragoût et commença à manger. En vérité, il avait un peu faim, mais comme elle restait là à le regarder manger, il prit son temps. Qu’elle le regarde comme ça sans rien dire commença à l’agacer.

— Je ne te vois plus faire tes entraînements avec Binlian. Si tu ne pratiques pas, tu vas perdre une partie de ce que tu as appris, expliqua-t-elle sérieusement.

— Vous venez me voir m’entraîner ?

— Parfois, oui. Mais tu es tellement absorbé, que tu ne me vois pas… J’aime bien vous regarder bretter, c’est comme une sorte de danse.

— C’est bien la seule danse que je sais pratiquer, avoua-t-il avec gêne.

— Quoi ?! s’étonna-t-elle tout en souriant. Il faudra remédier à ça. Je t’apprendrai… Kaldor ? Veux-tu bien me dire ce qu’il y avait sur la lettre l’autre jour ?

— Je n’ai pas envie d’en parler, se renfrogna-t-il.

— En parler fait toujours du bien…

— Vous allez me laisser tranquille, oui ?! la coupa-t-il en haussant le ton. Je n’ai pas envie d’en parler, point. Et puis, vous ne comprendriez pas…

— Comment ça, je ne comprendrais pas ?! dit-elle, la voix montant de plusieurs octaves. Insinues-tu que parce que je suis une noble, je ne connais rien à la vie et aux sentiments des gens ? Tu ne vas pas rester là à te lamenter sur ton sort parce qu’il t’arrive une petite contrariété !

— Alors ça, c’est l’hôpital qui de moque de la charité ! Moi, l’autre jour quand vous faisiez la tête, je ne suis pas venu vous enquiquiner ! Et puisque vous tenez tellement à le savoir, tous les habitants de mon village ont été exterminés. EX-TER-MI-NÉS ! hurla-t-il. Voilà vous êtes contente ? Maintenant, lâchez-moi la grappe et retournez coudre !

La jeune femme en resta bouche-bée, ne sachant pas quoi faire entre le serrer dans ses bras ou le gifler si violemment qu’il ne penserait plus à autre chose. Valdir arriva sur ses entrefaites avant que les jeunes n’en viennent aux mains.

— On se calme les enfants. Élaëna, vous ne pouvez pas forcer les gens à vous dire ce que vous voulez savoir. Quant à toi, Kaldor, tu ne peux pas crier ta colère sur tous les gens qui veulent de réconforter. Ton apprentissage avec moi commencera prochainement, cela t’occupera l’esprit, mon garçon. Allez donc vous coucher.

Le voyage continua sans que le convoi ne rencontre de problèmes. La seule journée un tant soit peu bouleversée fut le jour où ils croisèrent le chemin d'un groupe de voyageurs qui s'étaient fait attaquer par des bandits de grands chemins. Ces derniers ne leur avaient laissé que les vêtements qu'ils portaient.

Kaldor avait suivi Valdir à l'avant du convoi. Son mentor voulait voir les voyageurs et soigner leurs blessures si nécessaire. Valdir les guérit à l'aide de sa magie, la magie Eldyrienne et non runique comme l'avait appris Kaldor. Le jeune homme remarqua que si Valdir traçait bien la rune, il ne la terminait pas. Les voyageurs furent reconnaissants et demandèrent à se joindre à la caravane pour retourner chez eux à Rant.

Un peu plus loin sur la route, le convoi des soldats de l’Ordre rencontra les brigands qui à son approche, tentèrent de s’enfuir. Le major ordonna à une trentaine de cavaliers de les poursuivre et de les exécuter comme le prévoyait la loi. Kaldor qui chevauchait à droite de Valdir, lui fit part de son dégoût pour les exécutions.

— Tu sais Kaldor, j’ai beau avoir passé une grande partie de ma vie auprès des humains et je ne les comprendrais jamais, je le crains. Ils ont de grandes qualités mais aussi de grands défauts, avec eux ça va d’un extrême à l’autre. Chez-moi, on n’a pas ce goût pour la destruction de ce que la vie construit.

— Vous venez d’où maître Valdir ? demanda Élaëna. Vu la façon dont vous parlez, on croirait que vous venez d’un coin inexistant en Camaörie.

Elle s’était approchée discrètement à gauche de Valdir. Un peu plus et elle aurait su la vérité au sujet de l’origine de Valdir.

— Que voulez-vous faire d’eux ? Les enfermer à vie ? Au moins en les supprimant, ils ne recommenceront pas et les bons citoyens resteront tranquilles, continua-t-elle.

— Je n’ai jamais rien entendu d’aussi absurde ! s’exclama Kaldor. Je ne vois pas en quoi les « bons citoyens » sont bons quand ils approuvent ça.

— D’abord, je ne te parlais pas. Ensuite, nous avons rien à nous reprocher et pas de sang sur les mains…

— Jeune fille, arrêtez là ce discours indécent, la coupa Valdir.

Il craignait que le ton ne monte encore entre les deux jeunes comme la dernière fois.

— Ce n’est pas parce que vous ne tuez pas le condamné, que vous n’avez pas de sang sur les mains. Vous en avait autant que lui, car vous approuvez cette odieuse idée d’ôter la vie. Ça commence par les criminels, puis ça finit par la suppression des êtres différents du commun des hommes…, expliqua-t-il d’une voix ferme.

La jeune femme pinça les lèvres, mécontente d’avoir, encore une fois, était rabrouée. Elle tourna bride et s’en fut à l’arrière du convoi pour bouder tout le reste de la journée.

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