Chapitre 16 - L'Elmència (partie 1)

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Au terme d’une longue semaine de voyage depuis Balt, le convoi des soldats de l’Ordre arrivait enfin en vue de la ville de Rant, en milieu d’après-midi. À la surprise de Kaldor, la troupe contourna la ville pour se rendre dans un complexe militaire de l’Ordre du Temple. Le capitaine Binlian expliqua que ces installations étaient un port où l’on fabriquait et amarrait des navires de guerre.

Kaldor entendit un soldat dire qu’il n’y avait pas de chambres disponibles. Il ferait en sorte de pas être à côté d’Élaëna lorsqu’elle l’apprendrait. Sa voix aigüe était désagréable lorsqu’elle s’énervait. Il l’appréciait malgré son côté noble demoiselle gâtée et bien qu’elle le houspille souvent.

Inconsciemment, il la chercha du regard et la vit assise à l’arrière d’un chariot. Elle brossait ses longs cheveux bruns. Le jeune homme trouva ce moment apaisant. Elle tourna la tête et lui adressa un sourire plein de fossettes. Kaldor se sentit fondre et lui sourit en retour. La voix de Binlian qui criait son nom le sortit de sa rêverie.

— Kaldor ! Rejoins-moi. Nous allons nous entraîner à l’épée.

— J’arrive, répondit le jeune homme.

Il retrouva le capitaine un peu à l’écart du camp après avoir récupéré son épée de bois. Il n’était pas du tout motivé pour s’entraîner. Son maître d’arme le remarqua et lui proposa un défi.

— J’ai une idée, histoire de mettre un peu de piquant. Si tu arrives à me toucher une fois je m’occuperais de ton cheval pendant trois jours. Si tu n’y parviens pas, tu t’occuperas du mien, annonça-t-il amusé.

— Justement, je trouvais que tu n’avais pas assez de corvées, le provoqua Kaldor avec un sourire en coin.

Il regretta aussitôt ses paroles, car il n’avait aucune chance. Il expira un bon coup et ferma les yeux, avant de se mettre en garde. Épée au-dessus de sa tête, pied droit devant, pied gauche en arrière et jambes légèrement fléchies. Il attendit que la tempête Binlian s’approche et le cingle de coups pour sa provocation.

Le capitaine se mit à tourner autour du jeune homme qui fit de même. La danse put commencer. Kaldor se fendit pour toucher son professeur d’un coup d’estoc. Celui-ci l’évita avec aisance en tournant sur lui-même, et claqua les fesses de l’impertinent avec le plat de son épée.

— Outch ! Ça doit faire mal ! railla le soldat.

— Tu ne paies rien pour attendre, maugréa le jeune Eldyrien en se massant les fesses.

Ce fut au tour de Binlian d’attaquer avec une série de coup de taille que Kaldor eut du mal à parer sans reculer. Le jeune homme tenta de faire de même mais son maître d’arme contra sans mal. Il prit la pointe de l’épée de son élève, tout en l’abaissant et releva sa garde. Il asséna un coup de pied dans l’entrejambe de Kaldor qui tomba à terre.

— Je pense que tu vas adorer mon cheval. C’est bien, tu t’es plutôt bien défendu. Je vais t’apprendre la technique que je viens d’utiliser contre toi.

— Je savais bien que je n’avais aucune chance, pesta le jeune homme.

— Certes. Néanmoins, tu as su canaliser ta colère lorsque je t’ai claqué mon épée sur les fesses. La colère ne sert en rien à gagner un combat, elle ne fait qu’obscurcir l’esprit et empêche de réfléchir. L’épée demande beaucoup d’entraînement et de technique pour vaincre son ennemi. Toi qui ne possède ni l’un ni l’autre pour l’instant, tu peux utiliser ton arme comme un marteau de guerre. Il suffit de saisir ton épée par la lame et de frapper l’ennemi à la tête, pour l’assommer ou le désorienter le temps de lui asséner un coup mortel.

Ils continuèrent l’entraînement une demie heure de plus avec le tir à l’arc, avant que le jeune homme ne s’acquitte de sa nouvelle corvée.

Une fois son cheval et celui de Binlian furent bouchonnés et nourris d’avoine, le jeune Eldyrien alla se laver dans les bains de la caserne toute proche. Son corps, tout endoloris par l’entraînement à l’épée, apprécia l’eau chaude. Le jeune homme laissa échapper un soupir de satisfaction et resta dans le bain jusqu’à ce que l’eau soit à peine tiède.

— Ah ! Tu es là…, commença Findol

— … Valdir te cherche partout, acheva Zèlyu.

Le jeune homme, qui venait juste de se sécher, s’enroula en vitesse dans sa serviette. Il se tourna pour leur dire de sortir le temps qu’il s’habille, mais resta coi quand il vit qu’ils étaient nus. Il se retourna aussi vite.

— Oh ! Vous êtes nus ! s’exclama-t-il.

— C’est l’évidence même puisque l’on va se baigner, railla Findol.

— Tu crois qu’il est timide, mon ami ? demanda Zèlyu.

— Oui, mais aussi pudique…

— Eh ! Oh ! Je suis là ! s’offusqua le jeune homme. Où puis-je trouver Valdir ?

Ils lui dirent d’une même voix qu’il était parti près de la mer à l’écart de l’agitation. Le jeune Eldyrien s’empressa de ramasser ses vêtements les joues en feu, sous le rire des deux soldats.

Kaldor se mit en quête de son mentor. Il le trouva à environ un kilomètre du camp. Il se tenait debout au bord de la mer, il semblait contempler la lente plongé du soleil vers l’horizon. En s’approchant de Valdir, le jeune homme se remémora ce qu’il avait déjà appris de lui sur la magie.

Il y avait la magie runique – blanche ou combative – dont il avait fait l’expérience chez l’apothicaire. Elle était limitée tant dans la puissance que dans ses possibilités. Elle fut créée pour les soldats de l’Ordre de Temple et contenait un nombre limité de runes, environ cent cinquante. Il fallait tracer ces runes en l’air ou sur un support afin d’en libérer le pouvoir.

La magie que son mentor allait lui enseigner était l’Elmència, celle des Eldyriens. Si la chose lui avait fait peur après ces mauvaises expériences, il s’était rendu compte qu’il devait la maîtriser afin de ne pas blesser ses compagnons malencontreusement.

Valdir se retourna quand il l’entendit s’approcher, s’assit en tailleur et invita Kaldor à faire de même. L’Eldyrien inspira un grand coup.

— Bon, il est temps de t’expliquer plus en détail en quoi consiste l’Elmència. Nous autres Eldyriens sommes capables d’influer sur les éléments constituant toutes choses/corps. Nous pouvons donc les faire changer selon le besoin du moment.

— Par « éléments », vous voulez dire les quatre éléments de la nature : air, eau, terre et feu ? Ceux dont les érudits parlent ? demanda Kaldor, fier d’en savoir un peu sur le sujet.

— Que nenni ! réfuta Valdir. Les érudits dont tu parles, n’ont d’érudit que le nom. Le monde qui nous entoure est composé d’une multitude d’éléments. Chaque « corps » (arbre, homme, rocher) est composé de plus petites choses, qui sont elles-mêmes faites de plus petites choses encore que l’on nomme atomes. Ce sont ces atomes que l’on manie avec l’aide de la magie via notre esprit.

— C’est à peine croyable ! s’exclama Kaldor.

Ce nouveau savoir ébranla le jeune homme. Il avait toujours appris que l’air, l’eau, la terre et le feu régissaient la nature. Alors que le monde n’était qu’une question de multiples éléments qu’ils fussent petits comme les atomes ou grand comme les animaux, les hommes ou les plantes. Une pensée lui vint. Donc l’Elmèntia n’était autre que la magie des dieux. Kaldor fit part de sa réflexion à son mentor.

— En effet. Mais si les dieux peuvent créer à partir de rien ou presque, nous ne sommes capables que de modeler leurs créations. Ils ont un plus grand savoir que nous et je suis sûr que nous ne sommes pas en capacité de comprendre la majeure partie de ce savoir. Pour en revenir aux éléments, pour te donner une idée, imagine que la fourmilière est une chose, un bout de bois par exemple. Eh bien, chaque fourmi est un élément, un atome du bois. Et en gros, pour mettre le feu au bois il te suffit « d’exciter » les particules du bois et de l’air autour pour qu’il s’enflamme. Ce sera tout pour ce soir, les prochaines fois, tu tenteras de sentir les atomes.

Kaldor resta silencieux un bon moment tentant d’assimiler ce que venait de lui enseigner Valdir. Puis il laissa vagabonder son esprit. Ses pensées se tournèrent vers sa mère. Que devenait-elle ? Allait-elle bien ? Probablement que oui, que pouvait-il lui arriver, elle était en sécurité à Temple-ville. Les deux Eldyriens restèrent un moment à regarder le soleil toucher avec la délicatesse d’une plume la ligne d’horizon, embrasant le ciel.

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