Chapitre 16 - L'Elmència (partie 2)

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Le groupe de compagnons se sépara le lendemain matin du convoi militaire et s’approcha de la cité. Si la vieille ville était entourée de remparts, les faubourgs étaient dépourvus de toutes fortifications. Il s’agissait d’une ville portuaire comme Merfol, mais bien plus grande. À la différence de cette dernière, le port de Rant était beaucoup plus vaste. Kaldor n’avait jamais vu autant de navires, c’était une forêt de mâts à perte de vue. Il y arrivait des marchandises des empires Lyrgo et Tyrn et du royaume du Sudar.

Afin de ne plus entendre les constantes jérémiades d’Élaëna sur son envie de bain et d’un bon lit, il avait été décidé de passer la nuit dans une auberge de la ville. Le capitaine Binlian les conduisit à travers celle-ci, jusqu’à une auberge qu’il connaissait bien. Elle se nommait Au bon marcheur. Kaldor repéra l’enseigne de loin : un voyageur muni d’un bâton de marche et d’un sac à dos.

— Voilà, nous y sommes, leur annonça le capitaine. C’est une auberge respectable et, bien sûr, elle détient une salle de bain. Dites, Valdir, j’espère que nous irons plus vite, parce que la sécurité du convoi c’était bien mais nous avons perdu du temps. J’ai bien peur qu’une fois sur l’île des Trolls, l’hiver ne soit déjà là.

— Ne t’inquiète pas Binlian, j’ai prévu d’avancer bien plus vite, une fois à Muzia. Mais pour l’heure, entrons et commandons à manger, j’ai faim.

L’intérieur de l’auberge se composait d’une grande pièce commune et de deux petites salles séparées de la première par un petit mur. De chaque côté du grand comptoir, se trouvaient deux portes, dont l’une d’elles devait mener aux cuisines. À côté d’une des ouvertures, se tenait un escalier menant aux étages et aux chambres. Les sept compagnons allèrent s’installer dans la première petite salle et commandèrent à manger.


Après le déjeuner, Binlian et Adrim voulurent aller faire un tour en ville afin de revoir d'anciennes connaissances. Valdir, quant à lui décida d'aller se reposer dans sa chambre. Élaëna le supplia de les laisser, elle et Kaldor, aller faire un tour. Il accepta avec réticence, à la condition que les amis Findol et Zèlyu les accompagnent.

— Avez-vous une idée…, commença Findol une fois dans la rue.

— …de l’endroit où vous voulez aller, termina Zèlyu.

Cette manière qu’avaient les deux soldats, de terminer la phrase de l’autre, étonnait toujours Kaldor. Cela semblait agacer la jeune femme, qui une fois la nouveauté passée fut vite blasée.

— Oui ! Je n’ai pas arrêté de rêver de bijoux de pierres bleues ces derniers temps et j’ai envie de m’en acheter un, répondit-elle, joyeuse C’est étrange que cela me soit arrivé quasiment toutes les nuits, mais c’est vrai qu’un bijou de plus ne me ferait pas ne mal, non ?

Les deux amis haussèrent les épaules et les hommes la suivirent dans le dédale de rues. Elle semblait ravie de cette balade et prit même le bras de Kaldor. Le jeune homme fut troublé par ce geste. Il la croyait en colère contre lui depuis leur dernière dispute. Il trébucha, manquant de les faire tomber à terre. Elle fronça les sourcils mais ne le gratifia que d’un « ce que tu peux être maladroit parfois ».

Le petit groupe remarqua qu’il y avait de nombreux mendiants en ville et toujours placés non loin d’une boutique. Kaldor perçut même quelques silhouettes menaçantes dans les ruelles les plus sombres. Probablement des voleurs à l’affut de passants solitaires. Un sentiment d’insécurité s’insinua en lui.

— Kaldor…, commença Élaëna, visiblement gênée. Je tiens à te dire que je suis désolée pour ma conduite de ces derniers jours. Je ne pensais pas que tu avais déjà connu tant de chagrin… Mais à vrai dire, je crois que j’étais jalouse de ce qui t’arrive. Je voudrais moi aussi me sentir importante, être destinée à de grandes choses… Et puis, te voir renfermé constamment sur toi-même, cela m’a désorientée. Là où les nobliaux que je connais, font tout un fromage du moindre petit truc qui leur arrive, toi non.

— Je… euh… suis sûr que vous trouverez votre place dans le groupe et que vous êtes destinée à de grandes choses, tenta-t-il maladroitement de la réconforter.

— Tu es gentil…

Ils furent interrompus par un bijoutier qui attendait devant sa boutique.

— Bonjour gente demoiselle, l’apostropha-t-il. Ne souhaiteriez-vous pas un nouveau bijou ?

— Bonjour monsieur. Justement, je venais en ville pour ça.

— J’ai des colliers en pierres bleues qui iraient parfaitement avec vos yeux, l’encouragea-t-il.

Elle traina Kaldor à l’intérieur, ravie. Elle se mit à inspecter chaque pièce d’orfèvrerie pendant que le bijoutier rassemblait les colliers sur son comptoir. Après une longue réflexion qui semblait quasi existentiel, le jeune homme fut soulagé de la voir jeter son dévolu sur un collier de pierres aux diverses teintes bleues, serties d’argent. Elle se retourna vers lui et il fut époustouflé par sa beauté et sa joie qui rayonnaient telles la Lune dans l’obscure nuit.

— Viens, je vais t’offrir un cadeau pour me faire pardonner. Si, si, j’insiste, tu ne vas pas commencer à bougonner !

Le jeune homme céda, bien malgré lui, ne voulant pas déclencher sa colère. Elle le mena devant un présentoir derrière lequel se tenait le vendeur tout sourire. Il paraissait tellement content de les voir, à croire qu’il n’avait pas vu un seul client depuis des mois.

Après ce qui parut être une nouvelle éternité à Kaldor, la jeune femme jeta enfin son dévolu sur un bijou. Elle désigna au bijoutier un pendentif composé d’une pierre verte polie et sculptée en forme d’aigle. Le joailler se rendit dans son arrière-boutique, prétextant que celui-ci n’était qu’un modèle d’exposition, pour en revenir avec un pendentif emballé. Une fois l’achat effectué et le collier passé autour du cou de Kaldor, le petit groupe reprit le chemin de l’auberge.


***


Le bijoutier qui avait vendu le collier à Kaldor, se frottait les mains d’impatience, il avait hâte de recevoir la récompense pour ce qu’il avait fait. Cette mission avait été des plus faciles, finalement. Il n’avait pas eu à échafauder un plan compliqué pour que le garçon vienne dans sa boutique et lui glisser discrètement la pierre.

Un bruit retentit dans l’arrière-boutique. Il s’approcha et vit un homme tout de noir vêtu et encapuchonné.

— Mais enfin, qui êtes-vous ?

— Mon nom importe peu. Je suis là pour te conduire auprès de mon Maître qui te donnera ta récompense.

À la mention de ce mot, le bijoutier esquissa un large sourire. L’homme en noir s’approcha et lui toucha l’épaule. En un battement de paupières, le duo se retrouva dans une caverne plongée dans la pénombre. Le joaillier perdit son sourire et la peur l’envahit. Quelle sorcellerie était-ce là ? Il n’y voyait goutte.

— Tu as bien rempli ta mission, constata une voix.

— Vous êtes Krag, chef des hors-la-loi ? demanda le bijoutier d’une voix mal assurée. Combien d’or allez-vous me donner ?

— Non, je suis Mastar. J’ai bien mieux à te proposer : une vie longue et enchaînée à ma volonté, dit-il en ricanant.

Soudain, les yeux de son interlocuteur s’enflammèrent, illuminant la caverne. L’orfèvre ne put s’empêcher de crier de peur. Là, devant lui, se tenait, assis, un monstre. C’était une sorte d’homme à la peau écaillée et aux ailes de chauve-souris. La peur se mua en terreur et il ne put retenir sa vessie.

Mastar ouvrit la main et une flamme en jaillit. Celle-ci s’agrandit et se rua sur le bijoutier, qui ne put que regarder avec horreur la destruction venir sur lui. La flamme s’enroula autour de lui. Devant son visage, elle se sépara en deux pour s’enfoncer dans ses tempes. Il hurla de douleur alors que ses yeux s’embrasaient, pour ensuite devenir aussi noir que les ténèbres. Il se mua alors en servombre.

— Maintenant tu es prêt à accomplir ta mission et à m’obéir sans sourciller. Tu vas suivre ce garçon aux cheveux d’argent et lui tendre quelques pièges. Harcèle-le, histoire de l’affaiblir, de le ralentir et reprend lui les reliques. Leur pouvoir me sera très utile pour accomplir mon but.

— Oui Maître, vous ordonnez, ainsi soit-il.

Le nouveau servombre disparut dans la pénombre de la caverne avec son homologue. Mastar se calla plus confortablement dans son trône de pierre. Son plan se déroulait exactement comme prévu.

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