Chapitre 14 - La prise du cuisinier (partie 2)

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Le lendemain matin, avant que toute la troupe ne parte, Binlian vint chercher Kaldor pour un petit exercice d’épée. Quand le jeune homme s’en étonna, le capitaine lui répondit que les autres ne seraient pas toujours là pour le défendre si un combat au corps à corps survenait. Ils trouvèrent un endroit tranquille à une trentaine de mètres du campement.

— Pour commencer, nous allons échanger quelques coups, histoire de voir à quel niveau tu es.

— Au point zéro. Je n’ai jamais touché une épée de ma vie…

Kaldor tint son épée devant lui à deux mains, au niveau de son torse. Il ne pensait pas qu’une épée pouvait être aussi lourde. Quand il en fit la remarque à Binlian, celui-ci lui expliqua qu’il s’agissait d’une épée à deux mains. Elle était plus lourde et un peu plus grande que celle portée par un soldat muni d’un bouclier.

Binlian lui prit la vraie épée des mains pour lui en donner une en bois. Pas question de se blesser, seuls les bleus étaient autorisés. Les épées à peine en mains, Binlian attaqua avec un coup de taille. Kaldor para le coup en pointant l’épée vers le bas, mais le coup manqua de lui faire très mal et il faillit lâcher son épée.

— D’accord, je vois. Tu as tout à apprendre…

— Je vous l’avais bien dit.

— Premièrement, ta garde n’est pas bonne. La meilleure garde, selon moi, est celle dite « garde haute ». Mets ton pied droit devant et ton gauche en arrière. Bien. Maintenant fléchit un peu le genou droit et tiens ton épée au-dessus de ta tête. Voyons pour parer. Soit, tu utilises le plat de la lame en faisant une rotation de poignet. Soit, tu utilises la partie située entre le tranchant et la garde de l’épée.

— Pourquoi ?

— Mais réfléchis un peu ! Tu n’es pas bête à manger du foin ! Pour ne pas émousser le tranchant de la lame. Enfin, sache que si tu veux tuer un adversaire, le coup d’estoc – avec la pointe de l’épée – est plus efficace que le coup de taille qui ne produit que des entailles. Tu peux aussi frapper avec le pommeau de l’épée pour assommer. Bien, reprenons l’exercice.

Le capitaine et Kaldor enchaînèrent plusieurs échanges que le jeune homme parvint à parer comme le lui avait appris Binlian. Au bout de trente minutes, le soldat mit fin à l’exercice. Il ne leur restait qu’une petite heure pour se laver et ranger leurs affaires avant que le convoi ne reparte en direction de Balt.

À peine Kaldor était-il revenu vers sa tente, pour faire un brin de toilette et la démonter, qu’Élaëna apparut à côté de lui. Je n’ai jamais le droit à un moment pour moi, se dit-il. Il parvint à réprimer une envie de souffler. Cette fille avait l’air très lunatique et avait surtout une voix très aiguë. Elle était habillée d’une robe simple vert foncé.

— Bonjour, le salua-t-elle joyeusement. Tu n’es pas encore prêt ? Mais tu es en nage !

Elle afficha un petit froncement de nez qui voulait tout dire.

— Bonjour à vous. En fait cela fait bien une heure que je suis levé. Le capitaine Binlian voulait m’entraîner au maniement de l’épée.

Elle jeta un rapide coup d’œil à l’épée d’entraînement en bois.

— En tout cas ce n’est pas avec ça que tu feras des ravages, railla-t-elle. Ah les hommes, toujours à vouloir impressionner. Tu sais, tu n’as pas besoin d’une grande épée pour impressionner les autres.

— Mais ça n’a rien à voir avec ça. Je veux savoir me défendre car comme l’a dit le Major hier soir, le monde extérieur est cruel et la loi du plus fort y prime. Vous devriez retourner chez-vous, lui lança Kaldor quelque peu énervé.

— Et qu’en sais-tu toi d’abord ?! Tu n’es sur les routes que depuis peu ! cria-t-elle.

— J’en sais quelque chose parce que je me suis fait attaquer et que mon père est mort ! hurla-t-il. Maintenant si vous pouviez me laisser seul, j’ai des choses à faire avant le départ.

Elle afficha une moue vexée et s’éloigna en tapant des pieds pour montrer son mécontentement. Il l’avait congédiée comme une vulgaire servante. Il regretta d’avoir employé ce ton, mais, après tout, elle l’avait cherché.

Il ne voulait pas qu’elle voit les larmes qui lui montaient aux yeux et la peine investir son visage. Père… je te demande pardon, je n’ai pas pu te sauver, se dit-il. Du coin de l’œil, il aperçut Valdir, venu voir pourquoi les jeunes criaient. Au loin, le Major annonça le départ dans un quart d’heure. Une fois dans sa tente, il put desserrer ses poings et laisser aller ses larmes.

***

Comme à son habitude, Jeg fermait sa boutique lorsque la lumière du soleil commençait à décliner. Il tenait un commerce de bijoux à Rant et pouvait même se vanter d’être le moins cher, quelle que soit la valeur de la marchandise. Il n’avait jamais été très bon joaillier, que ce soit pour les pierres précieuses ou les bijoux en pierres simple, voire même en métal ou en bois.

Il devait sa réussite à un vaste réseau de hors-la-loi dirigé par un certain Krag, qu’il n’avait jamais vu. Quelques années auparavant, il s’était retrouvé au bord de la faillite et croulait sous les dettes. Ses trois concurrents lui menaient la vie dure. Ils raillaient tout le temps son travail sur les marchés.

Autant dire que lorsque ces hors-la-loi vinrent le trouver pour qu’il revende les bijoux qu’ils avaient volés contre le rachat de ses dettes, ils le tenaient. C’était, soit accepter et se remettre à flots, soit refuser et couler pour de bon. La réflexion n’avait pas été longue.

Au moment où il s’apprêtait à fermer la porte de l’arrière-boutique, pour aller boire un verre, quelqu’un le poussa à l’intérieur et referma la porte. L’homme était encapuchonné et avait une forte carrure. Jeg n’avait aucune crainte, il s’agissait d’un des types de Krag. Sauf que ce soir-là, ce n’étaient pas des bijoux qu’il lui apportait mais une enveloppe cachetée.

— J’ai des ordres à vous transmettre, dit-il en tendant l’enveloppe.

— Le chient jappe dans la nuit…, récita Jeg méfiant.

— … mordu par le grand loup gris.

Il fut rassuré, l’homme connaissait le code.

— Krag me l’a remis en mains propres, lui assura son interlocuteur.

En mains sales plutôt, pensa-t-il. Il savait l’homme peu enclin à rigoler et puis il devait reconnaitre qu’elle était nulle comme blague. Il entreprit d’ouvrir la lettre et de la lire. Il afficha vite un air étonné, mais quand il voulut en savoir plus, il s’aperçut que le messager était parti.

Un garçon aux cheveux argentés ? Mais que pouvait bien lui vouloir Krag ? Il relut une seconde fois les instructions codées et se demanda comment il allait pouvoir réussir. La première partie de sa mission était facile : déterminer la direction que prendrait le garçon en sortant de Rant. C’était la seconde partie qui allait être difficile à réaliser.

— Mais comment voulez-vous que j’arrive à faire entrer la cible dans ma boutique ! Il y en a des dizaines dans cette ville.

— Vous n’aurez pas à vous en souciez. Krag m’a assuré qu’un ami à lui ferait en sorte qu’il vienne dans votre boutique.

Le bijoutier resta planté là, l’air dubitatif et regarda partir le messager dans la nuit.

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