Chapitre 9 - Eldyriens (partie 1)

5 minutes de lecture

Kaldor émergea de son sommeil tourmenté en milieu de matinée. Sa tête le faisait souffrir, de même que son corps courbaturé. Sa nuit n’avait pas été réparatrice, il se sentait fatigué. Qu’allait-il bien pouvoir faire de sa vie, alors que son père venait de perdre la sienne ? Le marteau qui tapait dans sa tête l’obligea à se lever. Il s’habilla avec lenteur, puis ouvrit la porte de sa chambre. Valdir, qui se tenait devant, prêt à toquer, le fit sursauter.

— Ah, tu es réveillé. Je venais justement pour te dire de te lever, le salua-t-il.

Kaldor bredouilla un bonjour et se rendit dans la cuisine, son sauveur sur les talons.

— J’ai acheté une charrette et un cheval, pour ta mère et toi. Nous n’allons pas l’abandonner dans ce village, où tout le monde l’éviterait comme la peste. Elle pourra recommencer une nouvelle vie à Temple-ville.

Le jeune homme entreprit de prendre un bol, de faire chauffer de l’eau et de chercher de quoi faire son infusion. Il se prépara un petit mélange de plantes : reine des prés, tilleul, verveine et menthe poivrée.

— Je croyais que vous vouliez que je vous accompagne pour partir en quête des reliques.

— Oui, mais un tel voyage se prépare et pour l’heure tu viens juste de… Tu n’es pas prêt à partir à l’aventure. Nous devons d’abord nous rendre à Temple-ville.

La mère de Kaldor entra dans la pièce. Elle aussi était fatiguée et marquée par la peine. Ses yeux rouges attestaient qu’elle avait pleuré une bonne partie de la nuit. Elle adressa un signe de tête à Valdir.

— Bonjour gente dame. Je disais à votre fils, que vous nous accompagnerez, comme nous en avions discuté plus tôt.

— Oui, merci pour cette proposition, mon bon Sire.

— Appelez-moi Valdir. Je ne suis pas un seigneur, affirma-t-il avec un sourire. Je vous laisse vous restaurer et faire vos paquetages tranquillement.

Une fois la charrette chargée, la troupe se mit en route. Binlian et Adrim devant la charrette et Valdir à sa gauche. Kaldor, assit à côté de sa mère, jeta un bref regard en arrière et aperçut Leyt, un bras dans une attelle, au loin. Il aurait bien aimé que son ami l’accompagne, même s’il lui avait tourné le dos. Il savait que Leyt avait toujours voulu voir le monde. Le jeune homme lui fit un signe de la main, mais il ne daigna pas lui répondre.


Le lent voyage, jusqu’à Merfol et en compagnie de la troupe d’une vingtaine de soldats, se fit dans le silence. Kaldor et sa mère n’avaient aucune envie de bavarder avec le reste du groupe. Le jeune homme en profita pour graver en mémoire les paysages qu’il avait vu toute sa jeunesse, sans trop y prêter attention. Fallait-il partir pour se rendre enfin compte combien les paysages longtemps côtoyés étaient beaux et allaient lui manquer ?

Ils firent une halte deux heures après midi, afin de reposer les chevaux et de se dégourdir les jambes. Adrim en profita pour sortir de ses fontes de quoi se restaurer. Il apporta leur ration aux autres membres de la troupe. Valdir prit sa part et s'éloigna du groupe.

Kaldor l'observait de loin. Il ne savait quoi penser de cet individu difficile à cerner et si mystérieux. Du moins l'intriguait-il plus que les soldats.

— Tu sais, il ne mord pas, enfin pas méchamment.

Kaldor sursauta. Il n'avait pas entendu Adrim s'approcher de lui.

— Si tu vas le voir, ne tente pas de lui renverser de l'eau sur la tête, ça te retomberait littéralement dessus, poursuivit-il avec un sourire.

— Merci du conseil, fit le jeune homme déconcerté.

Cet Adrim semblait vouloir faire rire, sans vraiment y parvenir. Kaldor se décida et s'approcha d'un pas mal assuré de l’instructeur en magie en pleine méditation. Il s'assit en tailleur, en face de lui, et attendit qu'il veuille bien lui prêter attention. Le jeune homme savait très bien que Valdir sentait sa présence.

Au bout de quelques minutes, il ouvrit les yeux et Kaldor fut subjugué par son intense et pénétrant regard cuivré. Une couleur fort rare, du moins chez les hommes. Oh oui, le jeune homme doutait que cet homme soit celui qu’il disait être.

— Tu m'as l'air patient, c'est bien, remarqua Valdir.

— C'est une des premières choses que m'a appris maître Grépas. Il est intransigeant là-dessus et ça se comprend, la guérison n’est qu’affaire de patience.

— Ah oui, l'apothicaire. Il paraît être très compétent.

— Vous le connaissez ?! s'étonna Kaldor.

— À ton avis, qui nous a indiqué où te trouver ?

Il se tut et considéra le jeune homme quelques instants.

— Tu as des questions à me poser. Que veux-tu savoir ?

— Qui êtes-vous ? Je veux dire, qui êtes-vous réellement ? Vous dites être un professeur de magie runique, mais pour moi vous n’avez pas utilisé de rune l’autre jour… Et puis, vous semblez en savoir beaucoup trop pour un simple instructeur. Notamment le nom de cette chose : servombre, si je me souviens bien. De plus, cette créature a dit que vous étiez déguisé.

— Bien, tu as le droit de savoir toute la vérité sur moi. Je te prie de bien vouloir tenir ta langue, car à part Adrim et Binlian, peu de gens sont au courant. Je suis un Eldyrien, nous sommes des Eldyriens. La différence entre toi et moi, c’est que tu n’as pas encore… comment dire… muté. Cela ne saurait tarder, tu es en âge.

— Un Eldyrien ! s’exclama Kaldor, qui n’en croyait pas ses oreilles. Comme dans les légendes ? Faits de lumière argentée ?

— Oui comme dans les légendes. Pas besoin de le crier sur les toits. Comment expliquer ça simplement ? Nous ne sommes pas sur le même plan d’existence que les humains. Plutôt entre le leur et celui des dieux. Nous sommes capables, pendant un certain laps de temps, de ne plus avoir de corps tel que tu le conçois. C’est à ce moment que nous devenons une sorte de « nuage » argenté.

Il observa les alentours pour s’assurer que personne ne les observaient. Un halo d’argent se révéla peu à peu autour de Valdir. Ses yeux s’illuminèrent et des tatouages lumineux apparurent sur les parties visibles de son corps. Celui-ci et son visage se dissipèrent pour n’être plus qu’un nuage argenté. Kaldor, bouche-bée, n’en croyait pas ses yeux. Cela aurait dû être impossible ! La légende venait de prendre forme devant lui. Il n’en revenait pas. Avec lenteur, Valdir reprit sa forme initiale, celle d’un homme ordinaire.

Annotations

Vous aimez lire Arnvald ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0