Chapitre 7 - En quête de Kaldor (partie 1)

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Lapaza avait ressenti la morsure du froid, lorsque le rayon lumineux du rubis l’avait touchée au front. Puis le néant, aussi noir qu’une nuit sans lune, l’avait oppressée et lui donnait l’impression qu’elle allait s’étouffer. Elle était ensuite tombée, environnée de ténèbres, sans pouvoir s’accrocher à quelque chose. Cette chute lui parut durer des heures avant qu’elle ne heurte enfin le fond.

Le noir se dissipa peu à peu, pour laisser place à une légère pénombre due au brouillard. La grande-prêtresse d’Eldyr se retrouva allongée sur de l’herbe humide. Elle se releva péniblement, son corps courbaturé lui faisait mal. Sa vue, floue au début, revint à la normal et elle put voir où elle se trouvait.

Lapaza se tenait dans une allée bordée de hautes haies. Elle décida d’avancer pour voir où la conduirait cette voie végétale. Un virage en angle droit apparut à travers la brume. La grande-prêtresse se sentait perdue, et ce sentiment s’accentua quand elle comprit où elle se trouvait. Un labyrinthe ! Le désespoir et la peur l’assaillirent. Elle voulut s’élever dans les airs, mais sa magie ne fonctionnait pas. Comment cela était-ce possible ?

— Hé ho ! Y-a-t-il quelqu’un ? Mon roi ? Ma reine ? cria-t-elle, se souvenant qu’elle n’avait pas été la seule frappée par le sortilège.

Seul un silence pesant accueillit son appel. Soudain, une voix lui parla dans son dos. Elle se retourna.

— Ils ne peuvent t’entendre. Ce labyrinthe fait cinquante kilomètres de diamètre.

Devant elle, se tenait le divin Tyrnlok en personne. Il affichait un air des plus satisfaits.

— Te voir piégée ici dans l’Imaginys me réjouit au plus haut point. C’est maintenant au tour de mon cher frère de goûter à l’amertume de l’échec. Je suis enfin parvenu à le réduire au silence.

Lapaza blêmit à ces paroles. L’Imaginys ! Voilà une nouvelle très embarrassante, mais pas catastrophique. Elle savait que n’importe qui pouvait sortir de cette dimension parallèle, s’il trouvait les portails.

— Cela ne sera pas aussi facile que tu te l’imagines, petite chose. J’ai créé ce labyrinthe et l’ai rendu vivant. Par conséquent, il n’aura jamais la même configuration. Ha ha ha ha ! Je suis divinement génial !

— Que projetez-vous de faire, Tyrnlok ? demanda Lapaza, pour couper court à son autocongratulation.

Le dieu des Tyrns se renfrogna. Il semblait mécontent d’avoir été interrompu et qu’elle se soit adressé à lui en omettant le « divin ».

— Je ne vais pas relever ton insolence, misérable créature. J’ai un plan en tête qui demande l’élimination de quelques personnes pour qu’il réussisse. La prochaine sur la liste est ton fils, celui que mon frère et toi avez créé pour une grande mission. Oui, je suis au courant. Sur ce, je te laisse profiter de ce superbe labyrinthe, j’ai d’importantes choses à faire.

Les dernières paroles du dieu firent pâlir une nouvelle fois la grande-prêtresse. Elle pria pour son fils. Une larme coula, chargée des amères regrets qu’elle ressentait. Certes, elle avait été fière d’avoir été choisie pour porter cet enfant divin. Bien qu’elle préférât l’avoir eu avec son aimé. Puis l’ordre divin, terrible, était tombé dès que l’enfant fut né. Il ne devait pas grandir en Eldyrie avec elle, mais chez les hommes. Ces êtres qu’elle trouvait si primitifs et peu avenants. La séparation lui déchira le cœur et la plongea dans un abîme de détresse.

Lapaza tourna sur elle-même et remarqua que le labyrinthe avait changé pendant sa conversation. Elle se trouvait à présent dans un cul-de-sac. Elle avança d’un pas pressé vers le prochain virage et déboucha sur cinq chemins. Alors la grande-prêtresse se dit qu’elle ne trouverait jamais la sortie et ne reverrait ni son amour, ni son fils devenu grand. Le désespoir et la peur brisèrent ses défenses, la mirent à genoux et l’inondèrent d’un torrent de larmes. Pourquoi devait-elle souffrir autant ? Pourquoi avait-elle accepté d’être grande-prêtresse quand son prédécesseur était parti ?

Non ! Il fallait qu’elle se ressaisisse ! « Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir », dit-elle tout haut pour se donner du courage. Elle se leva et sécha ses larmes. Elle ne voulait absolument pas mourir sans que son fils ne la connaisse. Ce fut d’un pas déterminé qu’elle s’engagea dans l’une des cinq voies qui s’offraient à elle. Il fallait qu’elle retrouve le roi et la reine et, avec eux, se mettrait en quête du portail.

***

Valdir était accompagné d’une douzaine de soldats de l’Ordre du Temple, dont le capitaine Binlian et son frère Adrim. Ils s’étaient arrêtés pour bivouaquer. Le jour déclinait, magnifique crépuscule rouge orangé, ciel incendié. Les hommes et chevaux étaient fatigués d’avoir chevauché sans pause aucune dans la journée. L’instructeur de magie ne voulait en aucun cas être en retard. Ils étaient à environ une journée de leur destination, la ville de Merfol, voire une demie journée s’ils étaient rapides.

Depuis leur départ, les deux frères, lors d’arrêt dans des auberges, n’avaient pas bu une seule goutte d’alcool. Le souvenir du dégrisement rapide, que leur avait laissé leur mentor, était encore bien présent dans leur tête. Adrim en avait encore mal aux fesses. Valdir lui avait dit, l’air désolé, qu’il devait avoir le coccyx fissuré. La chevauchée n’arrangeait rien, malgré la potion que l’instructeur lui donnait à boire et que le jeune soldat trouvait immonde. Après tout, cette tête de mule avait insisté pour venir et ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même, se dit le professeur de magie.

Valdir était assis en tailleur et méditait. Il cherchait à localiser le jeune homme qu’il devait retrouver, son esprit était grand ouvert et conscient du monde alentour. Adrim s’approcha de son frère Binlian.

— Tu crois qu’il dort ? lui demanda-t-il en désignant Valdir.

— Je dirais plutôt qu’il médite, répondit son frère, blasé.

Le capitaine voyait très bien où voulait en venir son jeune frère.

— Non, ne fais pas ce que je pense que tu feras. Tu sais très bien que dans le temps ça te retombait toujours dessus.

Adrim ne l’écoutait plus. Il prit sa tasse, la remplit d’eau et se rendit furtivement près de son mentor. Les autres soldats le regardaient, un sourire en coin et commençaient à parier sur le déroulement de l’histoire. Alors qu’il se tenait à deux pas derrière Valdir, Adrim jeta le contenu de sa tasse sur son ancien professeur. Au lieu de tremper sa cible, l’eau stoppa sa course à quelques pouces et prit plusieurs formes : un poisson, une fleur ou encore une simple sphère. Puis celle-ci fit trois fois le tour de la tête d’Adrim avant de venir s’écraser en plein milieu de son visage. Valdir ouvrit les yeux en affichant un air imperturbable. Les soldats éclatèrent de rire et Binlian secouait la tête de consternation.

— Adrim, tu aurais dû écouter le conseil de ton frère, car comme il l’a constaté, ça te retombe littéralement dessus.

— Roooh, c’était histoire de vous dérider un peu, vous êtes toujours si sérieux. Retirez-vous le balai que vous…

Valdir fit un geste rapide de la main. Adrim porta les mains à sa gorge, d’où plus aucun son ne parvenait à sortir. Il entraîna les deux frères à l’écart des autres. Eux seuls connaissaient la vérité sur leur ancien professeur.

— Trêve d’enfantillage, Adrim ! Tu es parfois trop gamin… Nous sommes à la recherche d’un jeune homme du nom de Kaldor, leur rappela-t-il. Il se trouve à Merfol, chez un apothicaire du nom de Grépas. En vérité, il est comme moi.

— Comme vous ?! s’étonna Binlian. Je croyais que les gens comme vous ne pouvaient pas avoir d’enfants.

— Je n’ai jamais dit cela. C’est un fait très rare, voilà tout. Cependant, il est vrai que cela fait des siècles que je n’ai pas vu un enfant. Ce fait est dû à notre condition… Mais je n’ai pas envie de vous en parler, ajouta-t-il quelque peu gêné. Allons dormir, une longue chevauchée nous attend demain.

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