Pour n’importe quel observateur « normal », l’église semblerait déserte, mais mes sens en alerte m’indiquent une présence… il est dans le confessionnal.

La cachette idéale avec le covid-22, même le curé est confiné.

Je le rejoins. Tout comme le policier et le médecin de l’hôpital, il a exactement la même apparence que dans mon rêve. Je ne m’en étonne même plus et je passe directement au vif du sujet.

— Alors, monsieur Karma ! Comment se fait-il que tout mon univers soit chamboulé ?

« Dans un autre univers, tu es! »

— Ça, j’avais compris. Mais comment j’y suis arrivé ?

Il soupire.

« Tu n’as pas la patience »

— En effet.

Pour une fois, je n’ai pas envie de le contredire.

« Plus qu’un seul univers il existe. Des multitudes d’univers cohabitent et parfois s’entrecroisent. Passer d’un univers à l’autre peuvent les initiés… les initiés et ceux qui possèdent la technologie. »

— Et comment se fait-il que cet univers ressemble autant au mien ?

« Pour la même raison que les brins d’ADN des jumeaux se ressemblent. Comme des bulles de savon sorties dun même moule, le univers se font et se défont. Ici existe un royaume qui n’est pas dans l’univers voisin, et tel roi dans un monde est mendiant dans l’autre, mais tous ces univers sont connectés entre eux et ce qui a lieu dans l’un d’eux se répercute sur les autres. »

— Admettons, et je présume que vous êtes un initié. Mais pourquoi m’avez vous fait venir ici ?

« La technologie je possède. Ou plus exactement, je possédais. Mais brisé est le cristal qui me permettait de passer d’un univers à l’autre. Alors j’ai fait appel à un initié pour m’aider. »

— Très bonne idée. Et ou est ce fameux initié ?

« L’initié, tu es. »

* * *

Le couloir qui passe sous la gare est désormais interdit d’accès. Une simple bandelette de plasitque rouge et bleu suffit à éloigner la plupart des curieux et – pour les plus téméraires, une escouade de militaires patrouille sur les lieux.

Et pourtant, la fillette ne s’éloigne toujours pas. Elle reste sagement du « bon côté » de la bandelette en fixant l’homme de garde de son regard juvénile.

Ce dernier fait semblant de ne pas la voir et s’applique à vérifier et revérifier le cran de sûreté de son fusil-mitrailleur en se demandant vaguement s’il oserait tirer au cas ou elle passerait la limite.

C’est la consigne… et la consigne doit toujours être respectée. La consigne ne contient d’ailleurs aucune précision sur l’âge des contrevenants.

Si quelqu’un passe la limite, on tire, on ne lui demande pas son âge pour vérifier si on a le droit de tirer.

Ce soldat serait bien étonné de découvrir que cette petite fille, qui provient manifestement du « territoire perdu du Royaume » a dans un autre univers, un double exact en la personne de la fille du maire.

— Dites monsieur, dit-elle enfin, comment on fait pour aller du côté de la gare si le couloir est bloqué ?

— Il y a un pont à cent mètres, réplique le soldat en réajustant le chargeur de son arme. Tu n’as qu’à faire le tour. Et puis, tu devrais être à l’école au lieu de me casser les pieds, tu vois bien que je suis occupé.

— Mon père ne veut pas que je passe par le pont, parce de l’autre côté c’est le quartier des bobos… et puis, vous n’êtes pas vraiment occupé, parce que retirer et remettre en place le chargeur de votre AK47 ne sert absolument à rien… sauf si vous devez compter les cartouches, mais ce n’est pas la peine, il y en a trente dans chaque chargeur et je pense bien qu’il n’en manque aucune puisque je ne vous ai pas entendu tirer.

Le soldat marque un instant de stupeur.

— Oh, ne me regardez pas avec cet air là, reprend-elle de plus belle. Toute ma famille sait comment fonctionne un pistolet-mitrailleur… « ça peut toujours servir » a dit mon papa. Même si on n’en a pas, on ne sait jamais.

— Je te conseille de filer ! Tu es en train d’épuiser ma patience.

Tout en parlant, le soldat examine les pieds de la fillette… juste pour le cas ou un orteil serait trop près de la limite… La petite estime plus prudent d’obtempérer. Les gens des quartiers bobos sont vraiment trop dangereux pour les fréquenter.

* * *

Il faut que je m’asseye… ce type à peau verte est vraiment incroyable.

— Alors c’est *moi* l’initié ? Je croyais que c’était vous… ou un autre bonhomme à peau verte… ou bleue, ou de n’importe quelle couleur… je comptais sur vous pour me ramener chez moi.

« Et moi, sur toi je compte ! Écoute petit humain : il y a des milliers d’années, mes congénères ont visité ta planète et ont permis à certains initiés de créer des portails entre les univers. Ce pouvoir, dans leur codé génétique a été inscrit et le descendants de ces initiés tu es. »

— C’est donc pour cela que j’ai pu passer dans cet univers… Mais si vous même n’êtes pas initié, comment vous êtes vous retrouvé ici ? Et qu’attendez vous de moi ?

« Par le pouvoir d’un focalisateur, sous forme de cristal, passer d’un monde à l’autre nous pouvons. Mais brisé est le cristal que j’ai utilisé. Je possède un cristal de rechange, mais dans ton univers il se trouve, et je n’y ai pas accès. Retourner le chercher il te faut. »

Il me montre une carte et désigne l’endroit ou son cristal est dissimulé, m’assurant au passage que mes « pouvoirs » me permettront de le trouver alors que tout autre passerait à côté sans le voir. Depuis qu’il m’a révélé ces fameux « pouvoirs du karma », j’ai pu constater que mes sens sont effectivement exceptionnels, et je suis tout disposé à le croire.

Reste cependant un problème…

— D’après cette carte, ton cristal est en plein milieu des « territoires perdus », les indigènes y sont plutôt méfiants envers les étrangers… enfin, envers les vrais habitants du Royaume, je veux dire… mais pour eux, c’est nous les étrangers.

« Un moyen tu trouveras. Car grâce au Karma, on peut influencer les esprits faibles »

— Mouais…

Je suis nettement moins convaincu.