Le Pasquier

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Qui n'a pas fait un cross au "Pasquier", en hiver, ne connaît pas les joies du sport à la façon "jésuite". Ces séances de sport ressemblaient quelque part au tour de l'île de Majorque à pieds. Avec la chaleur en moins, bien sûr. Et quand je dis avec la chaleur en moins, je suis très largement en dessous de la vérité et même en dessous de zéro ! Peut-être ne vous ai-je pas encore dit que notre cher collège avait été construit sur les remparts de l'ancienne ville. De bons gros remparts très épais, qui dissimulaient ici ou là quelques passages qui n'étaient plus secrets pour personne depuis longtemps et dont l'un d'eux servait d'entrepôt à nos tenues de sport. Nous les avions ainsi toujours à portée de la main pour nos séances de gymnastique. Les sacs de sport pendaient chacun à leur portemanteau. Nos effets étaient ainsi bien rangés et reposaient sagement à la température ambiante.

Par certains petits matins sibériens, nous aurions pu casser des pierres avec nos baskets gelées. Arrivés au "Pasquier", il nous fallait cependant les chausser et enfiler nos survêtements qui venaient de passer plusieurs jours au congélateur. Les baraquements en bois dans lesquels nous nous préparions n'étaient pas chauffés non plus et nous protégeaient seulement des morsures de la bise et des regards des filles. Après cette séance de supplices, le cross pouvait commencer. Ces cross étaient horribles. Nous avions les muscles raidis, le souffle coupé avec cet air palpable qui nous glaçait les poumons. Et pourtant, que la nature est belle ! Nos pas mécaniques nous faisaient traverser de vastes étendues immaculées et silencieuses où tout était immobile, puisqu'il fallait être fou ou jésuite pour mettre le nez dehors. Un fois, cependant, nous fîmes une rencontre insolite. Un cheval. Seul au milieu de son enclos. Oublié. Ou peut-être mis là en quarantaine. Mis au frigidaire pour calmer ses chaleurs. Nous étions peu rassurés en passant devant cet étalon qui nous suivait d'un regard menaçant, et dont le sexe "pipe-linesque" hanta nos mémoires durant plusieurs jours.

Nous traversions parfois ce paysage sous un ciel d'azur et un magnifique soleil. Le "Pasquier" était bordé de canaux désaffectés et de petits ruisseaux recouverts d'une épaisse couche de glace. J'ai déjà eu l'occasion de vous faire savoir combien nous adorions les glissades. Celles-ci avaient en plus un délicieux goût de fruit défendu, mais nous ne pouvions nous éterniser.

A la fin de notre séance de sport durant laquelle nous n'avions presque jamais vu le professeur, nous ôtions nos vêtements de sports. Nos baskets bien mouillées de transpiration retournaient dans nos sacs de sports où elles gelaient de nouveau instantanément.

Et l'on voulait nous supprimer tout cela ? On s'était mis en tête de nous apporter la piste d'entrainement à domicile et de nous supprimer le cheval qui bande, les baskets qui bandent, les journaux de contrebande, plein de filles bandantes, et que sais-je encore ? Nous étions toute une bande à résister.

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