Le prof de gym

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Certes, j'avais naturellement un penchant contre le sport. La nature ne m'avait pas doté de dispositions sportives particulières. Grimper à une corde était pour moi un supplice, et mes pieds craignaient les jours de lancer de poids. Tout cela m'ennuyait copieusement. Je le vivais cependant avec philosophie et, d'une manière générale, en assez bonne intelligence avec le professeur. Ce petit bonhomme était très tolérant à mon égard. Nous avions au moins un point en commun, notre taille. Etant donné son âge, c'était plus gênant pour lui et j'estimais qu'il n'avait pas la taille minimum nécessaire pour exercer son métier. Mais après tout, il n'était ni mannequin, ni C.R.S. et peut-être n'existait t'il pas de taille imposée pour sa profession. Tout de même, le bruit courait qu'il n'aurait pas pu l'exercer dans une école publique. Je me suis toujours gardé de lui faire la moindre réflexion et j'avais la puérile certitude qu'il m'en était reconnaissant. En outre, cet handicap, dont soit dit en passant il ne nourrissait aucun complexe, ne paraissait pas généralisé à l'ensemble de son anatomie. La seconde particularité de ce personnage, petit mais haut en couleurs, était, en effet, d'avoir eu douze enfants. Je crois que c'est encore aujourd'hui la seule personne de ma connaissance détentrice d'un tel score. Il se plaisait à dire que son dernier était au berceau alors que l'ainé faisait son service militaire. Il en retirait un certain prestige et une rare expérience des enfants. Il reconnaissait mes efforts et, la plupart du temps mes jambes rattrapaient les points que m'avaient fait perdre mes bras.

Il n'empêche que le temps passé à serpenter en rangs par trois dans les ruelles de la citée de Pasteur était autant de pris sur le temps de sport. C'était toujours quelques lancers de poids ou quelques kilomètres de cross en moins. Mais c'était aussi l'occasion de réviser une dernière fois la leçon du cours suivant. Nous nous interrogions mutuellement sur la dernière liste de vocabulaire grec ou allemand qui ferait l'objet, quelques minutes plus tard, d'une récitation écrite. N'oublions pas, enfin, que notre colonne de potaches déambulant dans des rues étroites et sinueuses était parfois longue lorsqu'elle réunissait plusieurs classes. Surveillée par une seule personne, il était facile de s'en échapper. L'exercice consistait à se placer en queue de rangs et, à la faveur d'un angle de rue, à fausser compagnie au reste de la troupe pour faire quelques emplettes. Il s'agissait généralement d'une revue permettant de se faire une idée sur ce qu’il était convenu d’appeler “ une jolie fille ” dans le monde qui existait de l’autre côté du mur. Vite dissimulée dans le sac de sport, elle ferait la joie de nombreux prisonniers, curieux du monde extérieur. La partie n'était véritablement gagnée qu'après avoir rejoint la colonne dans les mêmes conditions, sans se faire repérer.

Réaliser une piste d’entrainement à l’intérieur des murs du collège, c’était nous ôter encore un peu de notre trop rare liberté. Aussi, exécutions nous cette tâche sans enthousiasme, en trainant des pieds et en commettant le plus d’erreurs possibles. Pour nous, perdre du temps, c'était en gagner.

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