Les étapes se font au gré d'écoles hospitalières, d'abbayes ou de monastères franciscains, et à défaut, on plante le camp en pleine nature, à l'ombre des pins. Toutefois cette dernière solution est à éviter le plus possible, car la troupe s'affronte aux gardes civils qui réclament le permis de camper. Quel permis de camper ? Et lorsqu'on a enfin le permis de camper, retiré à la gendarmerie, il reste le problème des moustiques, le problème de l'eau suspecte, le problème des cochons noirs en liberté, le problème des orages qui éclatent au milieu de la nuit. Enfin, il reste quelques problèmes. Mais quelle saveur aurait donc ces vacances s'il n'y avait pas tous ces problèmes ?

Les journées sont tellement riches en événements qu'il est décidé à l'unanimité de tenir un journal de bord.

Le pion interrompit son récit en brandissant au dessus de sa tête une brochure blanche à la couverture glacée, d'une soixantaine de pages. Nous étions tous subjugués. Ainsi, il avait prévu qu'il nous raconterait une histoire ? Cela était peu vraisemblable. Ce n'était pas lui qui avait mis le feu au collège, par hasard !

- Je vais vous lire quelques phrases prises au hasard devant vos yeux. Ainsi, vous pourrez constater que je n'invente rien, dit-il.

"Il s'agit de rejoindre à l'est, dans la montagne, le monastère de Lluch, sis à 520 mètres d'altitude, mais en passant par un col de 1000 mètres. Six heures de marche pour les piétons qui, par les sentiers, arriveront bon premiers, mais à quel prix... Les cyclistes, eux, vont prendre la route dite américaine, aux lacets immenses et interminables, qui contourne par la droite le Puyg Major (1445 m) inaccessible depuis que les américains y ont aménagé une base de radar.

Dès le bas de la côte le petit job's s'avoue forfait. Malaise, vomissements... Qu'a-t-il mangé ou bu la veille ? Le peloton s'étire désespérément. Les vespas font des navettes miséricordieuses et charrient malades, sacs et fourniment. Après le grand tunnel où la route culmine, descente par des chemins souvent impossibles : incidents mécaniques, porte-bagages en déroute, équipes désarticulées, brouillard déprimant, paysage de rochers chaotiques impressionnent les garçons au point que Marmotte s'endort sur son guidon.... Mais le repas, le chapelet en espagnol entrecoupé de chants de qualité, et une bonne nuit en dortoir nous remettent en forme."

Alors là, je dis bravo. Quelle santé les gars ! Quel moral ! Quelles magnifiques vacances ! Au moins, le chapelet en espagnole a tout de même quelque chose de dépaysant.