Migration au milieu de la nuit

2 minutes de lecture

L'incendie avait pris des proportions inimaginables.

Le vent attisait un feu qui se nourrissait de bonnes poutres bien sèches et de tout le  bric à brac  en bois qu'elles abritaient depuis des siècles.  Il le poussait jusqu'à l'extrémité du bâtiment, à tel point que le lycée qui se trouvait de l'autre coté de la rue était sur le qui-vive, dans la crainte de voir ce brasier se propager sur ses propres toitures.

Les flammes claquaient derrière les vitres cassées qui vomissaient de gros nuages de fumée noire. De longues gerbes d'étincelles zébraient le ciel de leurs sinistres étoiles filantes. Les pompiers des casernes avoisinantes arrivaient en renfort dans la cour d'honneur du collège, car les températures exceptionnelles de cette nuit là créait des difficultés inattendues. Soudés à leurs échelles par l'eau de leurs lances que le vent glacial gelait instantanément, ces courageux soldats du feu étaient aveuglés par d'épaisses nuées, farcies d'étincelles, qui s'abattaient sur eux au gré des bourrasques sibériennes. Vingt degrés en dessous de zéro les avaient transformés en statuts de glace. Leur efficacité était amoindrie. L'un d'eux, le visage noirci et les cheveux roussis, cherchait en vain à descendre.

Nous en avions déjà trop vu et nous ne verrions pas la suite. L'heure était inhabituelle. Je veux dire que les soirs sans incendie, nous étions couchés depuis longtemps. On nous rassembla, donc, pour nous conduire dans un dortoir. Le nôtre risquant de brûler d'un instant à l'autre, il avait fallu en trouver un autre sous les toits de la ville, et nous partîmes, en rangs par deux. Spectacle étrange que ces potaches déambulant dans les rues glacées au milieu de la nuit...

La colonne s'immobilisa  devant l'établissement qui devait nous accueillir, et l'attente commença.

Bien que la sonnette en ait été actionnée plusieurs fois, rien ne bougeait dans cette bâtisse. Le pion en soutane, qui nous avait conduit, frappa du poing sur la lourde porte en chêne (Les lourdes portes sont toujours en chêne). Son insistance et ses appels  finirent par réveiller un concierge bougon qui daigna montrer le bout de son nez à travers un judas placé à cet effet au milieu de la lourde porte en chêne. Apercevant de son oeil torve une cohorte de zombies devant sa porte (lourde et en chêne), il pensa immédiatement à une plaisanterie, prononça quelques mots de mécontentement, et retourna se coucher.

L'attente continua devant la lourde porte, car où il y a du chêne, il n'y a pas de plaisir.

A ces mots, le corbeau ne se sent plus de froid, ouvre un large bec, laisse tomber son effroi. Il y met tout son coeur, laisse parler sa douleur. Il articule si bien sa façon de penser, en y mettant les pleins et les déliés, que le cerbère en colère doit se relever. Il se met alors à déraisonner dans un français approximatif, qui, audiblement, n'est pas sa langue natale. Cela dure d'interminables minutes polaires, et, c'est bien connu, là où il y a des indigènes il n'y a pas de plaisir.

Nous commençons à nous faire une idée de l'éternité lorsqu'enfin il se laissa convaincre de déranger son directeur. La pneumonie collective nous guette quand la lourde porte en chêne s'ébranle.

Annotations

Vous aimez lire Oncle Dan ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0