Jean-Claude

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Notre Seigneur, dans son infinie sagesse et sa grande bonté, avait posé son regard ce soir là sur l'étudiant Jean-Claude et l'avait choisi, parmi tous, pour qu'il participe activement à l'édification de la Sainte Eglise Catholique. Il avait chargé cette âme humble et généreuse de tourner une page du livre d'histoire des jésuites dans leur mission d'éducateur. Jean-Claude était le troisième fils d'une famille de six enfants dont le père était cultivateur sur les hauts plateaux du Jura, ou les plateaux du Haut Jura, si vous préférez, mais cela n'a pas d'importance.

Bon élève, travailleur et appliqué, il ne devait qu'à sa persévérance et à une bourse d'être là à préparer une licence d'allemand. Toutefois, cette bourse n'était que départementale et ne lui permettait pas de vivre, mais cela ne l'étonnait pas outre mesure puisque, pour lui comme pour les autres, c'était la bourse ou la vie. Les fonctions de pion qu'il occupait dans ce collège de jésuites lui offraient donc la vie en plus, puisqu'il était logé et nourri.

Nourri ? Le lecteur attentif trouvera certainement le mot exagéré et prétentieux. Logé ? Oui, mais dans quelles conditions et pour combien de temps encore ? Il disposait, sous les combles, d'une minuscule pièce mansardée, juste assez grande pour contenir son lit, une table de travail et une penderie dont le rideau effrangé dissimulait à demi une valise en carton et quelques vêtements. Livres et cahiers, documents, traductions et polycopiés débordaient des étagères fixées au mur, recouvraient le lit et jonchaient le sol. Ici, l'été, c'était l'enfer. Et le reste du temps, un petit poêle rond à sciure luttait péniblement contre les températures sibériennes de ce réduit visité sans façon par les vents du nord qui le narguaient en sifflotant.

Ah, les vents du nord! Que n'évoquent'ils pas dans nos esprits éventés? Enrico Macias, peut-être? Mais passons. Pour l'instant, ils s'appliquaient à faire de cette nuit de janvier au ciel pur et sans nuage, la plus froide de l'année. Sans vouloir déflorer le sujet mais au risque de casser le suspens, autant vous dire tout de suite qu'ils y parviendront, chassant le mercure au fin fond des thermomètres.

Le sport cérébral que Jean-Claude pratiquait assidûment au milieu de son fatras de papiers ne le réchauffait que d'une manière très relative. Cette relativité le poussa à pousser le poêle poussif. Ce sans souci lui servit un sceau supplémentaire de sciure sèche. Ceci me conduit à vous dire (sèchement) : Y aurait fallu voir à pas pousser cet instrument de mauvais poil.

Enfin, un peu de psychologie, que diantre ! Il était rouge de colère, le sanguin. Il fumait déjà à l'idée de ne réchauffer que sa proximité immédiate. S'il se fachait pour de bon, y allait avoir des étincelles ! Et puis, le gaver de la sorte, était-ce bien raisonnable ?

N'y tenant plus, au bord de l'apoplexie ou de l'indigestion, il péta un coup, histoire de se soulager. Oh, pas bien fort, discrètement, pour ne déranger personne. Juste pour faire un peu de place, pour faire descendre la sciure. Juste quelques petites étincelles. C'est bien connu, ceux qui ne font pas de bruit sont les plus redoutables... Lorsque celui-ci parvint aux narines de Jean-Claude, c'était déjà trop tard... 

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