Une questure était un petit cabanon de fortune et sans fortune construit à l'angle d'une cour de récréation, percé d'une porte (ça aide) et d'une fenêtre par laquelle se tenait un commerce de friandises à la récrée de 16 h 30. Mes lecteurs persévérants auront compris que cette récrée était celle du goûter.

Malgré une mémoire d'attrape-mouches, je suis en mesure de vous dresser la liste exhaustive des denrées distribuées par nos questeurs, à savoir des barres de pâte de fruit et des barres de chocolat "Poulain" sur l'emballage desquelles était imprimé un chèque Tintin. Si vous étiez pris d'un besoin de nouveauté, il valait mieux compter sur vos réserves personnelles. Le chocolat "Poulain" avait ses fidèles sans que l'on sache précisément ce qui, du chocolat ou du chèque Tintin les motivait le plus. Certes, pour obtenir une image de Tintin, il fallait environ une centaine de chèques Tintin et quelques crises de foie, mais nous comptions parmi nos rangs un certain nombre de  Tintinophiles prêts à soudoyer le questeur pour obtenir ces précieuses petites vignettes.

Le questeur, choisi pour la confiance qu'il inspirait à nos surveillants, était, comme son nom l'indique, chargé de la questure et de la gestion des deniers publics. Naturellement, il était aussi vénal que ces ancêtres de l'antiquité que nous rencontrions au détour de nos versions latines.

Nous faisions l'acquisition de ces merveilleuses gourmandises au moyen de l'argent de poche que nous donnaient nos parents, et que le règlement limitait à ... 1 (nouveau) franc par semaine (quinze centimes d'euro). Il est vrai que la barre n'était pas bien haute ! 20 centimes pour une pâte de fruit ou quatre carrés de chocolat !

Les pièces de vingt centimes additionnées les unes aux autres pouvaient cependant se transformer en véritable trésor. Il était soigneusement gardé dans une petite boite en fer à la serrure symbolique.