Vous n'êtes encore qu'un Bulgare

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Après cinq ans, vous n'êtes encore qu'un Bulgare. Le Bulgare, c'est bien connu (en Bulgarie), dit "non" en secouant la tête de bas en haut...

Comme nous étions pressés par les événements et que les nécessités quotidiennes nous mettaient de façon quasi-permanente dans l'obligation de tester notre capacité de résistance, la prudence nous faisait opter pour le silence. La nature m'avait gratifié de prédispositions pour cela.

Il n'y a guère que les Saints qui trouvent grâce aux yeux des jésuites. Le bon élève discipliné est déjà suspect, et de toutes façons contraint de se surpasser jusqu'à l'usure par une constante émulation.

Dans ces conditions, il est inutile de parler du cancre indiscipliné. Marginalisé par l'examen d'entrée qu'il n'a réussi que grâce à ses pompes, il marche à côté. Dans le meilleur des cas, c'est à dire lorsque ses parents sont fortunés et généreux, il restera deux années au collège, tout au plus.

Tandis que le tableau d'honneur indemnise le bon élève de l'acharnement dont il fait l'objet, le cancre indélébile s'installe dans une relative tranquillité que ne viennent troubler que quelques incidents sans surprise qu'il pourrait qualifier de risques calculés.

Les véritables souffrances sont pour l'entre-deux. J'en faisais naturellement partie ainsi que la majorité de mes compagnons de combat. Nous vivions dans un état d'alerte permanente dont nous n'attendions aucune compensation, au rythme du bulletin de notes, suspendu au dessus de notre unique sortie mensuelle comme une épée de Damoclès.

Bien que l'éventail des notes allait de 0 à 20, seul barème agréé par le Ministère de l'éducation National, nos leçons et devoirs étaient notés exclusivement de 0 à 17 en vertu d'un raisonnement irréfutable qui résistait à toutes les analyses critiques de nos esprits influençables, et que je vous livre ici dans son évangélique simplicité:

1 - La note 20 traduit la perfection.

2 - La perfection n'est pas de ce monde, mais divine.  

3 - En conséquence, la note 20 ne peut être que la note du Bon Dieu et ce serait un gigantesque péché d'orgueil que de prétendre la mériter.

Cette logique devait nous faire renoncer également au 19, réservé aux Saints du Paradis.

Le 18 nous ramenait sur terre, mais il nous fallait abandonner cette note aux professeurs dont nous n'étions et ne resterions jamais que les modestes élèves.

Dès lors, une copie sans faute, bien écrite, et parfaitement présentée, ne pouvait être couronnée que par un 17. Cela était admis, et nous n'étions pas autrement surpris que les zéros qui nous étaient si largement distribués ne fussent pas, dans le même ordre d'idées, réservés à Satan et ses suppôts, n'étant pas certains de ne pas en faire partie.

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