Un sourcil qui se fronce, un regard qui s'inquiète, une bouche qui se contracte sont autant de micro-expressions plus porteuses de significations et d'émotions fugitives qu'un discours. Le corps est plus difficile à censurer que la parole. Quand la bouche dit "oui", le regard dit "peut-être" et cette information non-verbale, consciente ou inconsciente, intentionnelle ou non, ne peut être annulée par les mots. Outre le grec et le latin, le Jésuite sait lire le langage du corps et sait aussi qu'il faut beaucoup de talent pour faire un geste que l'on ne sent pas.

Cinq à six ans d'entraînement parsemés de nombreux échecs se traduisent (en thème comme en version) par quelques résultats encourageants malgré tout: le visage se compose, les gestes se calculent et le regard même, chez les plus doués, peut duper !

Les yeux sont le miroir de l'âme et mentir avec son regard exige beaucoup de concentration. Faire illusion en ce domaine ne peut être que l'apanage d'un professionnel, mais ne voulant pas décourager de nouvelles vocations jésuites, je dirai pour les non-initiés qu'il existe deux techniques de base.

La première est celle de la soumission, relativement aisée à mettre en œuvre et fréquemment utilisée car l'autorité du Jésuite lui fait dire souvent "Baisse les yeux quand je te parle !". La seconde, déjà plus élaborée, dite de "non-implication", consiste à avoir le regard terne, vide (ou dans le vide) pour traduire à l'évidence que les reproches qui sont énoncés ne sauraient vous être adressés et concernent certainement vos petits camarades.

Alors, me direz-vous, cinq ans ne sont pas si longs pour obtenir des résultats à peu près satisfaisants dans l'exercice d'un art aussi consommé !

Et la VOIX ! Avez-vous pensé à la voix ? Même si vous avez dix sur dix pour le reste, la voix ne trompe jamais. JAMAIS!

Enfin, presque... mais il faut compter cinq ans de plus,... et c'est un minimum. N'oublions pas que les jésuites ont pratiqué quinze ans avant d'être jésuites.