Impossible n'est pas Jésuite
Nous étions suivis et tenus. A défaut, nous étions retenus. Avez-vous déjà essayé de suivre quelqu'un et de le tenir en même temps ? Cela paraît impossible. Pas pour un Jésuite. Impossible n'est pas jésuite.
Il y avait de quoi se trouver mal à l'aise devant ce "Père profès", nu sous sa soutane noire (On a jamais vraiment vérifié), et dont les ancêtres avaient converti les indiens, des rives de l'Ashuapmushuan, dans le nord canadien, là où l'on guette l'orignal, jusqu'au fond de la forêt tropicale paraguayenne. On pouvait se dire qu'ils en avaient vu d'autres, et de plus féroces.
Que pouvions-nous faire, nous autres, pauvres innocents qui chantions encore "A la claire fontaine" ? Face à tant de scolasticat, nous étions plutôt chocolat. La faiblesse de notre esprit et l'incertitude de notre règle morale ne pouvaient qu'inspirer la sévérité à ces âmes rugueuses, déterminées et persuadées que nous étions constamment la proie du Diable. Elles nous jugeaient, par conséquent, capables de graves méfaits et d'inexpiables péchés.
Certes, nous étions traités avec énormément de sérieux, mais aurions préféré un peu plus de décontraction, tant la discipline qu'il nous fallait subir pour en payer le prix était rigoureuse.
Cependant, nous ne vivions pas dans la crainte de châtiments corporels. Le jésuite ne fait pas dans l'éducation anglaise, et la fessée n'a pas cours chez lui. D'ailleurs, voir un cul est déjà un péché. Non, le danger, pour nous, était beaucoup plus sournois.
En parfait missionnaire qu'il est, le Père jésuite évolue dans sa "tribu" de collégiens comme jadis ses aînés parmi les Hurons ou les Mocobies. Il sait depuis des siècles, et presque spontanément, se faire barbare avec les barbares. Son autorité a toujours dérivé de la confiance qu'il secrète de la façon la plus naturelle, comme une araignée, sa toile.
Annotations