Le couloir vert

Une minute de lecture

Je n'ai jamais fait partie des "lève-tôt", préférant jouir des ultimes minutes de l'hospitalité d'un lit dont je ne m'extirpais péniblement que par crainte du pion. Il m'arrivait cependant de m'offrir ce luxe de piété, simplement pour le plaisir de rompre le rythme quotidien en échappant, ne serait ce qu'une demie heure, aux habitudes et horaires collectifs.

Ces héliaques randonnées permettaient, en outre, d'éviter le supplice du jet d'eau glacé et d'évoluer seul dans des bâtiments silencieux où l'on ne se déplaçait habituellement qu'en colonnes par deux. Le meilleur moment, durant cette traversée du désert, était le "couloir vert". Longeant une douzaine de salles de classes du premier étage qui reliaient les deux bâtiments latéraux du collège, et éclairé par un grand nombre de très hautes fenêtres, il était à la fois notre galerie des glaces et notre piste de vitesse. Toutefois, nous l'appelions ainsi, car il faut bien l'avouer, et je vous prie de bien vouloir m'en excuser par avance, il était vert.

Les plus sportifs ont parcouru ses soixante mètres en sept secondes huit dixièmes, sans crampons. Je ne me défendais pas mal à la course. Un jour pourtant, je fus doublé par un missel qui me passa entre les jambes. Il avait été lancé par un concurrent vexé, à la façon d'une boule dans un jeu de quilles. Yves, qui venait de perdre son pari, était maigre et petit, une brosse posée sur des yeux rieurs encore tout éblouis par un soleil contemplé au travers d'une passoire.

Bien que furtif, ce sentiment d'indépendance et de liberté valait bien l'ennui d'une messe intégrale.

C'est en effet l'ennui qui dominait pendant ces offices, dont le scénario immuable ne réservait guère de surprises. Au surplus, je ne me suis jamais demandé ce que voulaient dire les prières, lues dans le missel comme des formules impénétrables et opaques. Bien qu'étudiant le latin, je n'ai jamais eu la curiosité de les traduire. Mon allergie des langues mortes conjuguée à mon absence quasi totale de vocabulaire m'ôtaient toute envie de traduction.

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