Rentrée scolaire

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Puis vint le jour de l'examen de sélection. Nous étions bien une trentaine à transpirer dans une petite salle de classe inondée par un impitoyable soleil. Petit Dan, il était encore temps pour toi de montrer que l'examen que tu allais passer était véritablement éliminatoire. La fuite aurait été élégante, et serait passée inaperçue.

Hélas, pas tant que cela !

Comment faire avec ce professeur souriant et bonhomme, qui se démontait la mâchoire en articulant sa dictée, pour vous éviter les écueils de l'orthographe: " les hirondelllles sur le     toi-t..."

Ne pas comprendre pouvait vous faire passer pour un demeuré, un imbécile profond, vous valoir une dépréciation sans appel pour le restant de votre exis­tence...

oOo

Je n'oublierai jamais ma première rentrée scolaire au collège.

Pour les internes, elle se faisait naturellement la veille de la rentrée officielle.

L'installation d'un interne consistait essentiellement à préparer son lit et à ranger ses vêtements, marqués à son chiffre, à la lingerie et au dortoir.

Quelques pions et potaches musclés des classes terminales ho-hissaient valises et cantines au sommet de l'escalier monumental qui menait aux dortoirs. L'ascension des malles aux étages supérieurs dans un établissement qui ne connaissait que l'ascension du Christ, avait de quoi traumatiser Otis et Westinghouse.

La méthode utilisée était celle de l'assuré social désirant monter des briques sur son toit. C'est dire combien l'opération était risquée pour les briques et la Sécurité Sociale. Elle était réalisée au moyen d'une poulie, d'une corde, et d'une palette en bois sur laquelle étaient disposés les bagages.

L'arrimage de ceux-ci exigeait un soin tout  particulier, pour que le précieux chargement ne se renverse pas sur les gens du bas, et que son poids n'attire pas trop vite, au rez-de-chaussée, les gens du haut.

Les gens du bas devaient, par conséquent, avoir le sens de l'équilibre et éviter l'excès pondéral. Les gens du haut devaient avoir de gros bras, et se méfier de l'excès pondéral.

Autant vous dire tout de suite que je n'avais aucune chance de faire partie des gens du haut.

Il suffisait de suivre ses valises pour trouver les dortoirs qui occupaient le poulailler du bâtiment central. Quatre rangées de lits, séparés par leurs tables de chevet en bois blanc, s'alignaient parfaitement sous les immenses poutres du toit.

Les privilégiés disposaient d'un lit dans une alcôve, mais devaient payer le prix de cette intimité supplémentaire en se cognant la tête chaque fois qu'ils se couchaient.

La penderie était collective, et les lavabos étaient avantageusement remplacés par une auge inclinée, que longeait un tuyau, percé à intervalles réguliers de petits robinets d'arrosage. L'eau glacée remplaçait l'eau froide et l'eau chaude, et coulait, soit en un jet minuscule et nerveux qui vous griffait la peau, soit au goutte à goutte, ou pas du tout, selon l'extrémité du tuyau sollicitée et la fréquentation des lieux.

Il fallait être habitué aux randonnées de scouts, et avoir un sens aigu de la propreté pour prolonger les ablutions matinales.

Tout ici était spartiate, sauf les WC qui étaient turcs et où on allait plus par besoin que par envie, tant ils évoquaient la campagne automnale au moment de l'épandage fertiliseur.

Quel dépaysement ! Seigneur, faites que je me réveille !

En se poursuivant, ce cauchemar..., pardon, cette visite en terre sainte ne me fit découvrir que des salles empreintes d'une austérité ascétique. Cette règle de pauvreté souffrait cependant quelques entorses, comme toute règle qui se respecte. Le paradoxe trouvait certainement son apogée avec la piscine, de dimensions respectables (et respectées), qui fut longtemps la seule de tout le canton. Mais l'exception la plus courante était l'incroyable quantité de pianos, qui conférait à ce prestigieux instrument une banalité déconcertante en ces lieux.

N'en parlons plus. Mon père n'acceptera jamais que son fils soit distrait de ses études par Chopin ou Mozart, et alors qu'il lui était possible de faire ses gammes dans la première salle de classe venue, sous la direction du deuxième organiste de France, il devra remiser son rêve au troisième sous-sol de ses espérances déçues.

 

 

 

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