Chapitre 1 : Zéphyr

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Cogne, cogne, cogne… Avance coup après coup, vers la victoire.

Déchaîne ta haine, exhorte ta souffrance.

Je suis dans une des pièces qui permet au fighter de se concentrer. Je passe mes mains dans ma tignasse brune hirsute avant de l’attacher. Je préfère combattre sans être dérangé par la moindre mèche. J’essuie mon nez recouvert d’un peu de poudre blanche. Bande ensuite mes poings, je tente de me concentrer. L’adrénaline, la tension, la pression que provoque le fight me donne envie de baiser. Des flammes lèchent doucement mes reins, me murmurent secrètement d’assouvir leurs besoins. Mais il n’y a personne. Pas de proie à capturer entre mes serres. Aucun pantin susceptible de céder à mes avances, à mon désir.

Ce n’est pas grave, je relâcherai tout cela sur mon adversaire. J’étire ma nuque, tentant de relâcher les muscles noués comme jamais par le besoin, le manque. Ça va être une boucherie, je sens que mon côté sombre demande du sang et n‘attend qu’un seul coup pour émerger. Un besoin de violence.

J’entends au loin les cris de la foule, cette masse assoiffée. Demandant toujours plus de brutalité, de folie. Les combats illégaux ne sont pas comme dans les stadium habituels. Ici, tous les coups sont permis, excepté les armes blanches. Le danger règne entre les grilles de l’Ultimate, et gagner peut devenir vital. Ces combats me permettent d’extérioriser ma colère, relâcher la haine que je cadenasse. Et je me bats à l’intérieur comme je devrais me battre face à la vie. Cette chienne de vie.

C’est salvateur, addictif.

Satisfaire mes addictions au quotidien demeure un de mes passe-temps favoris. Tout est prétexte à consommer. J’apprécie obtenir cette montée d’adrénaline que me procure la violence, ou bien cette évasion que peuvent me procurer certaines drogues. Et cela au rythme de mes envies.

Je me lève lentement de ma chaise miteuse et fais rouler les muscles de mes épaules, me dirigeant vers le couloir qui mène à l’arène. Ici, entre ces murs, je me transforme. Je deviens une personne beaucoup plus sombre.

Je deviens Madness, le dément.

J’avance pas à pas dans l’allée et les personnes dans la foule scandent mon nom, hurlent leurs intérêts pour ma folie. Pour ma démence. J’esquisse un sourire.

Je ne suis pas le plus musclé de cet underground, ni le plus fort. Mais je suis le plus sauvage, le plus brutal, et je perds souvent le contrôle. C’est de là qu’est né Madness.

Rapidement la lumière atteint mes rétines, dilatées du rail que je me suis fait un instant plus tôt. Je pénètre dans la cage, la tension monte. Mon adversaire arrive ; il est grand, puissant, ses muscles sont gonflés à bloc contrairement aux miens qui sont secs et noueux. Il me fait penser à Hulk. Le regard qu’il porte sur moi ressemble à du dédain.

Aaah, que j’ai hâte qu’il me porte le premier coup.

Ma bête trépigne d’impatience.

Nous nous confrontons, face à face,

Nos tailles sont similaires, mais ce mec fait le double de moi en carrure. Peu m’importe, la victoire n’en sera que plus savoureuse. Je le regarde dans les yeux, le fixant avec intensité. L’arbitre nous demande de nous éloigner un peu l’un de l’autre, afin de pouvoir commencer. Je remarque un mec me mater avec gourmandise dans le public et lui adresse mon plus beau sourire aguicheur.

Tout à fait mon style.

Il faut que je pense à relâcher la tension qui a envahi mes couilles, en fin de combat ce sera parfait. Je souris, tel un fou. J’inspire profondément, la cloche sonne et c’est le début de la danse.

Une danse violente et dangereuse qui m’exalte.

Monsieur Hulk fonce sur moi, sans sommation. Je joue un peu avec lui, me languis de l’agacer et savoure son énervement. Avec aisance, j’esquive les coups de cette masse musclée. Ce mec est un bloc de nerfs sans cervelle, il ne réfléchit pas et fonce tête baissée. Comme c’est dommage, le combat ne sera pas intéressant. Je suis déçu.

Je m’ennuie et décide de lui accorder le droit de m’atteindre. En faisant cela, il ne se doute pas qu’il signe la fin du combat. Je relâche ma garde volontairement et, très vite, un coup puissant atterrit sur ma pommette droite. Écorchant ma peau, la faisant saigner. La douleur envahit mon visage, déconnecte mon esprit, mais réveil le monstre en moi.

Je me mets à rire, un rire dément, exaltant.

Hulk me regarde, sidéré par mon comportement, juste avant de prendre peur devant la scène que je lui offre. Mes doigts montent au niveau de ma blessure, qui saigne abondamment. Le liquide coule sur leurs sommets. Je les mène droit à ma langue, afin d’en lécher la substance. Le goût de mon hémoglobine envahit mes papilles et plus aucun son ne pénètre mon esprit. Un silence angoissant, des souvenirs et des sensations inondent mon cerveau.

Le déclic enclenche ma violence, ma haine et ma souffrance. Mon esprit disjoncte, perdant conscience de la réalité. Mon cerveau crack, crack, craque. Je ne vois plus ce qu’il se passe, ne contrôle plus mon corps. Tout ce que je désir, c’est expulser ce mal qui me ronge.

On me tire en arrière, ce qui me sort de ma transe. Je vois mes poings s’abattre sur une masse sanguinolente. Mes mouvements ralentissent peu à peu, a mesure que ma conscience resurgit. Monsieur muscle est sûrement inconscient depuis longtemps, ou mort, qui sait ? Peu m’importe.

Lorsque plus tôt, son poing a atteint mon visage, ma haine en a profité pour se répandre en même temps que mon hémoglobine.

Libérant le monstre de sa prison.

On me tire plus fermement en arrière tandis que je sens monter dans ma poitrine un éclat de rire. Il est incontrôlable et secoue avec violence ma cage thoracique. C’est tellement jouissif, exutoire.

Je relâche à chaque combat ce que j’ai enfoui en moi, libérant la violence que l’on m’a infligée durant tant d’années. Je me débats, leur demande de me lâcher et de ne plus poser leurs mains sur moi.

Je déteste que l’on me touche sans que je l’autorise. Cela fait ressurgir en moi des ombres lugubres. Des sensations malsaines et douloureuses.

Leurs mains me quittent et je m’éloigne sans un regard de plus pour l’homme à terre. Mon regard croise à nouveau celui de l’homme croisé plus tôt, encore plus chargé de désirs. Il m’observe avec intensité. Ses joues sont légèrement rosées, il a aimé ce qu’il a vu. Je lui fais un signe de tête afin qu’il me rejoindre plus loin. L’invite dans une nouvelle danse, plus charnelle, moins destructrice, mais toujours brutale et intense. Tel est mon credo.

Je suis dans mon vestiaire quand des coups résonnent dans la pièce. Il est là, pénétrant ma grotte. Il est assez fin, propre sur lui. Il me regarde et une pointe de peur se cache dans ses yeux verts. La chaleur irradiant de mon corps me brûle la peau, du sang séché coagule la plaie sur ma joue, les bandages de mes poings sont maculés d’hémoglobine.

La violence, la brutalité, la sauvagerie, sort de tous mes pores. Je comprends donc sa peur, mais elle me déçoit. Les dernières traces du monstre en moi sont prêtes à se jeter sur l’homme, qui se trouve adossé sur porte fermée de mon antre.

J’avance lentement vers lui, laissant la tension sexuelle monter en puissance. Elle s’accumule entre nous, brûle mes reins, serre mon bas-ventre. Je plaque mes deux mains contre la porte, encadrant son visage. Il tressaille, n’ose pas me regarder dans les yeux. Un second point négatif, la biche perd de sa fougue. Il fait moins le fier. Il voulait la bête et maintenant que je suis devant lui, il tremble d’une peur qui se mêle à de l’envie.

— Dis-moi, petite biche, Serais-tu effrayé par le monstre, finalement ? Susurrais-je à son oreille avec sensualité.

Il tressaille, des frissons parcourant sa peau, mais il répond tout de même par la négative.

Il désire toujours être ici.

Mon nez frôle sa mâchoire, ma langue effleure ses lèvres. Mon érection est déjà bien avancée, mais cette biche effarouchée ne pourra pas me combler. J’aime qu’il y ait du répondant dans mes ébats. On se contentera donc de préliminaire, il m’aidera uniquement à évacuer cette érection beaucoup trop gênante.

Il semble le comprendre, me regardant timidement, et descend peu à peu jusqu’à mon vers mes hanches. Il dégrafe le short en jean décontracté que je porte, le bouton saute, la fermeture suit. Il attrape mon érection dans sa main et la branle avec fermeté, mais j’ai besoin de plus, toujours plus.

— Plus fort.

Il ressert sa poigne, le bout de sa langue effleure mon membre. C’est trop doux, pas assez sauvage. J’attrape sa tête et enfonce mon membre entre ses lèvres brûlantes. C’est bon. Tellement bon. J’accélère mes allées et venues, contrôlant le rythme pour mon plaisir. Il s’étouffe un peu sur mon membre, mais ne semble pas détester cela. Il gémit autour de ma queue, accentue la succion. Plus que quelques va-et-vient et ce sera la délivrance, la libération. Je sens monter en moi la jouissance, elle serre mes reins, contracte mes bourses. Je maintiens sa tête et éjacule au fond de sa gorge en un gémissement rauque et léger.

Je relâche ma prise sur son crâne et m’éloigne de lui, ignorant ses besoins, me fichant de ses envies. Seules les miennes comptent. Elles dominent tout dans ce monde. C’est ainsi que j’ai décidé de vivre, de me reconstruire.

Il manifeste son mécontentement par un regard mauvais, mais je n’en ai que faire. Je me dirige vers la douche afin de me laver de toute la crasse qui s’étale sur mon corps, mon être. J’entends dans mon dos la porte claquer avec vigueur, ainsi qu’une insulte à mon encontre bien méritée.

J’ôte mes vêtements, me retrouvant entièrement nu. Sous le jet d’eau glacé, le monstre satisfait se tapisse à nouveau dans mon esprit pour laisser place à d’autres vices, pulsions et envies.

Et actuellement, celle qui pulse le plus est l’envie de faire la fête.

Je sors de cette purification gelée et m’habille avec des vêtements propres. Un treillis, des rangers et un sweat à l’effigie d’un de mes groupes de rock préférés.

Chose faite, je me dirige tout exciter vers la sortie. Je dois récupérer l’argent que j’ai gagné grâce au combat. Impatient de l’avoir en poche et de pouvoir me faire plaisir. Le patron, Angus Banner, m’attend dans son bureau, proche de la sortie du bâtiment.

Ce mec est répugnant. Toujours sale, puant et un brin pervers, je le soupçonne d’avoir des penchants bien vicieux.

Lorsque je rentre dans son bureau, il y a un jeune homme à peine majeur à ses côtés qui semble effrayé. Ce dernier jette frénétiquement des regards angoissés vers le boss de l’Underground, comme s’il s’apprêtait à fuir à la moindre ouverture. Une colère sourde monte en moi, je connais ce regard et me revois dans cet adolescent. Et c’est insupportable pour moi.

Je fais tout pour oublier, effacer cette faiblesse.

Un regard et je bascule de nouveau.

Chienne de vie.

Je m’avance vers le bureau. Fuyant ces yeux qui me fixent avidement. Banner, lui, les a fixés sur l’argent qu’il compte.

— Madness, beau combat ! J’ai encore rapporté gros grâce à toi ce soir. Voilà ta part, me dit-il avec un regard carnassier.

Je hoche la tête, la gorge nouée par la colère qui m’étreint. Des mots menacent de sortir, mais serait-il judicieux que je les prononce ? Et lorsque je me rends compte de ma réticence, je me souviens de mon mantra : je fais ce qu’il me plaît, comme il me plaît. Je plonge donc mes yeux dans ceux du jeune homme.

— Tu veux venir avec moi, petit ?

Il me regarde surpris par ma question, il devait s’attendre à ce que je tourne les talons sans intervenir.

— De quoi te mêles-tu Mad ? Ce garçon a des choses à régler avec moi. Il a une dette à s’acquitter, s’empresse de répliquer Banner.

Des frissons parcourent mon corps, la bête vibre de nouveau. Et sans pouvoir me contrôler, je prononce :

— Combien ?

Banner me regarde, ne comprenant pas ma question.

— Combien quoi ? me répondit-il, un peu agressif.

— Sa dette, combien ? Prononce-je d’une voix grave et menaçante.

Il semble dérouté, très insatisfait que je me mêle de ce qui ne me regarde pas. Mais mon gars, soit sûr que je ne vais laisser passer cela. Ça, je peux te l’assurer.

— Huit cents dollars, riposte-il les dents serrées, devinant déjà ce que je vais faire.

Je mate l’enveloppe d’argent que j’ai dans la main, contenant ce que j’ai gagné suite au combat.

Mille dollars.

Elle se froisse entre mes doigts, mais avant que je réfléchisse trop, j’en saisis les billets, pose la thune sur le bureau de Banner et tourne les talons, sans un regard de plus.

Je dévale les escaliers qui me mènent vers la sortie, mais j’entends des pas pressés dans mon dos, me suivant.

— Monsieur, attendez, monsieur ?! me hèle la voix du jeune homme résonnant dans les couloirs sinistres de l’underground.

Je me retourne, lui faisant face. Il est plus petit que moi, plus maigre et chétif, mais me regarde avec détermination.

— Je ne peux pas accepter ! Je vous rembourserai !

Je le fixe avec intensité, ne prononçant pas un mot.

— Je… je... vous paierai !

Je l’observe en silence, comprenant qu’il ne veuille rien devoir à personne. C’est un engrenage qui nous bouffe jusqu’à la moelle. J’acquiesce, et décide de lui filer mon numéro. Je sors un stylo et un vieux bout de papier traînant dans mes poches. Une fois les chiffres écrits, je lui tends ce dernier.

— Quand tu auras réuni assez d’argent, contacte-moi.

Il saisit le bout de feuille, regardant mon écriture peu raffinée. Puis il me regarde de nouveau dans les yeux.

— Je m’y engage.

J’aime le regard que ce petit. Des yeux noisette encore pleins de pureté, une innocence que je n’avais déjà plus depuis longtemps à son âge.

— Eh petit, fais-moi plaisir, ne fricote plus avec un type comme lui. Tu y perdrais beaucoup, crois-moi.

Sur ces mots je tourne les talons avec les deux cents dollars qu’il me reste. Les émotions qui découlent de cette rencontre ne me plaise pas, j’ai décidément vraiment besoin de faire la fête. J’entends au loin un merci qui réchauffe un peu ma carcasse.

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