Chapitre 3 - Alpha ! Vous me recevez ? - Partie 4

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Milo Vard reconsidéra son refus à Nil.

« Dans ce cas de figure, je pense que nous pouvons vous donner l’autorisation de l’ouverture du cube d’armement. »

Sa décision était claire, sans ambiguïté possible. Nil sentit un poids quitter ses épaules. Cependant, la peur diffuse revint à la charge.

« Entendu, nous aurons besoin d’un soutien tactique renforcé à partir du Markind », ajouta Nil.

— Mon équipe travaille sur ce sujet pour vous fournir tout un ensemble de données en temps réel. Vidar prépare actuellement deux sondes aériennes supplémentaires et un robot tactique. Ils seront sur votre position dans trois heures, intervint Fatia.

— Parfait, la moitié de ma décurie sera en chemin pour récupérer les équipements du cube. Nous restons vigilants. Concernant notre rescapé, le géologue Phel se remet bien physiquement. Il semble encore un peu secoué psychologiquement », répondit Nil.

En effet, quelques instants auparavant, Phel avait à peine repris ses esprits. Et l’épisode de la soute lui était vivement revenu en mémoire.

« Les algues… Les algues noires nous ont foncé dessus… à une vitesse prodigieuse. Trabo m’a sauvé la vie… Pauvre Trabo », s’écria Phel. On pouvait lire la frayeur dans ses yeux. Il essaya de regarder en direction de l’horizon noir. Nil s’abaissa à son niveau.

« Nous n’avons trouvé aucune trace de lui. Ce qui peut aussi dire qu’il vit encore, répondit calmement Nil.

— Pourquoi êtes-vous là ? Lekia ou d’autres colons devraient se trouver ici ? Vous devriez être encore sur le Markind, s’étonna Phel en comprenant de suite les événements. Le camp Alpha aussi…, soupira-t-il. Nil intervint aussitôt.

— Oui en effet, le camp Alpha est totalement désert. Aucune trace de combat. Ils se sont évaporés. C’est à n’y rien comprendre. Mais, grâce à vous, nous tenons notre plus beau suspect, répondit Nil toujours sur un ton calme.

Phel sentit ses mains trembler légèrement. Puis, elles se calmèrent. Son esprit devint un peu moins lucide.

— Nous vous donnons quelques substances pour vous aider à passer ce choc. Reposez-vous, » dit le biologiste en apposant sa main sur le bras du blessé.

Nil attendit quelques instants que Phel se rendorme. Il regarda brièvement le biologiste qui s’attelait au réglage de l’appareillage soignant la vilaine blessure de la jambe du colon.

Nil se rapprocha de Mionis Pishard qui scrutait l’Humania à la recherche d’éléments pouvant expliquer l’attaque si subite des algues.

« Des infos ?, demanda Nil incrédule.

— Aucune, c’est une configuration inédite. Qui ne le sera plus pour les générations futures, ajouta Mionis.

— Si ces algues nous en laissent la possibilité », dit Nil en fixant la forêt d’algues noires à l’horizon.

À bord du Markind, Fatia n’avait pas décidé de passer un moment dans l’atelier de Vidar. Mais les récents évènements l’y conduisirent. En temps normal, les membres d’équipage n’étaient pas friands de l’humeur en dents de scie du responsable en robotique et automatismes. À la suite des derniers évènements, elle ne s’attendait pas à un accueil chaleureux de sa part. Au moins, une tolérance toute relative de sa présence dans l’atelier. Le couloir qui y menait, lumineux et aux reflets métalliques, donnait l’impression de plonger au cœur d’un géant d’acier. Cette partie technique du Markind différait des autres espaces de vie. Arrivée à proximité de l’atelier, la paroi laissa apparaître l’intérieur. Son statut, lié à la sécurité, lui permettait d’observer à volonté bon nombre d’endroits du vaisseau mère. Elle pouvait, par transparence, voir Vidar et ses équipes s’affairer autour des deux sondes et de l’imposant robot tactique. Après quelques secondes d’observation, elle pénétra dans la zone de décontamination et revêtit la « seconde peau » nécessaire à la circulation dans l’atelier.

Vidar vint à sa rencontre.

« Fatia, je vous attendais pour l’activation du robot tactique, dit-il d’un ton loin d’être affable.

— Vidar, je ne suis pas d’humeur à supporter votre mauvaise humeur », répondit sèchement Fatia en appuyant la fin de sa phrase.

Il la précéda et fila aussi sec en direction de l’engin militaire. Imposant, même à l’arrêt, une crainte montait en soi rien qu’en le voyant. Ses lignes étaient brutes et pures, comme découpées au rasoir. Il exprimait une certaine beauté. Sa teinte tirait sur le vif-argent, bien que la pigmentation de son revêtement pût changer à chaque instant.

« Vous avez devant vous de quoi annihiler un peu tout et n’importe quoi. Essayons juste de ne pas nous tromper lors de son réveil. Il vaut mieux pour nous d’être de son côté, renchérit Vidar. Il posa la clé d’activation du robot tactique sur un établi, non loin de Fatia.

— Je suis parfaitement au courant des ravages que ce type de tas de ferraille a provoqué sur Ition-g et ce qui lui a valu son surnom », répondit Fatia.

Vidar fit glisser d’un geste rapide la clé vers Fatia. Elle la récupéra avec un seul doigt d’un coup net. La réaction de Vidar n’eut pas l’effet escompté sur elle. Elle resta impassible. Elle savait au fond d’elle que la passion qu’il arborait envers ses machines avait une certaine frontière. Le MART-MKD en avait peut-être franchi une. Bien qu’il soit doté des meilleures avancées techniques, cet engin ne restait qu’une machine de destruction et de désolation. Totalement en contradiction avec la volonté profonde de construire et de concevoir de Vidar.

Le robot tactique demandait une procédure particulière pour être activé. Devant sa dangerosité, Milo Vard avait dans un premier temps refusé son envoi sur le site 4HE. Après d’âpres discussions, Fatia eut raison de sa volonté devant la menace que représentaient les algues.

« À vous de jouer ! Milo a déjà fait sa part du travail », invita Vidar d’un geste de la main en direction du robot tactique.

Elle s’approcha de la masse de métal inerte. Elle marqua une pause. Puis, elle inséra la clé d’activation d’un geste bref.

C’est un mal nécessaire, pensa-t-elle.

Les membres d’équipe de Vidar eurent un bref mouvement de recul quand la machine montra des signes de réveil. Le robot tactique MART-MKD avait troqué son nom de baptême technique pour le surnom de « Gritche ». Il faisait référence au terrible monstre métallique sorti tout droit de l’imagination d’un auteur terrien du XXème siècle, Dan Simmons. Il avait été pensé, conçu et réalisé, comme beaucoup d’inventions humaines, à l’origine, pour servir positivement l’humanité. Il pouvait répondre à toutes les menaces qui mettraient en péril une lignée. Autonome et armé pour répondre aux principaux risques d’attaques possibles. À la suite des terribles évènements qu’avaient suivi la colonisation de la sixième planète du système Ition, les survivants avaient finalement mis hors-service, au prix du sang, les deux robots tactiques en service. Sauvant l’ensemencement et la lignée du Markind 55 Cancri d’une fin prématurée. En premier lieu, il était hors de question de remettre en service ou produire de nouveau ce type de machine. De façon pragmatique, les humains avaient de nouveau produit le MART-MKD. Les mondes inconnus à découvrir poussèrent ces derniers à revoir leur copie. Les nouvelles productions contenaient des contre-mesures multiples. Et la première d’entre elles : aucun humain ne devait subir quelque dommage que ce soit de sa part.

Carol Nian fit un geste de la main en direction du ciel parélien.

On pouvait y voir un point lumineux, suivi de légères traînées blanchâtres, traverser le ciel de Parelas-d. Il brillait par intermittence.

« Le robot tactique est en approche ! », lança-t-elle.

L’impression de sécurité augmenta sensiblement dans l’esprit de Nil. Dans le passé, ce bijou technologique militaire avait pu contraindre plusieurs bataillons humains bien armés et préparés à la déroute ou au mieux à une retraite rapide. Puis, il se ravisa.

Ces algues n’ont rien d’un bataillon humain, il sera vite mis en pièces ou désactivé, pensa-t-il.

« Il est autonome. Il va patrouiller dans nos alentours, dit Carol Nian. On sentait dans le ton de Carol une certaine fascination.

— Du moment, qu’il ne nous prend pas en grippe, dit Nil sur le ton de la plaisanterie.

— Le transporteur de Phel et Trabo est désormais opérationnel, rapporta Carol Nian, sans réagir à l’intervention de Nil.

— Parfait, une fois l’équipe au complet, nous nous dirigerons vers ces algues, dit Nil, dont le regard plongeait au loin.

Le Gritche ne lui inspirait plus aucune crainte. Celle-ci était remplacée par cette menace inconnue qui leur barrait l’horizon.

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