Chapitre 1 - L'aboutissement - Partie 5

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L’image aurait pu rappeler les premières expéditions robotiques spatiales de l’humanité. Le drone roulait à une allure soutenue dans une zone désertique rougeâtre. Les lourds et peu hardis appareils d’exploration que l’humanité avait déposés sur Mars ou sur d’autres objets du système solaire étaient depuis longtemps dépassés. Pourtant, esthétiquement, ils se ressemblaient beaucoup.

Les différents matériels à son bord scrutaient les alentours. L’ensemble des données était transmis en temps réel au vaisseau mère. La nuée réagissait par soubresauts à chaque nouvelle entrée. Rapidement, il rejoignit le camp de base Alpha. Ce dernier semblait totalement abandonné. Comme si les colons s’étaient évaporés. Des outils gisaient là où la personne les tenait avant de disparaître. Milo Vard resta, quelques secondes, interloqué par une clé de serrage restant comme suspendue à une paroi.

Les entrées des tentes des camps de bases étaient grandes ouvertes. Le robot s’approcha de l’une d’entre elles et entra lentement. Il parcourut la première pièce et la balaya de ses différents senseurs. De minuscules drones étaient projetés pour atteindre les moindres recoins. Des affaires de toutes sortes jonchaient le sol, comme si une tempête s’était abattue dans l’habitation. Dans la pièce principale, de vingt–cinq mètres carrés, les chaises étaient renversées, les meubles avaient été comme poussés sur les parois. Les faisceaux optiques du robot balayaient chaque espace de la pièce. Les micro-drones allaient et venaient, rapportant leurs prélèvements pour des analyses plus abouties.

Une fois cette première inspection menée, il se dirigea vers les pièces annexes. La salle d’eau, les chambres, puis les locaux techniques. À chaque fois, le même spectacle se présentait aux capteurs. Aucun signe de présence humaine et un désordre indescriptible.

De nouveau à l’extérieur, les appendices du robot se connectèrent aux composants électroniques de la tente. Le constat était simple. Ils n’étaient plus alimentés en énergie. Mais n’étaient pas endommagés pour autant. Le cas était le même pour chaque habitat du camp de base, et ce, confirmé par le deuxième drone au sol parcourant l’autre extrémité du camp.

Milo Vard se détourna des pupitres, totalement perdu devant les images et données transmises par les sondes envoyées au sol.

« C’est totalement fou, comment plus d’une centaine de personnes peuvent disparaître de cette manière ? Ils se sont volatilisés. 

— À part l’état à l’intérieur des tentes, il n’y a pas de trace de lutte. Surtout pour les colons qui se trouvaient à l’extérieur des habitations, nota Fatia, responsable de la sécurité au sein du vaisseau mère.

—  Pas de corps. C’est troublant, inquiétant. Pourtant, on peut considérer cela comme un point positif, répondit Milo Vard.

—  Un enlèvement ? , s’essaya Fatia.

—  Voyons Fatia, par qui ? Cette planète n’est pas peuplée.» balaya Milo Vard d’un geste de la main.

Les missions de sécurité de la jeune femme avaient été d’un calme olympien pendant le voyage. Quelques rixes entre colons à gérer et des exercices d’évacuation et de sécurité à encadrer. Elle n’était aucunement préparée à enquêter sur la disparition soudaine d’une centurie de colons.

Vidar, qui scrutait son PIM remontant les données des sondes, se joignit à la conversation.

« Les nouvelles sont plutôt rassurantes. L’ensemble des systèmes électroniques n’ont pas été endommagés. Je peux via mes sondes remettre en service d’autres robots de maintenance et relancer quelques éléments. Cependant, le plus dommageable est que l’ensemble du camp de base devra être relancé manuellement et cela pourra prendre du temps. 

— Faites au mieux, Vidar. Vos petits nous ont été d’une grande aide sans lever le mystère pour autant, répondit Milo.

— Le plus inquiétant est de savoir si un événement similaire se produira de nouveau. Je prépare avec mes équipes de nouvelles modifications, si nous sommes de nouveau appelés à redéployer des sondes au sol, ajouta Vidar.

— Je ne doute pas de votre ingéniosité et de la qualité de vos équipes. Mais je pense qu’une intervention humaine au sol sera incontournable. Tenez-moi au courant de vos avancées techniques. Elles seront de toute manière d’une aide précieuse », conclut Milo Vard.

Fatia salua Vidar qui repartait vers les coursives.

« Nil m’a indiqué que vous aviez fourni des armes légères et lourdes à l’équipe de reconnaissance. Vous redoutez quoi au juste ?, demanda Milo Vard en affichant le manifeste de la cargaison de la navette à partir de son PIM.

— J’espère qu’ils n’en auront pas l’utilité. Mais, quelque chose me dérange dans les circonstances de leur disparition. Je pense que la planète ne nous a pas livré tous ses secrets, répondit Fatia.

— Pourtant, cela fait plusieurs semaines que des sondes de reconnaissance étaient à pied d’œuvre. Aucun élément ne laisse à penser que des Paréliens nous préparaient une surprise. En soi, et à la vue des derniers relevés des sondes, j’accepte l’armement de cette expédition. Cependant, je souhaite que les armes soient mises sous clé. Seuls Nil, et nous deux, aurons la capacité de déverrouiller le cube d’armement. Je ne souhaite pas qu’une colonie s’entretue dès les premières années de l’ensemencement. Rappelez-vous le conflit d’Ition-g. Notre lignée était à deux doigts de s’éteindre. Et ce, pour des rivalités futiles au regard des enjeux de l’ensemencement.  Ces derniers mots de Milo Vard furent prononcés avec une solennité toute particulière.

— Du fait de mon statut de responsable de la sécurité, je suis bien au fait des entrées de l’Humania concernant l’ensemble des conflits armés, répondit Fatia sur un ton assuré et quelque peu courroucé.

— Ne prenez pas mal ma remarque, Fatia. Je ne souhaite pas planter sur Parelas-d la graine de la violence armée. Voilà tout, conclut-il.

— J’espère qu’ils n’en auront pas l’utilité et qu’ils pourront les renvoyer sur le vaisseau mère une fois le mystère levé, » termina à son tour Fatia.

Autour d’eux, la nuée continuait son activité frénétique. Chaque donnée faisait l’objet d’attentions toutes particulières. Chacun avait à l’esprit l’enjeu des découvertes. Il n’y avait pas de troisième solution : soit la colonie s’installait sur Parelas-d, soit la lignée s’éteignait. La tension était visible sur chaque visage. Les rapports allaient toujours dans le même sens au fil des minutes. Pas de corps, pas de survivants. Un camp fantôme vidé de son énergie.

Des théories naissaient çà et là. Certaines fantaisistes, d’autres plus cartésiennes. Là où l’inconnu domine, l’esprit humain a tendance à le remplir de mythes et de monstres. Une hypothèse fusa, se diffusa comme une traînée de poudre et reçut le plus d’adhérents : une mystérieuse brume, n’apparaissant que pendant la phase nocturne de Parelas-d, aurait enveloppé les colons. Selon les créateurs de cette théorie, les colons auraient été dissous instantanément. Théorie qui ne dura pas plus d’une trentaine de minutes, après que quelqu’un eut fait remarquer, et ce à juste titre, que l’on ne trouvait aucune combinaison vide. Sourd à ces quelques fantaisies de l’esprit humain, Milo Vard tourna la tête en direction d’un pupitre d’où des données, issues d’un drone de maintenance désactivé, commençaient à apparaître.

« Enfin quelques éléments pour détricoter ce sac de nœuds. Allons nous pencher dessus, Fatia ! », s’exclama Milo Vard.

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