Stella

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Aimer quelqu'un de toute son âme, au risque de se perdre en plongeant dans l'inconnu est quelque chose de difficile, voire d'effrayant pour certains.

Mais le plus dur reste de s'aimer soi, inconditionnellement.

Blossom

Stella ne pris même pas la peine de monter sur la balance. D'ailleurs, depuis plusieurs mois, des affaires s'entassaient dessus et l'appareil n'était même plus à portée de main, ni de vue.

  • Pff...

Elle soupira en se voyant devant la glace de la salle de bain, emplie de lassitude dès le matin. Une autre banale journée s'annonçait. Certes il faisait beau et chaud, mais c'était comme ça depuis le mois de juin et franchement, cette atmosphère déplaisait plus à la jeune femme qu'autre chose. Son embonpoint faisait qu'elle complexait au point de ne porter que des affaires amples et les marques de transpirations apparaissaient avant même qu'elle ne sorte dans la rue. Non, vraiment, ce n'était pas une saison pour elle. Vivement l'automne !

Elle déjeuna copieusement et se resservie du café. Ces derniers temps, elle s'était surprise à faire un malaise après en avoir trop but. Mais aujourd'hui, elle n'avait pas l'esprit à être raisonnable, tant pis pour son cœur ; elle n'était plus à ça près.

  • Stella ? Tu déjeunes encore ?, s'étonna sa mère dépassée par le fait de devoir reprendre sa fille de bientôt vingt ans. Va prendre ta douche, ton frère doit la prendre après !
  • Ça va maman, il n'a qu'à la prendre avant moi, je ne pars pas de suite de toute façon.

Stella ne comprenait pas pourquoi sa mère persistait à vouloir respecter un certain ordre de passage dans la maison. Elle était l'aînée d'un an, donc forcément elle devait se dépêcher, n'importe quoi ! Au fond, elle savait que rester à la maison devenait plus compliquée, car ils étaient maintenant trois adultes. Mais Stella ne se sentait pas du tout prête à quitter le nid familial : elle aimait ses engueulades avec son frère et ne raterait pour rien au monde les repas de sa mère. Quitte à vivre en collocation, autant que se soit avec les gens que j'aime, se disait-elle souvent. De plus, elle aidait souvent sa mère dans les tâches quotidienne. L'autre raison qu'elle ne s'avouait à moitié, était bien évidemment le regard des autres. Elle ne supportait pas la promiscuité avec d'autres personnes, même de son âge, et s'arrangeait toujours pour ne jamais dormir chez ses amis.

Sa mère lui dit quelque chose, mais déjà Stella monta s'enfermer dans sa chambre. En passant, elle put voir son zombie de frère se diriger en titubant dans la salle de bain.

Les cours commençaient dans un peu plus d'une heure : elle avait donc encore du temps devant elle. Elle alluma son ordinateur et s'adonna à son activité favorite : cracher sur les peoples et leur drama. Stella n'avait pas toujours été aussi aigrie, mais des années difficiles au collège, qui s'était poursuivi jusqu'au Lycée, lui avait laissé un goût amer. Elle ne rentrait pas dans les standards, et son corps, comme pour la conforter, ne rentrait pas non plus dans la "norme acceptable". Ses doigts quelques peu boudinés tapaient nerveusement sur le clavier. Cette vue lui plomba d'autant plus le moral ; jusqu'à présent, c'était la partie de son corps qu'elle préférait.

Une fois sortie, la jeune fille emprunta le métro et eut l'horreur surprise de voir que même à cette heure avancée, il était bondé. Son corps prenait la place de deux personnes et les gens la poussait sans ménagement comme pour lui montrer la gêne qu'elle procurait. Bien-sûr, tout le monde bousculait tout le monde, mais Stella le prenait directement contre elle. Les regards somnolant des usagers se transformaient en reproches quant à son embonpoint ; les coups de coudes, comme une remarque qu'une autre personne aurait pu monter si elle était plus mince. Sa paranoïa avait grandi en même temps que ses insécurités et elle n'arrivait plus à distinguer quand elle se faisait des idées ou non. Pour résumer : où qu'elle aille, les gens étaient des ennemis qui la critiquait. Elle ne se rendait pas compte que la seule juge, c'était elle.

En sortant, la jeune fille pesta : la moiteur de l'air plus les trente degrés et le monde dans métro avait achevé de la mettre en nage. Il lui fallait encore prendre un bus pour rejoindre la fac ! Elle réajusta son large t-shirt noir - déjà bien bas - par réflexe, pour ne pas que l'on voit ses bourrelets. Elle s'épongea ensuite le front et sortie l'élément indispensable à sa survie : son éventail.

Alors qu'elle attendait au feu, qui venait de passer au rouge pour les piétons, une forme inerte allongée sur la route attira son attention. Elle fut l'une des premières à s'en rendre compte et arrêta les voitures impatientes, avant de se précipiter vers la jeune femme. Les magnifiques cheveux orangés de celle-ci, cachait les trait d'un visage qui se devinait radieux. Une pointe de jalousie naquit devant cette silhouette parfaite : même désavantagée, cette fille avait tout pour elle.

D'autres passants l'avait rejoint. Stella s'occupa de maintenir la discussion avec un certain Théo, ami de la jeune femme, pendant que d'autres appelait une ambulance.

Après que tout soit rentré dans l'ordre, Stella repris le chemin du bus et arriva à la fac avec vingt-cinq minute de retard. L'angoisse s'empara d'elle alors qu'elle s'approchait de la porte de l'amphithéâtre. Les portes couvre-feux rouges se dressaient devant elle. Si il y avait bien une chose dont elle avait horreur, c'était bien de se faire remarquer. Or, elle devait se dépêcher de rentrer pour ne pas aggraver son retard. Elle voyait déjà les centaines de paires d'yeux braqués sur elle alors qu'elle s'avancerait et tenterait désespérément de chercher une place. Mais ça ne s'arrêterait pas là : beaucoup d'étudiants ne voudraient pas d'elle à côté car les places étaient très serrées dans cette salle. Le pire qu'elle ait vécu avait été l'intervention du professeur pour qu'un étudiant se décale d'une place : chacun avait pu alors constater - si ce n'était pas déjà fait - qui lui fallait deux places.

Alors qu'elle ne se décidait pas, une voix douce retentit derrière elle :

  • On n'ose pas rentré ?
  • Hein ? Pas du tout, nia Stella dont les joues étaient devenues rouges. Je me tâtais juste à y aller... C'est tout.
  • Hum...

La jeune femme qui lui faisait face ne gobait visiblement pas le mensonge et Stella, gênée, commença à avancer, d'un pas hésitant, vers les portes.

  • Moi non plus je n'ai pas trop envie d'y aller. Je prendrais bien un café, ça te dit ?

Stella resta perplexe, car elle ne se souvenait pas la dernière fois qu'on avait été aussi gentille avec elle ; même ses "amies" se moquaient ouvertement d'elle parfois.

  • Heu, oui, pourquoi pas.

Le soulagement que Stella ressentit en tournant les talons n'avait pas d'égal.

Elle put alors contempler la personne qui venait de lui ôter un moment désagréable de sa vie. Bizarrement, le visage de cette parfaite inconnue lui rappelait le sien. Ce n'était pas une sensation désagréable, mais pour le moins étrange. Il y avait dans ce regard noisette, cette fossette et l'expression générale, quelque chose de familier. La fille lui était pourtant parfaitement étrangère.

  • Je m'appelle Jane, lui dit-elle en souriant.
  • C'est fou, comme ma mère ! Stella se mordit les lèvres face à sa bêtise. Y'a pas qu'un âne à la foire qui s'appelle Martin ! Qu'est-ce qui m'a pris, il faut toujours que j'en fasse des caisses !

Mais la jeune fille se contenta de sourire et entama d'elle même la conversation, ce qui dissipa la gêne de Stella.

En fait, elle passa même une très bonne matinée qui s'étira jusqu'au déjeuner qu'elle prirent ensemble à la cafétéria de la fac. Que c'était agréable de parler avec quelqu'un qui ne la jugeait pas ! Pour la première fois depuis longtemps, Stella se sentait bien. Elle ne pensait plus à l'image qu'elle renvoyait, mais parlait en toute franchise. Quelqu'un qui la voyait pour la première fois, aurait sûrement dit que Stella était rayonnante. Tout son être baignait dans une parfaite harmonie, une paix presque indescriptible de se voir reconnu pour qui elle était, et non pour ce qu'elle était physiquement. Les formes, le poids, l'apparence : tout cela avait disparu pour ne garder que l'être intérieur. Et il était beau.

Au bout d'un moment, après le deuxième café de l'après-midi, Jane se leva brusquement - comme si elle se rappelait de quelque chose - et s'excusa de devoir partir. Si Stella fut déçu, elle n'en montra rien, car le fait d'avoir put profiter de ces instants relevait déjà d'un miracle.

  • Bon ben, à bientôt du coup ! Peut-être même à demain ?

Mais Jane se contenta de hocher tristement la tête. Quelque chose la contrariait visiblement et Stella, qui ne voulu pas abuser de son temps, ne la retint pas davantage pour lui en demander la raison.

Au moment de tourner les talons, la jeune fille eut une phrase un peu étrange, que Stella trouva un peu hors contexte et ne compris pas sur le moment.

  • Le plus important dans la vie, c'est de s'aimer soi.

Elle sourit de nouveau, chaleureusement, avant de terminer :

  • Sinon, qui nous aimera ?

Puis, elle partit en direction de la B.U.

Ce fut la dernière fois qu'elle la vit.

Plus tard, en rentrant chez elle, Stella se trouva belle dans le miroir d'entrée.

  • Stella, tu es rentrée ? Alors ces cours ?, demanda sa mère depuis le salon.

La figure de la jeune fille se renfrogna un peu à l'idée que demain, elle devrait de nouveau affronter la vie étudiante, mais quelque chose en elle avait fait son chemin. Et elle n'aurait sût dire pourquoi, mais quoi qu'il se passe à présent, ça ne lui faisait plus autant peur.

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