Joy

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La beauté apparente ne dépend pas de nous. Si elle est innée chez certains, on dit que le plus dur est de la garder. Véritable atout sociologique, elle peut également s'avérer un frein à qui se repose trop dessus.

La véritable beauté, ne dit-on pas, est celle du cœur ? ...

Blossom

Les portes du métro se fermèrent in extremis devant Joy. Plusieurs hommes galants avaient retenus les portes afin que la ravissante silhouette féminine puisse monter. Une autre jeune femme en avait d'ailleurs également profité, mais tous les regards restaient rivés sur l'allure de Joy. Mélange dégageant sensualité et élégance raffinée, la jeune femme de vingt deux ans ne laissait personne indifférent, hommes comme femmes. Son décolleté laissait entrevoir juste assez, sans pour autant paraître ostentatoire et sa jupe évasée mettait en avant ses courbes gracieuses. Ses magnifiques cheveux orangés retombaient en cascade sur ses épaules nues, et quand elle releva ses lunettes de soleil, tous purent admirer ses beaux yeux verts profonds.

Elle remercia du regard les hommes lui ayant permis de monter. En soi, elle n'était pas réellement pressée ; elle aimait juste vérifier à chaque fois que son charme opérait. C'était plus fort qu'elle. Elle connaissait les ravages que procurait sa beauté et ressentait expressément le besoin constant qu'on lui témoigne de l'attention.

Un homme d'une trentaine d'année à l'allure élancée, lui céda volontiers sa place, que Joy accepta en lui rendant un sourire rayonnant. Le reste du trajet, elle rêvassa en s'imaginant mille et une romance avec l'une des personnes présente dans le métro, réajustant le scénario et les protagonistes en fonction des personnes qui montaient ou descendaient. C'était une de ses activités favorite qui cachait un profond sentiment de solitude. Car sous les apparences et contre toutes attentes, la belle Joy n'avait jamais eut de relations sérieuses et n'avait jamais eut l'occasion de dire "Je t'aime" à quelqu'un.

Sa beauté, qu'elle plaçait avant tout, l'avait maintenu dans une sorte de prison dorée et petit à petit en elle, avait grandit la frayeur de ne pas plaire un jour pour elle même. Sous ses airs de princesse exigeante, se cachait une fille des plus banales qui n'aspirait qu'à une vie paisible, entourée d'amour. Mais elle avait peur de paraître stupide et de ne pas trouver ce qu'elle cherchait. Très jeune, sa beauté avait été reconnu et ses parents l'avaient placés dans diverses concours de mannequina, qu'elle avait bien évidement remporté de loin. L'apparence avait ainsi une très grande importance dans sa construction personnelle et elle s'appliquait avec dévotion à entretenir ce corps de rêve.

Joy se rendait d'ailleurs à sa séance de sport qu'elle ne ratait pour rien au monde. Elle prenait plaisir à retrouver les mêmes personnes qui la flattait du regard, et d'autres qui l'enviait. Cette jalousie à son égard était aussi agréable que n'importe quel compliment, pensa-t-elle, alors qu'elle sortait du métro pour rejoindre l'air libre. Son sac de sport sous le bras, elle pressa le pas pour rejoindre la salle à dix minutes à pied maintenant, le temps de faire le plein pour son ego. Chaque sortie était vitale et elle préférait descendre un arrêt avant pour profiter de la foule. Qui-sait, l'homme de sa vie s'y trouverait peut-être ?

Après sa séance, Joy se sentit pour la première fois épuisée. Elle n'était pourtant pas en période de diète et avait pris garde de rééquilibrer son alimentation après son précédent malaise survenu quelques semaines auparavant. En se regardant dans la glace du vestiaire, la jeune femme pris conscience de la pâleur extrême de son visage. Elle sortit tout l'arsenal de maquillage pour se refaire une beauté, puis, à demi satisfaite, sortit du bâtiment.

L'air chaud de midi était suffocant et Joy suait à grosses gouttes. Pourtant, les gens qui l'entouraient ne semblaient pas souffrir plus que ça de la chaleur. Elle s'épongea le front de sa main moite et anormalement froide. Le feu venait de passer au vert et les piétons commençaient à traverser. Pour la première fois, Joy supporta avec grande difficulté la foule qui arrivait en sens inverse et qui la bouscula sans ménagement. Arrivée au milieu du passage piéton, elle commença à suffoquer et fut prise d'une vague de panique dont elle ignorait la cause. Saisissant son portable d'une main tremblante, elle allait appeler son meilleure ami, quand sa vue se troubla. Les passants continuaient de traverser et lui jetait des regards noirs car elle bloquait le passage alors que le feu allait bientôt se terminer. Déjà le vrombissement des voitures impatientes se faisait entendre. Joy lutta contre une montée de larmes et sa vue se brouilla alors qu'elle appelait Théo.

  • Allô ? Joy ?

Tout le monde avait traversé maintenant et pouvait s'étonner devant la silhouette d'une jeune femme d'une vingtaine d'année allongée sur le sol, inconsciente.

Joy ouvrit les yeux et émergea lentement de son malaise. Deux beaux yeux bleus croisèrent les siens. Elle articula avec peine :

  • Théo ?
  • Chut, détends-toi !

La figure au début rassurante du jeune homme affichait maintenant une mine renfrognée, pleine de reproches.

  • Qu'est-ce qui t'as pris de faire une séance intensive comme ça ? Tu es en con-va-les-cence ! C'est pourtant pas compliqué : tu dors, tu te reposes et tu fais des examens sanguins.

Sous son air protecteur, Théo, ami d'enfance de Joy, cachait tant bien que mal ses sentiments pour la jeune femme allongée devant lui dans un lit d'hôpital. Les passants avait appelé de suite les secours, et Théo toujours au bout du fil, avait pu suivre les événements en direct. Il avait quitté en trombe son cabinet d'architecte et déboulé comme un fou à l'hôpital.

Joy observa les fleurs grossièrement dessinées sur un bout de papier, et tenu à la verticale vers elle grâce à la lampe de chevet. Théo bredouilla, mi-confus, mi-souriant :

  • J'ai pas eut le temps d'aller en chercher, alors...
  • C'est parfait.

N'oubliant pas son côté espiègle, la jeune femme s'empara du dessin et taquina son ami :

  • Tu es en combien d'années d'archi déjà ? Ils ne sont pas sensé vous apprendre à dessiner ?

Théo s'apprétait à répondre mais repris son sérieux alors qu'un infirmier entrait dans la chambre.

  • Mademoiselle Joy ! Comment vous sentez-vous ?
  • Assez bien pour quitter cet endroit lugubre, merci.

Sa mère l'année précédente, avait faillit succomber à un cancer du sein, mais s'en était miraculeusement remis. L'hôpital lui rappelait donc avec horreur, toutes ces après-midi - voire soirée - passées au chevet de sa mère. L'infirmier haussa un sourcil, mais ne dit rien ; beaucoup de gens détestait l'hôpital et les raisons étaient variées. Il lui fit brièvement le détail du résultat des analyses : tout était parfait. Une légère chute de tension qu'elle devait surveiller et ménager son corps pendant un certain temps.

Théo soutenait la jeune femme par le bras : il avait réussit - après avoir insisté longuement - à ce qu'elle prenne appui sur lui. Joy avait surtout refusé au départ car elle connaissait les véritables motivations du jeune homme et ne souhaitait pas le faire souffrir inutilement. Mais après deux pas vacillant, elle avait dû se rendre à l'évidence qu'elle ne pourrait pas rentrer seule.

Le contact de son corps contre le sien était assez inhabituel et étrangement réconfortant. Elle se sentait bien, à sa place. Elle n'aurait su dire pourquoi, mais elle appréciait leur "ballade" qui n'en était pas vraiment une. Joy connaissait Théo depuis son plus jeune âge. Ils avaient participé aux mêmes concours de beauté, et lui aussi avait remporté plusieurs titres dans la catégorie masculine. Ils s'étaient suivit jusqu'à la fac où leur études avaient pris des chemins différents : lui s'était orientée vers l'architecture et elle avait arrêté son cursus pour se consacrer à sa carrière de mannequin.

Ces derniers temps, les horaires du jeune homme faisaient qu'ils ne se voyaient presque plus. C'était peut-être la raison pour laquelle Joy se sentait heureuse en ce moment même. En tout cas, elle s'en persuada, et sans plus y penser, profita de leur trajet ensemble.

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