I

3 minutes de lecture

En arrivant à la gare où il n’avait pas mis les pieds depuis plus de vingt ans, Pietro Capelli était heureux comme un pape. Enfin, la décision en faveur de la réouverture de la ligne sur laquelle le vieil homme avait fait ses débuts en tant que chef mécanicien avait été votée par le conseil d’administration de la ville : d’ici six mois, la locomotive à vapeur reprendrait du service pour les touristes venus des quatre coins du monde.

Engagé dans l’un des tunnels qu’emprunterait bientôt de nouveau le vieux train, Pietro sifflait gaiement. Dans quelques mètres, il verrait apparaître l’aiguillage près duquel se trouvait l’une des deux salles de contrôle de la ligne. Sortant l’énorme trousseau de la poche de sa salopette bleue, il inséra la clef qui lui permettrait d’entrer dans la pièce, puis la tourna doucement. À sa grande stupéfaction cependant, le vantail n’était pas verrouillé.

Incrédule, il rempocha son trésor cliquetant puis donna au volant un demi-tour vers la droite. La porte piquetée par la rouille s’entrebâilla dans un grincement.

Au même instant, une odeur pestilentielle envahit ses narines et le tunnel derrière lui.

Le bas du visage protégé par la manche de son pull épais, Pietro poussa le battant et promena le faisceau de sa lampe torche dans l’espace clos. Les machines étaient là, comme dans son souvenir, la poussière en plus.

Toutefois, lorsqu’il éclaira la partie droite de la salle, il découvrit quelque chose qui n’était pas là avant et qui n’y avait définitivement pas sa place : un monceau de corps jetés les uns par-dessus les autres, des cadavres mutilés, apparemment à des stades de décomposition différents. Au-dessus de la pile, une femme que l’on avait scalpée lui renvoyait, de ses yeux couleur d’opale, la lumière jaunâtre de sa lampe. Le cœur au bord des lèvres, il la laissa échapper et détala comme un lapin.

~oOo~

Lorsque Andrew arriva sur les lieux, Dylan se trouvait déjà sur place. Pâle comme la mort, elle semblait faire tous les efforts du monde pour ne pas défaillir.

Drew s’approcha de sa collègue puis entoura ses épaules d’un bras protecteur.

Au bout d’un instant, et comme elle reprenait quelques couleurs, il s’enquit de sa santé.

— Je crois que ça va aller maintenant, susurra-t-elle en levant le visage vers le capitaine. C’est horrible là-dedans… un véritable charnier.

Drew effleura la joue de sa partenaire.

— Tu aurais sûrement rêvé mieux pour ta reprise...

Dylan esquissa un sourire sans joie.

— Je ne sais même pas si c’est ça. Jamais de ma carrière, je n’ai encore croisé... ça ! Toutes ces filles… ces femmes…

— Tu te sens d’y retourner ?

— Je crois que je vais rester ici encore un peu. Vas-y toi. Je te rejoins dans un moment.

Andrew déposa un baiser sur son front puis pénétra dans le tunnel où des dizaines de projecteurs à la forte lumière blanche avaient été placés.

Le bas du visage enfoui au creux du coude, Drew parcourut la distance qui le séparait de la salle de contrôle. Devant cette dernière, une torche électrique, que personne ne s’était donné la peine d’éteindre, gisait à terre devant le battant désormais largement ouvert.

Il se préparait à entrer quand Gary apparut devant lui.

— Je venais justement voir si tu arrivais, lança-t-il en lui tendant un masque qu’Andrew ne rechigna pas à enfiler.

Toutefois, si cette chose s’avérait efficace contre les microbes, elle ne l’était aucunement pour l’odeur qui s’infiltrait désormais dans ses narines.

La bile remontant soudain dans sa gorge, il se déporta légèrement sur sa gauche puis attendit que le malaise passe.

— Je sais, lâcha Gary. Ce n’est vraiment pas la panacée ces masques !

Andrew, les larmes aux yeux, acquiesça en silence.

Tentant d’oublier les effluves pestilentiels, il pénétra dans la salle à la suite de son collègue, découvrant l’amas de cadavres dont lui avait parlé Dylan. À première vue, il n’était en effet constitué que de corps de femmes. Cependant, pour voir ce qui se trouvait au cœur de ce mille-feuille humain, il faudrait d’abord retirer les couches du dessus, celles qui, logiquement, étaient le moins décomposées.

Annotations

Vous aimez lire Aspho d'Hell ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0